Projet très attendu de la réalisatrice Halina Reijn, suite à son précédent succès Bodies Bodies Bodies, Babygirl raconte l’histoire de Romy, une femme de pouvoir à la tête d’une entreprise florissante. Sexuellement frustrée, elle va se lancer dans une relation sulfureuse avec son nouveau jeune stagiaire, sans en mesurer les conséquences.

Romy (Nicole Kidman) entame une relation avec son stagiaire Samuel (Harris Dickinson) © A24
Romy (Nicole Kidman) entame une relation avec son stagiaire Samuel (Harris Dickinson) © A24

Un conte sexuel qui ne tient pas ses promesses

La thématique de la sexualité chez les femmes de plus de cinquante ans au cinéma, et en particulier la libération sexuelle de ces dernières, a toujours su fasciner son public. En effet, le tabou de la mère de famille frigide et sexuellement insatisfaite n’a eu cesse d’être brisé à l’écran, et le fait d’avoir une proposition au travers des yeux d’une réalisatrice féminine était alléchant. De plus, avoir confié ce rôle à Nicole Kidman, qui a réussi à prouver par le passé sa capacité à jouer des personnages à la sexualité complexe (Eyes Wide Shut, The Paperboy…), semblait être une idée brillante.

L’œuvre est malheureusement loin de répondre aux attentes que pouvait s’en faire son public, et souffre d’une multitude de problèmes le rendant au mieux ennuyant, et au pire pathétique. Cette dernière production du studio A24, réputé pour sa production et distribution de films alternatifs et parfois subversifs ou provocateurs, laissait présager un conte sexuel enflammé, peut-être un peu cynique et légèrement excentrique sur les bords.

Le film, en réalité, ne correspond en rien à ces attentes. Son écriture manque de relief, ses dialogues peinent à captiver et frôlent parfois le ridicule. Quant aux scènes de sexe, elles échouent à susciter la moindre sensualité. Certaines séquences semblent conçues spécialement pour marquer les esprits, mais leur artificialité ne laisse place à aucune émotion, faisant, au lieu de cela, résonner un sentiment de malaise qui rend leur visionnage désolant. L’écriture et l’enchaînement de certaines scènes pourraient laisser penser que l’histoire est inspirée d’une fiction écrite par un.e adolescent.e n’ayant aucune connaissance du fonctionnement de la séduction et de la sexualité en général.  

De nombreux parallèles sont dressés entre le personnage de Romy et une chienne © A24
De nombreux parallèles sont dressés entre le personnage de Romy et une chienne © A24

Un traitement maladroit des dynamiques de pouvoir

La forme du film laisse à désirer, mais il en est malheureusement de même pour son fond, faisant passer des messages caricaturaux et parfois à la limite de la misogynie. En effet, le personnage de Romy est constamment montré dans des positions suggestives et sous tous les angles possibles, au contraire de Samuel, son stagiaire avec qui elle a une affaire, que l’on ne voit jamais complètement nu. Cette manière désuète de filmer le corps d’une femme dans une relation avec un homme relèverait plus du male gaze que d’un élan de féminisme, incohérent avec le discours de la libération du corps de la femme, ici filmé comme pour satisfaire le regard masculin.

De plus le film aborde brièvement des éléments intrigants, comme la remarque de Romy sur le fait qu’elle se considère comme « aimant se mettre en danger » depuis petite. Cette affirmation, mise en perspective avec son enfance dans un environnement sous emprise, soulève des questions importantes sur la manière dont ces expériences on façonné sa fragilité et sa vulnérabilité. Pourtant, ce point, bien qu’ayant un potentiel narratif important, est à peine mentionné et n’est jamais développé par la suite. Cette omission laisse une impression d’inachevé, d’autant plus que cet aspect aurait pu enrichir la compréhension de Romy en tant que personnage et donner de la profondeur au récit. 

Par ailleurs, l’oeuvre semble ignorer que le consentement dans une relation se doit d’être libre et éclairé. Une scène en particulier montre Romy céder sous la pression et le chantage affectif de Samuel, la menaçant de réduire sa carrière à néant. Ceci reflète un traitement problématique de la question par la réalisatrice, la scène reflétant plus de l’abus que d’une relation réellement consentie dans son entièreté. Ce manque de considération pour le consentement met en lumière une approche simpliste, voire maladroite, d’un thème pourtant central dans les dynamiques de pouvoir et de vulnérabilité abordées dans l’œuvre.

Une dynamique de pouvoir inégale va s'instaurer entre les personnages © A24
Une dynamique de pouvoir inégale va s'instaurer entre les personnages © A24

Un échec au service des clichés

Finalement, la morale du film laisse sous-entendre que pour être sexuellement épanouie, il faut aimer se faire traiter de manière dégradante par le premier venu plutôt que de communiquer avec son conjoint sur le sujet. Ce message est désuet et réducteur, et est bien loin du message de libération sexuelle de la femme que souhaite faire passer ce film. Encore une fois, cette œuvre ne révolutionne en rien le désir féminin, et le fait au contraire correspondre au cliché que les médias véhiculent depuis la nuit des temps. La fin est d’ailleurs assez bancale et les relations entre les personnages font encore moins de sens qu’au début du film.

Pour conclure, Babygirl est un échec cuisant, aux dialogues mal écrits, aux personnages clichés et sans intérêt et à la morale questionnable et désuète. Le film ne sait pas à qui s’adresser, étant trop ancré dans les normes du regard masculin pour plaire à un public souhaitant un vent de féminisme sur le sujet de la sexualité des femmes, et étant trop peu subversif ou cynique pour plaire à un public souhaitant voir une œuvre à la sauce A24. Pour enfoncer le clou, le rythme du film manque profondément de dynamisme, et l’ennui finit irrémédiablement par s’installer. 

Malgré son potentiel et ses ambitions, ce long-métrage s’enlise dans des clichés et des maladresses. Plutôt que de proposer une vision audacieuse ou novatrice, il renforce des stéréotypes bien ancrés, tant dans sa forme que dans son propos, faisant encore une fois de la femme, un personnage en position de faiblesse.

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