Les Soprano, série télévisée dramatique américaine, créée par David Chase et diffusée entre le 10 janvier 1999 et le 10 juin 2007 sur HBO, avec James Gandolfini, Edie Falco…
Trois programmes HBO ont révolutionné le feuilleton au tout début des années 2000 et sont devenus des monuments culte de la fiction américaine, au point d’influencer tout ce qui est produit aujourd’hui. Ces mètres étalons sont la très urbaine The Wire et la sombre Six Feet Under, mais la première œuvre à avoir bouleversé le paysage de la série télévisée et à modifier réellement la donne depuis Twin Peaks et X-Files reste le show le plus cinématographique jusqu’alors jamais produit, Sopranos, la saga mafieuse dramatique de David Chase.
Beaucoup d’entre vous l’ont peut-être déjà visionnée, probablement plusieurs fois, mais pour ceux qui découvriront cet opus majeur, on ne peut que vous envier. Sopranos est un énorme succès critique et commercial : c’est la série câblée ayant eu le plus gros succès financier de l’histoire de la télévision, récompensée par 21 Emmy Awards et 5 Golden Globes. La qualité de son écriture, de son interprétation et de sa réalisation lui ont souvent apporté le titre de « meilleure série de tous les temps ».
Sans aucun point commun avec la comédie Mafia Blues, le synopsis démarre pourtant par un postulat similaire. Tony Soprano, mafieux émérite du New Jersey, souffre de crises d’angoisses et consulte une psychiatre en secret de ses lieutenants. Il doit gérer d’un côté les affaires de sa famille mafieuse, et de l’autre assumer ses fonctions de chef de famille dans un milieu italo-américain traditionnel et réactionnaire.
La série se développe alors et nous montre un quotidien criminel fait de violences commises par Tony et ses lieutenants, de guerres de territoires et de conflits d’influence – parallèlement, le mafieux tente de préserver sa famille, ses enfants, sa mère, et de résoudre ses dilemmes intérieurs. Certains épisodes s’aventurent sur le terrain du fantastique, parfois du burlesque, parfois du surréalisme onirique : la prise de risques paie car chaque épisode est un véritable bijou.
Le ton passe très souvent d’un côté à l’autre de la barrière narrative. Le spectateur peut être captivé aussi bien par un choc de personnalités entre Tony et un mafieux rival que par les relations qu’il entretient avec ses enfants, sa femme ou sa thérapeute. Une vraie profondeur émane de l’ensemble de l’œuvre, qui reste toujours aussi complexe et moderne presque 20 ans après sa première diffusion.
En termes de réalisation, on est dans une très grande série, avec aux commandes des maîtres comme Tim Van Patten (Game of Thrones, The Wire, Deadwood, Rome, Boardwalk Empire…), John Patterson (Six Feet Under, La Caravane de l’Étrange) ou Allen Coulter (Sons of Anarchy, House of Cards) ainsi qu’occasionnellement le showrunner David Chase lui-même,ou des invités comme Steve Buscemi (également acteur). Les séquences dramatiques, les séquences d’action, de comique, de violence – parfois à la limite du supportable – ou parfois même de mystère donnent à la série une couleur unique, dans laquelle on peut passer d’une exécution gore à un dialogue hilarant ou une inquiétante scène de terreur nocturne, les névroses de Tony et de plusieurs personnages principaux ne quittant jamais l’écriture.
Le casting est d’ailleurs un véritable régal. Tony Soprano est incarné avec maestria par le monumental et regretté James Gandolfini (Le Dernier Château, In the Loop, Zero Dark Thirty), tout en perversion et complexité, à la fois brute ignare, chef tyrannique et calculateur, père aimant ou négligent, oscillant entre la froideur, la compassion, l’égoïsme manipulateur et l’impulsivité.
