Beau est différent. Maître d’une histoire, de son histoire, il mène une exploration à travers ses souvenirs, ses songes et ses plus grandes peurs. Dans une quête de 3h, Ari Aster cherche à réunir physiquement certes, mais surtout psychologiquement Beau (Joaquin Phoenix) et Mona, sa mère (Patti LuPone).
Ari Aster casse les codes
Dans une composition au rythme effréné, Beau tente à tout prix de lutter contre un univers qui semble se liguer contre lui. Menant une quête quasi impossible dans une histoire aussi improbable qu’elle soit, il tente de se battre contre les autres mais surtout contre lui-même. Ari Aster casse son personnage, le tord, le distend tout comme son histoire. Dès qu’une péripétie est bien construite, dès que le spectateur est confortablement installé, Ari Aster arrive et détruit tout à coup de masse. Brillamment, il arrive à perdre Beau et à perdre ses spectateurs. Il ne faut pas s’attacher à qui que ce soit, ni à quoi que ce soit car tout peut se casser à tout moment. C’est ainsi que l’histoire prend forme, que l’histoire de Beau prend forme. Dans un humour décalé emprunté à Terry Gilliam et dans des scènes (humoristiques également mais pas que) qui rappellent David Lynch, Ari Aster démontre toute sa palette créative en s’inspirant (peut-être) mais surtout en créant une histoire littéralement dingue.
Joaquin Phoenix, au sommet de son art
Un grand film, c’est avec une grande actrice ou/et un grand acteur. Joaquin Phoenix est immense. Beau is Afraid le confirme. De l’enfance (Beau jeune est interprété par Armen Nehapetian) à un âge avancé, Beau (Joaquin Phoenix) traverse le temps et l’espace avec justesse. Dans un jeu à la fois sincère, touchant et absurde, Joaquin Phoenix dresse un parfait portrait d’une folie dévorante pour son personnage et pour les autres. Principale victime, il n’arrive pas à faire comprendre sa pathologie à sa mère et tente par tous les biais de se sortir de situations aussi impromptues les unes que les autres.
À noter la présence quasi muette mais hilarante de Denis Ménochet. Compagnon de route de Beau, qui est en mission durant une bonne partie du film.
Beau is Afraid, chef-d’œuvre et véritable ovni cinématographique
Beau is Afraid est mon film le plus personnel – c’est ainsi qu’Ari Aster définit son dernier film.
S’obstiner à chercher un sens tout cousu à Beau is Afraid serait tomber et s’enfermer dans la réalité de Beau. Les griffes se resserrant, il convient d’apprécier le film comme une longue recherche menée par le personnage de Joaquin Phoenix. Ari Aster dessine cette réalité alternative perçue par Beau, une réalité par moment idyllique, par moment angoissante. Une réalité qui est à l’image de ses sentiments, de ses sautes d’humeur, tantôt positives et tantôt négatives.
Beau is Afraid est un véritable voyage initiatique dans la tête de Beau. Avec Ari Aster, 3h c’est court. Quelle audace de réaliser un tel film aujourd’hui, une longue épopée introspective qui pousse ses protagonistes, tout comme ses spectateurs dans leurs retranchements. Bref, du cinéma, du grand cinéma ! Bravo, Monsieur Aster.
Beau is Afraid, la capharnaüm ordonné d’Ari Aster sort le 26 avril en France.
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