J’ai vécu un profond malaise pendant la projection de Un Monde de Laura Wandel. Ce malaise ne m’est pas venu des épreuves vécus par les personnages, mais de la radicalité du discours qui est tenu. C’est là tout le problème que j’ai avec cette œuvre.

La thèse que nous présente le film est la suivante : A l’école il n’y a que de la méchanceté. Et la seule réponse plausible à cette méchanceté serait… d’être encore plus méchant. Ce discours manque cruellement de nuances à mon sens. A l’exception d’une scène, le scénario ne laisse aucune place à d’autres émotions que la peur et la colère. Pour être encore aujourd’hui immergé dans ce milieu scolaire, je sais qu’une journée d’écolier se construit aussi autour d’autres émotions plus positives, même pour les profils les plus problématiques, harceleurs, harcelés… C’est vrai les enfants sont particulièrement cruels, mais ils sont également capables de montrer une bienveillance infinie au même instant. Ce grand écart n’est jamais proposé, ce qui nuit à l’ambition réaliste du film. Dans sa diégèse les enfants subissent des châtiments pareils à ceux que pourrait infliger des caïds de la mafia. Cette dissonance décrédibilise complètement le discours proposé. Dans la réalité les enfants ne mettent pas la tête de leurs camarades dans des sacs en plastique et l’école ne permet pas de séquestrer un camarade dans une poubelle. Par contre la cruauté des enfants est bien plus subtile et invisible que celle dépeinte ici. Je regrette de ne pas avoir retrouvé cette cruauté à l’écran. Ce n’est que lors de petits moments d’accalmie où il ne se passe « rien » que le scénario parvient à transmettre une certaine grâce réaliste.

Ces invraisemblances scénaristiques sont lourdement appuyées par la mise en scène. Dès le premier plan on remarque une photographie terne et dé-saturée. La caméra garde son personnage en amorce, filmé en très longue focale. Les décors faits de murs de béton ou de grillages immenses enferment les personnages comme dans une prison. Cette atmosphère anxiogène n’évoque pas seulement l’univers carcéral, un autre parallèle peut se créer dans la tête du spectateur qui a vu Le Fils de Saul. Et c’est en arrivant à cette comparaison que le film m’a définitivement perdu. Tous ces artifices cinématographiques auraient été les bienvenus s’ils ne servaient pas un point de vue biaisé sur son sujet. Cependant comme pour le scénario il y a quelques outils de réalisation qui m’ont séduit. J’ai beaucoup apprécié le fait que la caméra suive uniquement Nora en restant à sa hauteur d’enfant et que le film ne déroge JAMAIS à cette règle. Je dois aussi reconnaître qu’il y a un mixage sonore particulièrement travaillé qui participe grandement à l’immersion.

Tous ces choix radicaux font de Un Monde le constat urgent d’une situation alarmante certes mais selon moi ce discours extrémiste sur l’école n’est que parcellaire. C’est un premier film choc et impactant qui manque de sagesse et de clairvoyance. Je suis trop sensible au sujet pour assister à une vision aussi radicale de l’école qui n’est en réalité qu’une représentation microcosmique de la société des adultes.

La Bande-Annonce du film :

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