La 49ème édition du festival international d’animation d’Annecy s’achève. Après Flow – Le chat qui n’avait plus peur de l’eau en 2024, le prix du public revient à Amélie et la métaphysique des tubes, et c’est mérité !

Amélie : fable ou histoire vraie ?

Présenté en work in progress à Annecy en 2023, le projet donnait envie à beaucoup de monde déjà et la sortie de ce Amélie et la métaphysique des tubes présageait d’une belle réussite artistique. Et bien, on peut dire que le résultat dépasse toutes les attentes ! D’ores et déjà le grand favori du public d’Annecy, le film est un accomplissement technique, narratif et artistique. Tout le temps fort, tout le temps beau, la puissance du film en désarçonnerait presque. Pour comprendre ce que le métrage accomplit, penchons nous d’abord sur ce qu’il entreprend.

Cela ne vous a sûrement pas échappé, Amélie et la métaphysique des tubes est une adaptation du roman d’Amélie Nothomb. Cette autrice est mondialement connue pour ses récits singuliers et détonants. Son roman à l’origine de cette adaptation est semi-autobiographique et raconte sa petite enfance au Japon, tandis que son père, à l’époque diplomate pour la Belgique, y installe sa famille. Roman à succès et culte pour toute une génération, le choix d’avoir porté à l’écran un livre si important parmi une bibliographie si vaste est judicieux.

Peace Out
© Haut et Court / Maybe Movies / Ikki Films

L’histoire raconte celle d’Amélie, personnage du même nom que l’autrice, lors de sa naissance au Japon et de sa découverte de la vie, petite dernière de la famille. C’est un tableau charmant qui dépeint ses rencontres, ses fractures émotionnelles, ses premières pensées, qui tissent la toile de sa personnalité durant ses premières années.

Il est débat parmi les lecteurs du livre original quant à la part de romance et de vérité concernant cette autobiographie. L’autrice se mettant en scène elle-même, beaucoup y verront une tentative auto-glorificatrice. Presque parodique tant la jeune Amélie se présente elle-même comme Dieu, toujours plus maligne que les autres, presque dotée de super pouvoirs. Ce papier ne règlera peut-être pas le débat, mais apportera sûrement des réponses vis-à-vis des intentions d’Amélie Nothomb.

métaphysique des tubes

À partir du moment où tout le film est raconté par Amélie elle-même et qu’elle s’auto-proclame Dieu, il est évident que le film épouse le point de vue du nouveau-né de façon à ce qu’il n’ait pas encore conscience que le monde ne tourne pas autour de lui. C’est par ses yeux, sa bouche et ses mots que son vécu nous est transmis, ainsi déformé par son interprétation d’enfant qui ne saisit que ce qu’il veut. Amélie est en effet son propre petit Dieu, qui confond tempête et orage avec sa propre colère, ou qui se voit couper en deux la mer pour s’amuser.

Le film puise dans le merveilleux de l’animation pour illustrer toutes ses pensées folles. La réalisation de Maïlys Vallade et Liane-Cho Han permet d’époustouflantes mises en couleur, animées d’une main de maître, qui vont placer les personnages au centre du récit. Souvenirs, rêves, peurs, joies, tous sont palpables, beaux et différents les uns des autres. C’est un film qui s’amuse, avec nous mais surtout avec lui-même.

Moïse c'est qui au fond
© Haut et Court / Maybe Movies / Ikki Films

C’est bien à travers les personnages qu’elle rencontre qu’Amélie se construit. D’abord comme une coquille vide de sa naissance jusqu’à ses deux ans, c’est lorsqu’elle rencontre sa grand-mère qui ne la considère pas comme un bébé mais comme une vraie personne qu’Amélie prend vie. Puis, elle se trouve la passion de vivre aux côtés de la fabuleuse Nishio-san, la gouvernante, qui construit avec elle une relation plus que touchante, pivot du film, dans ce que chacune apporte à l’autre. Amélie raconte les évènements en voix-off tout le film, apportant une vraie direction à ce magnifique récit car sans, tout tomberait à l’eau. Ce dont Amélie elle-même fait les frais à plusieurs reprises, dans des tentatives de tester les limites entre la vie et la mort. Oui, on parle d’Amélie Nothomb après tout. 

le japon À l'honneur

Dans cette logique, Amélie et la métaphysique des tubes ne lésine pas sur les expériences traumatiques qu’une vie de jeune enfant peur être amenée à subir. En évitant de tomber dans des écueils drastiques, l’histoire nous présente des tragédies que n’importe qui pourrait traverser. Ce sont ces évènements, en parallèles aux rencontres que fait Amélie, qui vont structurer le récit. Et ces moments forts sont justement là où le métrage s’en sort brillamment. Deuil, drame familial, accidents, rien n’est épargné à Amélie sans pour autant en devenir un Malheur de Sophie. Au point que ce que l’on retient le plus, c’est surtout le voyage et les découvertes, au lieu des pertes et ceux qu’on laisse derrière nous.

Cet enrichissement passe aussi beaucoup par le pont culturel entre Europe occidentale et Asie oriental. En effet, le Japon n’est pas une toile de fond du récit, mais un véritable moteur spirituel pour tous les personnages. Modernité et tradition se fracassent à grands coups et ce, au sein même du pays. Les nouvelles générations se rétablissent de la Seconde Guerre, tandis que les anciennes ne parviennent pas à oublier. Un contexte très fort dans lequel Amélie sera à la fois piégée et renforcée. Certains de ses choix auront des conséquences qu’aucun adulte n’aurait eu le cran d’imaginer !

J'aimerais avoir le même jardin. - Moi aussi. (Amélie et la métaphysique des tubes))
© Haut et Court / Maybe Movies / Ikki Films

« Dieu est un tube qui laisse tout passer ; il avale tout ce qui existe sans rien retenir ». Voici la phrase qui ouvre le film, allégorie alambiquée de ce que l’enfance a de plus pur, de plus naïf. Au final, la métaphysique des tubes, c’est un peu comme la mécanique des fluides. Sauf qu’on n’y étudie pas la force interne de la nature mais celle de l’Homme. 

Amélie et la métaphysique des tubes est le résultat d’un ton tout le temps amusant, décalé et parfois sombre. Un mélange unique, dont l’animation sert toujours son propos et la technique est irréprochable.

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