Après la très bonne réception critique et populaire de son film Jusqu’à la garde, Xavier Legrand revient avec Le Successeur, un drame quasi horrifique librement inspiré du roman d’Alexandre Postel, L’Ascendant.

Elias, récemment nommé directeur artistique d’une grande maison de Haute-Couture française, apprend la mort soudaine de son père avec lequel il n’a plus de lien depuis de nombreuses années. Cette terrible nouvelle l’extrait de sa vie parisienne pour l’amener au Québec. En plein dans la gestion administrative du décès, il y découvre un lourd héritage.

Le patriarcat comme toile de fond

Le patriarcat, c’est le fil rouge qui traverse mon premier long métrage et celui-ci. J’avais envie de parler de la violence des hommes et de montrer comment le patriarcat peut écraser les femmes, les enfants mais aussi les hommes. – Xavier Legrand

Par le personnage d’Elias, Xavier Legrand raconte la force du père exercée sur l’enfant. L’absence de lien et la fracture avec la famille sont évoquées mais volontairement non expliquées. Ce flou accentue l’omniprésence du spectre paternel durant tout le film. Elias se sent torturé à la fois par la mort mais également par l’absence. La mort et l’héritage viendront froidement appuyer ce tout. Marc-André Grondin joue un personnage se présentant comme superficiel certes, mais d’apparence plus juste et sensé que son père. Le film rendra son verdict sur cette question dans sa deuxième partie.

Marc-André Grondin alias Ellias Barnès © Haut et Court
Marc-André Grondin alias Ellias Barnès © Haut et Court

Les codes de l’horreur par Xavier Legrand

Le Successeur se construit autour de l’arrivée d’un plot twist, attendu ou pas par les spectateurs, la question peut légitimement être posée. Très bien amené, construit et codifié, ce plot twist change le cours de l’histoire et fait basculer le film dans une autre dimension. Xavier Legrand sème volontairement des indices qui permettent de comprendre l’arrivée de ce tournant. Ainsi, le réalisateur passe du drame au thriller presque horrifique en jouant avec les codes des différents genres. Le noir, l’enfermement volontaire d’Elias, la suffocation sont tant de stratagèmes utilisés pour développer une certaine angoisse chez le spectateur. Le styliste en devient presque claustrophobe. Le tout est appuyé par ses problèmes cardio-vasculaire, autre leg de la part de son père. Les va-et-vient de l’ancien entourage de son père appuient cette presque oppression et cette omniprésence de l’être décédé. Elias devient emprisonné des terres québécoises, jusqu’à reprendre l’accent gommé.

Dominique Duchesne (Yves Jacques) et Marc-André Grondin (Ellias Barnès) © Haut et Court
Dominique Duchesne (Yves Jacques) et Marc-André Grondin (Ellias Barnès) © Haut et Court

Une grande maitrise générale

La direction d’acteurs, le scénario et la réalisation plus globalement font du « Successeur », un film d’une grande maitrise. Ces aspects rappellent parfois les thrillers très construits et codifiés de Denis Villeneuve, Prisoners sans le citer. Marc-André Grondin n’est pas en reste. Calibré pour le rôle, il monte en puissance au cours de l’histoire et fait du film un one-man-movie. La majorité des plans, des séquences mettent en lumière un Elias à la dérive, métamorphosé par le jeu d’acteur de l’acteur principal. L’une des scènes finales, l’un des dénouements à double sens est par ailleurs magistralement interprété par l’acteur français, presque complexe à assister pour le spectateur et l’audience de la scène. 

Le Successeur, dernier film du réalisateur Xavier Legrand, impressionne de maitrise. Construit en étapes, le film casse les genres explorés par les codes des genres voisins. Il se présente néanmoins comme un thriller français comme il en existe peu.

Le Successeur, en salles depuis le 21 février.

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