Le Duel est une rubrique en partenariat avec Le Drenche. Chaque vendredi chez eux, et chaque samedi ici, deux rédacteurs de Ciné Maccro confrontent leur avis, positif ou négatif, sur un film !

Raging Bull, drame biographique américain de 1980, réalisé par Martin Scorsese, avec Robert De Niro, Joe Pesci et Cathy Moriarty

Synopsis : Jake LaMotta est un boxeur américain d’origine italienne surnommé « le taureau du Bronx ». Issu d’un milieu modeste, il atteint les sommets grâce à des combats mythiques, notamment contre Sugar Ray Robinson et Marcel Cerdan, qui le mèneront au titre de champion du monde des poids moyens. Mais il connaît ensuite l’échec de sa vie privée (divorce, reconversion en gérant de boîte de nuit…).


Le Pour

Thomas G.

Scorsese et la boxe sophistiquée

Au commencement, il y avait le vide. Puis vint en 1976 Rocky, devenu depuis visage de l’american dream et icône de l’abnégation et du dépassement de soi. Quatre ans plus tard, arriva ce qui s’avèrera être la face d’une même pièce, le penchant sophistiqué de la boxe : Raging Bull. Un film à la réputation tardive dont l’originalité l’a depuis installé parmi les meilleurs films des années 80.

Oeuvre de l’italo-américain Martin Scorsese, c’est avant tout un projet personnel de Robert de Niro, qui a vu en Jake LaMotta, boxeur au tempérament sulfureux et à l’existence mouvementée, un rôle à la hauteur de son incommensurable talent. Sans glorification, sans strass ni paillettes, Jake LaMotta doit autant au talent d’écriture de Paul Schrader qu’à celui d’acteur de De Niro, dont la performance physique et spirituelle, saisissante, lui rapportera très justement l’Oscar du Meilleur Acteur en 1981. 

Mais si Raging Bull s’est imposé au Panthéon du 7ème Art, c’est avant tout pour le travail de mise en scène de son réalisateur. Quelle décision audacieuse que cette image en noir et blanc ! Choix de Scorsese et de son directeur de la photographie Michael Chapman, le pari, aussi risqué que réussi, donne au film son aspect classieux et sa singularité. Et Martin Scorsese de sublimer cette idée en confirmant qu’il reste l’un des plus grands réalisateurs de notre temps, notamment dans des scènes de combat saluées, filmées à l’intérieur et non à l’extérieur du ring comme cela se faisait d’ordinaire, mettant ainsi le spectateur au coeur de l’action et de la psyché du personnage principal (psyché ô combien tumultueuse), et ce durant tout le film.
Et que serait Martin Scorsese sans sa monteuse fétiche, Thelma Schoonmaker ? Comme pour endiguer la frénésie de son cinéaste, elle empêche au film l’écueil de la répétitivité malvenue, et dynamise un film à la cadence déjà effrénée, porté par le bagout du duo De Niro-Joe Pesci, duo à l’alchimie mordante.

Raging Bull est plus qu’un film, c’est une symbiose, la preuve de la magie inégalable du cinéma. Un chef-d’oeuvre dont les composantes s’assemblent pour offrir le meilleur d’elles-mêmes et où Martin Scorsese rend à la boxe toute sa noblesse, prouvant aux plus réfractaires son talent de conteur et de réalisateur. Une oeuvre mémorable à tous points de vue, dont la maestria continue, presque quarante ans plus tard, de marquer au vif le coeur et la rétine de générations de cinéphiles.


LE CONTRE

Antoine C.

Scorsese face au revers du génial

Dédouaner Scorsese, c’est prendre le risque de souiller des années de grandeur cinématographique, tant le réalisateur new-yorkais a marqué le cinéma de son empreinte. Une empreinte qui lui joue des tours sur Raging Bull, où le sublime côtoie l’indifférence.

C’est là tout le paradoxe qui anime Raging Bull pendant plus de 2 heures : la perfection absolue des scènes de combat de l’oeuvre met un peu plus en lumière les difficultés du film à exister. Si la grâce touche le film sur le ring, les scènes entre donnent l’impression d’un comblement sans âme. Les dialogues fusent au point d’en être assourdissants, voulant nous introduire un Jake LaMotta colérique, instable, une idée ancrée en nous dès le début sans véritable évolution. L’ennui caractéristique des embrouilles à répétition entre Robert De Niro et Joe Pesci nous donne finalement la sensation que Scorsese ne sait pas quoi faire pour combler (malheureusement sans réussite) le vide qui sépare le véritable exercice esthétique des combats, que l’on attend avec impatience.

Outre les dialogues, c’est bien le travail visuel qui impacte le plus, avec le parti pris de Michael Chapman, directeur de la photographie, et de Scorsese d’opter pour le noir et blanc ; en composant certains plans (de combat) comme de véritables oeuvres picturales dignes des grands maîtres, Scorsese réédite la prouesse visuelle de Taxi Driver ; pourtant, ce choix visuel, couplé par un montage efficace, sous la houlette de Thelma Schoonmaker, monteuse attitrée de Scorsese, de bout en bout et oscarisé à raison, ne peut se justifier dans le reste du film, et creuse le fossé de l’indifférence lorsque l’on voit par exemple De Niro hurler pour son steak.C’est là qui explique toute la déception face à Raging Bull : confronté au revers du génial, Scorsese semble se tétaniser à construire autour de celui-ci ; en voulant dresser le portrait d’un homme torturé, il souffle le chaud et le froid, incapable de tenir tout du long l’incroyable qu’il propose par bride. C’est là tout le risque d’un film aux moments de bravoure inégalable ; la grandeur de ces moments ne fait qu’amplifier les défauts du reste, et c’est l’ennui et la déception qui nous guette dans l’attente de la prochaine exaltation.


Bande-annonce

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1 Comment

  • princecranoir
    On 3 août 2019 11 h 14 min 0Likes

    Montage des combats incroyables, je crois calqué sur sur la scène de douche de psycho (il me semble avoir vu ça à l’expo Scorsese à la cinémathèque).
    Perso, je donne le pour vainqueur. ?

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