László Tóth, architecte fictif juif Hongrois qui échappe à la guerre, se retrouve propulsé dans une nouvelle vie à construire des bâtiments en béton. Pendant les 3h34 du Brutalist, il va se battre contre l’Amérique.
On en fait plus des comme ça. Des fresques de plus de trois heures qui nous renvoient aux films exigeants de Peter Watkins. On en fait plus des comme ça, des films qui nous laissent 15 minutes pour respirer à leur moitié. 15 minutes pour reprendre ses esprits avant de plonger dans l’horreur. Un entracte qui fait passer ce film d’excellent à exceptionnel, parce que sans lui, ça serait trop. Des films aussi lourds et chargés de traumatismes, des films qui transpirent l’horreur, des films qui font réaliser et comprendre non pas dans la tête, mais dans le ventre. On en fait plus des comme ça.
Sauf Brady Corbet, qui après le timide Vox Lux en 2018, réalise ce mastodonte avec Adrien Brody et Felicity Jones, mari et femme ayant échappé aux camps de concentration, et désormais mis à l’écart par leur hongrois natal sous titré en jaune. C’est un rêve américain qui meurt dès les 10 premières minutes du film, avant de se transformer petit à petit en cauchemar – accentué par ces spots publicitaires édulcorés pour la Pennsylvanie.
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traumatisme bienveillant
László Tóth est un homme qui va se battre pour reconstruire sa vie dans un nouveau pays. Architecte, c’est d’ici que jaillit l’obsession de l’artiste, le parallèle entre le conscient et l’inconscient, le projet infaisable qui sert en tant que symbole. László Tóth doit construire un temple (en réalité c’est à la fois un gymnase, une bibliothèque, une chapelle et une quatrième chose qui m’échappe), en l’honneur de la mère décédé d’un homme riche, Harrison Van Lee Buren. Inévitablement, et même si l’architecture est plutôt sous-représentée sur le grand écran, The Brutalist est un film sur l’art. D’où la mention de Peter Watkins, réalisateur en 1974 du faux documentaire de 3h31 sur Edvard Munch, reprenant dans sa forme les principales critiques que l’on faisait sur l’art du peintre, utilisant des images démonstratives récurrentes et mixant réalité et fantaisie dans cette envolé parfois lyrique, parfois complètement réaliste. Ce sont tous deux des films pluriels qui utilisent pléthore de techniques pour nous plonger dans un mal être ultime et pour nous gêner de manière ingénieuse.
« Peu importe ce que l’on vous dit, ce qui est important c’est la destination, pas le voyage« . Quelle réplique déprimante…et pourtant proche de clore le film, juste après qu’on nous explique comment la construction de l’architecte était, depuis le début, une déclinaison du camp de concentration de Dachau en Allemagne (celui dont il a échappé). Et même si sans l’avoir réellement compris, on s’en doutait déjà, les mots ont une force, et cette pensée inavouable formulée à haute voix nous claque dans nos sièges, si bien qu’on ne penche même pas nos têtes pour lire ce générique débullé sans retenue.
Faire un film de cette trempe avec 10 millions de dollars relève du miracle. La salle de cinéma…des fois on y va pour être rassuré, pour voir ce que l’on connaît déjà, comme ces enfants qui demandent encore et toujours qu’on leur raconte la même histoire avec les mêmes mots, avant d’aller dormir. Et des fois, on y va parce qu’on veut découvrir. Voir quelque chose de nouveau qui nous change, nous bouscule, quelque chose qui nous rend peut-être un peu meilleur. The Brutalist appartient à cette deuxième catégorie.
En salles depuis le 12 février.
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