LA LETTRE : EMILIE MULLER
Emilie Muller, c’est avant toute chose un visage. L’un des plus beaux jamais apparus sur un écran. Celui d’une éblouissante actrice, Veronika Varga, dont la spontanéité nous saisit en l’espace de quelques secondes. Cette même spontanéité qui n’acceptera d’ailleurs jamais de nous relâcher, en tout cas jusqu’à la fin. Elle imprime la pellicule, les photogrammes de nos souvenirs. Véronika Varga est à la fois débordante de naturelle et dans le même temps marionnette d’une chorégraphie que l’on se doute très travaillée, répétée. Le court-métrage tient sur ses épaules, sur sa performance qui, en même temps d’impressionner, partage un vibrant hommage envers la figure de l’Acteur.
Mais ce court-métrage de 20 minutes fonctionne également grâce à sa mise en scène, d’apparence sobre mais en réalité très réfléchie ; en particulier son jeu autour de la mise en abime du cinéma. Les premiers plans dévoilent les coulisses, ce qu’on ne voit d’habitude jamais, le décor caché du cinéma, à savoir le plateau de tournage. Le dispositif est révélé, le spectateur croit que la magie du cinéma est brisée, elle sera au contraire révélée.
Même à l’extérieur du décor filmique, tous les métiers du cinéma sont sollicités dans le cadre de l’audition. Le Perchman utilise sa perche pour saisir le son, l’équipe image régule la lumière sur Émilie Muller, le clap est pris à chaque prise et le réalisateur dirige l’interview. Les frontières entre fiction et réalité sont floues, de même que celles entre documentaire et fiction. La mise en scène jouera constamment entre les deux médiums ; que ce soit l’impression d’un temps réel avec l’utilisation du plan-séquence, des cuts brutaux pour changer de prises et en même temps un changement de point de vue déconcertant où l’on entre dans le plan que filme la caméra.
Et enfin, il y a ce retournement de situation. Un choc comme une évidence, à la fois sensationnel et intimiste. Bouleversant. Le réalisateur Yvon Marciano livre sa définition du cinéma, une ode à l’acting et une réflexion sur la place du spectateur.
Dès le générique de début et l’apparition du magnifique grain de la pellicule, une mélodie dramatique nous rappelle les plus belles partitions de l’histoire du cinéma. Les notes nous emportent immédiatement, entièrement, tragiquement ; dans un ailleurs, dans une fiction, parce qu’on aime ça. On se nourrit d’histoires comme elles se nourrissent de nos âmes. Tout le court-métrage repose sur ce dispositif d’anecdotes racontées par Émilie Muller, le Personnage à l’état pur, lors de son audition.
Par le biais de simples objets, chacune de ses paroles ré-enchante le quotidien, le sien comme le nôtre. On se reconnaît, on se souvient, on revit nos images personnelles, celles qui sortent de nos coeurs. La plus belle expression du pouvoir de l’imaginaire sur le réel. Autrement dit, simplement le Cinéma.
Vous pouvez retrouver l’ensemble des Lettres juste ici.
Émilie Muller, réalisé par Yvon Marciano, disponible sur Youtube
Auteur/Autrice
Partager l'article :