Critique sans spoilers.

Noir... Le chevalier l'était, le film l'est devenu.

The Batman n’est plus une histoire de super héros. Matt Reeves réalise en fait un thriller sombre et désespéré, dans lequel le personnage principal serait une allégorie constamment déstabilisée de la peur et de la vengeance. Terminées les atmosphères sèches et lumineuses, terminée la bienveillance d’autrui, le Gotham qui nous est ici montré est une ville infiniment sale, poisseuse, infestée jusqu’à la moelle, constamment frappée par la pluie et plongée dans une permanente obscurité. Et c’est dans ces méandres de corruption que Reeves fait jaillir son personnage des ténèbres, répondant à ce signal lumineux : « It’s not a call, it’s a warning ». On retrouve tellement de films dans The BatmanSe7en, Saw, James Bond, Mad Max : Fury Road, et même certaines caractéristiques de la trilogie de Nolan. De la même manière que le faisait Hans Zimmer dans The Dark Knight, la bande originale s’articule autour de 2 notes. Mais cette fois, ce n’est plus l’héroïsme ou le courage qui sont suggérés, c’est bel et bien la morosité, la fatigue, et parfois la nostalgie qui apparaissent. Ce qui est alors impressionnant, c’est de voir le film se dépêtrer dans toutes ces influences pour trouver sa voix et présenter un univers unique. Tant de sentiments impurs et tâchés de vices, cascade inopportune de catastrophes dans laquelle les personnages se noient.

UN SYMBOLE BIEN PLUS QU'UN HOMME.

Si le film s’appelle The Batman, c’est parce que dans ce film, Bruce Wayne n’existe plus, seule la chauve-souris demeure. Cette transformation, clairement explicitée, permet une concentration absolue sur les thématiques liées au héros, disséquant le deuil, la solitude et les peurs du personnage. En parallèle apparaissent les forces antagonistes, concluant cette course poursuite haletante par un délicieux paradoxe, ramenant au point de départ l’intégralité des certitudes acquises quant aux films de super héros en général. Que c’est beau de voir un gentil avoir peur. Saisir ce moment où tout bascule, où l’on sent ses valeurs s’écrouler et l’impuissance prendre le dessus, cette panique infinie que filme Reeves dans les yeux de Pattinson, ce sont des choses qu’on ne voit normalement jamais. Prolongeant cette étude psychologique du personnage, quantité d’images symboles ponctuent le film, jouant ainsi sur une représentation visuelle des émotions. Là où Nolan finissait son film par le son (« – Batman ? Batman ! Why is he running, Dad ? – Because we have to chase him. – He didn’t do anything wrong. – Because… he’s the hero Gotham deserves, but not the one it needs right now. So, we’ll hunt him, because he can take it. Because he’s not our hero. He’s a silent guardian. A watchful protector… A Dark Knight. »), Reeves décide d’illustrer visuellement ce gardien, donnant ainsi une dimension beaucoup plus impactante aux images et démultipliant le ressenti du spectateur. The Batman est d’ailleurs un film bien trop nouveau et innovant pour qu’on s’en détache. Jamais un blockbuster n’a été filmé de cette manière : rajoutant aux décors une profondeur repoussante, Reeves accomplit ici un des fantasmes de François Truffaut : « Je veux que mes films donnent l’impression d’avoir été tournés avec 40° de fièvre ». La caméra, par sa stabilité, sa mouvance léthargique, et ses accroches fixes sur les motos, les voitures, et les combinaisons, nous laisse penser que l’ambiance maladive dépeinte contamine le métrage et ses composants. Les bruits sont sourds, les moteurs graves, les cadres chirurgicaux, la lourdeur émanant du film lui permet un ancrage profond dans tout ce qu’il montre et raconte, ouvrant l’accès à ce niveau de sérénité narrative rappelant beaucoup le West Side Story de Steven Spielberg. Et c’est donc sur l’Ave Maria de Schubert que l’on assiste à la destruction de la morale et du système judiciaire, tenant en son sein une extrême caricature d’une société secrètement inégale, vouant l’intrigue à un climax final terrifiant de vérité.

LE TOURNANT DE LA SUPERPRODUCTION.

Je n’ai pas vu tous les films du monde, loin de moi d’affirmer quelconques idioties. Mais je pense bien pouvoir clamer sans problème que The Batman est le film de super héros le plus novateur dans sa manière de traiter et de montrer son sujet. Un film de ce genre était tout à fait indispensable à l’univers Batman, car il reflète tout un pan émotionnel jusqu’alors passé sous silence. Une plongée dans les traumatismes obscurs d’une figure tout aussi sombre. Il s’agit de percer l’armure pour atteindre le cœur, sonder l’insondable… Un très grand film, potentiellement futur tournant dans la manière qu’auront les artistes d’aborder les super productions.

La Bande-Annonce du film :

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