Le 10 avril dernier, nous avons pu découvrir la sélection officielle du prochain Festival de Cannes. Le film qui ouvrira le bal sera Partir un jour d’Amélie Bonnin. Mais savez-vous que ce film est la version longue d’un court-métrage signé en 2021 par la même réalisatrice et avec les mêmes premiers rôles ? Revenons sur cette version courte, très sympathique et actuellement disponible sur le site d’ARTE !

QUOTIDIEN ET MUSIQUE d'ANTAN

Julien est écrivain. Futur papa, il vient de signer son premier livre, best-seller. Mais le devoir familial l’appelle : il prend une journée pour retourner dans sa Normandie natale, afin d’aider ses parents à déménager. Là-bas, il croise une amie d’adolescence, Caroline. La journée qui s’ensuit sera l’occasion pour les deux de raviver quelques souvenirs.

L’on peut tout d’abord dire que le titre Partir un jour est des plus appropriés pour ce court, tant il résume tout le principe du film. Il s’agit bien sûr d’une référence à la fameuse chanson des 2Be3, qui ouvre le film. Elle est reprise dans un ton plus acoustique et mélancolique par des quidams, à l’arrêt d’un bus.

Juliette Armanet dans Partir un jour © Arte & Topshot films
Juliette Armanet dans Partir un jour © Arte & Topshot films
Bastien Bouillon dans Partir un jour © Arte & Topshot films
Bastien Bouillon dans Partir un jour © Arte & Topshot films

Cette introduction pose le ton ; Partir un jour est un film musical. Mais point d’envolée dans sa musicalité ! Il existe plusieurs types de comédies musicales, dont un appelé jukebox, qui ne se base pas sur des chansons originales, au profit d’œuvres déjà existantes. C’est le cas de Partir un jour, dans lequel les personnages reprennent eux-mêmes des chansons connues. Comme un karaoké (comme nous l’annoncent d’ailleurs très malicieusement les crédits, surlignés en jaune de gauche à droite) ! Plus précisément, dans ce court-métrage, les personnages chantent dans le contexte de leur quotidien. Le film opte en effet pour un style inspiré du documentaire (éclairage naturel, caméra majoritairement à l’épaule) et l’inclusion de chansons vient apporter une belle touche de fantaisie à l’ensemble.

Drôle et mélancolique

C’est avec ce dispositif que l’on suit Julien à travers une réalisation intelligente. Elle mise notamment sur la caméra à l’épaule, mais aussi sur la longue focale pour mieux isoler les personnages par rapport à leur environnement, avec lequel ils sont en inadéquation. Rajoutons à cela une très belle photographie et une utilisation juste et symbolique des plans larges.

Partir un jour est également un film doté d’un humour découlant du malaise. À commencer par le traitement infantilisant que reçoit Julien de la part de ses parents ! Il doit faire avec un père anti-parisianiste primaire, déçu de voir que son fils n’assume pas ses origines provinciales, et une mère culpabilisante. C’est lors d’une virée avec elle au supermarché que Julien retrouve Caroline, avec beaucoup d’embarras. S’ensuivra une virée nocturne à la piscine municipale, qui fera admettre à Julien qu' »il ne suffit pas de quitter les choses pour que les choses nous quittent »…

Le film parle des regrets qui naissent suite aux bifurcations que l’on emprunte dans la vie. Partir un jour mise sur un ton doux-amer touchant pour aborder cette thématique. Ton renforcé par les acteurs. Bastien Bouillon réussit, par sa frimousse et ses gestes, à donner à son personnage d’écrivain transfuge un côté bien timoré. Juliette Armanet est également très bonne dans son rôle de femme qui a choisit une vie plus simple et qui garde enfoui en elle les regrets du temps. 

Chanter est ce qui permet à Julien et Caroline d’exprimer leurs sentiments intérieurs. Ainsi, ils reprennent en solitaire ou entre eux des hits des années 1990, soit la période de leur adolescence. Comme s’ils n’avaient jamais grandi. Comme si le temps s’était arrêté durant leur séparation avant de reprendre son cours à leurs retrouvailles… Nous pouvons ainsi entendre, en plus des 2Be3, du Francis Cabrel, du Ménélik et du Larusso.

La symbolique derrière ce choix rend le film encore plus attendrissant dans sa mélancolie, surtout lors de sa conclusion.

Bastien Bouillon et Juliette Armanet dans Partir un jour © Arte & Topshot films
Bastien Bouillon et Juliette Armanet dans Partir un jour © Arte & Topshot films

QUELQUES FAUSSES NOTES

Malgré ses qualités, Partir un jour n’est pas exempt de failles. À commencer par le fait que le film aurait mérité d’être plus long. On sort du film avec la sensation que le film aurait quand même pu pousser plus loin le traitement de ses thématiques. Comme si le format du court-métrage ne lui suffisait pas pour parler bien en profondeur des transfuges de classe ou des regrets. Peut-être aurait-il dû viser le format du moyen-métrage…

Dans tous les cas, cela donne de l’espoir pour la version longue, dont la sortie est prévue pour la mi-mai et qui ne pourra que corriger ce défaut ! Défaut qui n’est d’ailleurs pas aidé par un dernier acte qui arrive d’une manière trop abrupte.

Notons également de légères faiblesses d’écritures dans les dialogues, dont certains sonnent trop « écrites », pas assez orales.

Malgré tout cela, Partir un jour reste un film très charmant. Il réussit à exploiter son idée fantaisiste de comédie musicale du quotidien pour donner lieu à une assez belle histoire mélancolique.

Le film est actuellement disponible sur le site d’ARTE jusqu’au 07 mai prochain.

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