Les autres mafieux récurrents sont aussi hauts en couleur. Dominic Chianese (Le Parrain 2) interprète le parrain impitoyable du New Jersey, « Oncle Junior », vieillard méchant et paranoïaque. Michael Imperioli (Life on Mars US) joue le rôle de Christopher, le neveu et disciple de Tony, un jeune homme tourmenté par sa conscience et ses addictions, compagnon de la belle et naïve, Adriana. Au départ caricature de la bimbo du New Jersey, le personnage évolue en même temps que la carrière de la comédienne Drea de Matteo qui obtient pour ce rôle un Emmy de la meilleure actrice pour un second rôle (elle poursuit entre autres avec un rôle récurrent dans dans Sons of Anarchy, Joey ou Desperate Housewives puis prend le rôle principal de Shades of Blue en 2016). Tony Sirico (qui fit vraiment partie de la mafia dans les années 70) interprète Paulie, un lieutenant aussi dévoué que stupide et ridicule. Steve Van Zandt (rôle principal de Lilyhammer) joue Silvio, le consigliere et sage bras droit de Tony, mesuré mais tout autant capable de violence que ses confrères, sinon plus. Vincent Pastore, habitué aux rôles de mafieux, interprète lui le rôle de Pussy, lieutenant angoissé de Tony. Enfin, le meilleur ami de Tony, le restaurateur affable Artie Bucco (John Ventimiglia), n’est pas un criminel mais subit hélas les conséquences des querelles de son entourage, mauvaises pour son business !
D’autres personnages arrivent au fur et à mesure de la série, tel le loyal rondouillard Bobby Baccala (interprété par Steve Schirripa), le psychopathe cruel et clownesque Ralph Cifaretto (Joe Pantoliano, vu dans des dizaines de blockbusters dont Matrix où il joue Cypher), ou encore Tony Blundetto, le cousin de Tony Soprano, ancien mafieux rangé des voitures et interprété avec talent par le très bon Steve Buscemi (que l’on ne présente plus).
Du côté famille, on retrouve la comédienne fétiche d’HBO Edie Falco (Oz, Nurse Jackie) dans le rôle de l’épouse hypocrite de Tony, Robert Iler dans le rôle du fils sensible Tony Jr. et la future excellente comédienne Jamie-Lynn Sigler dans le rôle complexe de Meadow, une jeune fille dont les valeurs progressistes vont à priori à l’opposé de celles de son père. La sœur de Tony, Janice (excellente Aida Turturro) est une bombe à retardement hystérique, prétexte à tous les drames. L’acariâtre matriarche Livia Soprano, personnage central, est interprétée par la remarquable Nancy Marchand dont la carrière inclut des films avec Otto Preminger, Mike Nichols ou Sydney Pollack. La psychiatre de Tony est interprétée par Lorraine Bracco, bien connue des fans de Scorsese (Les Affranchis). Les séquences de thérapie sont parmi les meilleures de la série, et les drames qui y sont liés donnent parfois lieu à de bizarres flash-backs, ou à des scènes surréalistes.
Il y a beaucoup d’autres rôles, des flics, des victimes, des mafieux d’autres familles… on retrouve entre autres rôles récurrents ou cameos le sympathique Robert Patrick, Jon Favreau, Janeane Garofalo, Annabella Sciorra, Sydney Pollack, Julianna Margulies, Daniel Baldwin, Frankie Valli, Tobin Bell, Paul Dano, Annette Benning, Nancy Sinatra et Frank Jr, Lauren Bacall et bien sûr Martin Scorsese (quelques secondes !).
La bande originale et la musique sont incroyablement riches, avec une playlist allant de la chanson sicilienne au gangsta rap, avec une préférence pour la pop-rock américaine. La série inspirera de nombreuses autres œuvres, de Lilyhammer à Breaking Bad, et sera parodiée un nombre incalculable de fois, dans les Simpsons, les Griffin ou même le jeu vidéo GTA qui s’en inspire en partie.
Il y a énormément de choses à dire sur ce chef-d’œuvre, que ce soit sur les ambiguïtés morales, les aspects psychanalytiques, la construction narrative innovante et audacieuse…. et cela a été fait dans de nombreux ouvrages et sur de nombreux sites. Le mieux est de commencer à le regarder si vous ne l’avez pas encore fait, et de passer un moment inoubliable avec la famille mafieuse la plus mémorable de la télévision.
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samatticus
J’adore cette série sur la mafia italo-américaine. Aucun acteur n’est décevant et joue avec réalisme. Quel dommage que J Gandolfini soit parti si tôt ! Un seul « reproche » : la fin de la série, qui nous laisse justement sur notre faim…