Le Duel est une rubrique en partenariat avec Le Drenche. Chaque vendredi chez eux, et chaque samedi ici, deux rédacteurs de Ciné Maccro confrontent leur avis, positif ou négatif, sur un film !
LE POUR
ANTOINE C.
Plaidoyer pour le doublage
Depuis que le cinéma existe (ou presque), les spectateurs ont pu découvrir leurs oeuvres favorites dans leurs langues maternelles, et cela grâce à un métier mal aimé : celui de doublage.
Entendons-nous : le débat VO ou VF n’a de réponse que notre inspiration personnelle, mais cette question, aussi brûlante soit-elle, met en lumière le mépris que subit le doublage. Pourtant, le savoir-faire français en la matière rayonne à travers le monde, nous qui sommes les meilleurs ou presque en la matière. Oui mais voilà : le fait même qu’un métier, externe au processus de création filmique originel, puisse venir se superposer au travail initial semble une hérésie pour certains.
Pourtant, doublage ne semble pas gage de souillure : nombre sont les films qui ont connu la postérité grâce à leur VF, et nombreux sont les acteurs identifiés au timbre de leur comédien de doublage. Car outre se superposer à la performance originelle, notre comédien de doublage redonne une seconde vie au personnage en brisant la barrière de la langue. Cela nécessite une adaptation correcte : collant au scénario, tout en adaptant la référence pour chacun saisisse la substantifique moelle du propos. Le comédien doit ensuite redonner vie sans parodier à ce texte qui lui a été conçu, sous la houlette de la direction artistique.
Oui, doubler n’est pas simplement répéter : cela nécessite de l’expérience, du talent et du travail : c’est somme toute une performance, celle d’un acteur. Sans eux, nombreux sont les films que nous n’aurons pleinement saisi ; car oui, c’est une réalité, une grande partie du public reste attaché à notre langue, et le plaisir d’un doublage est parfois la seule possibilité d’accès au film pour certains.
Entendons-nous : un mauvais doublage peut saccager une performance ; mais la maxime fonctionne parfois aussi dans l’autre sens, et on a trop tendance à sous-estimer cela.
Pour toutes ces raisons, le doublage tend à être reconsidéré par une partie du public ; de nombreux réalisateurs font attention à cela, et ce pour que le doublage ne nuise pas à l’expérience filmique, bien au contraire. C’est l’occasion à des comédiens à la voix magnifique d’exercer à leur juste valeur leur talent ; car une performance ne nécessite pas forcément l’image. Le cinéma ne s’en porterait que mieux, lorsque le dénigrement parfois stérile d’un corps de métier s’avère délétère pour tous. Car finalement, le plus important, ça ne serait pas de voir les films, dans les conditions que l’on juge les meilleures pour nous ?
LE CONTRE
THOMAS G.
De la considération de l’acteur comme artiste
Le cinéma est un art à la fois sonore et visuel. Et dans ces deux composantes, la composition d’un acteur tient une place importante. Et, alors que le cinéma s’exporte partout et sur tous les supports, difficile aujourd’hui de ne pas considérer le doublage comme une hérésie.
La question ici ne sera pas d’analyser la qualité du doublage français. Le pays qui a vu naître les frères Lumière est aussi celui qui peut se targuer de posséder les meilleurs comédiens de doublage au monde, qui ont marqué de leur voix les esprits de générations de spectateurs hexagonaux. Leur professionnalisme est indéniable. Mais il convient d’en remettre en cause le principe même.
Qu’on torde le sujet dans tous les sens, on ne peut considérer le doublage comme une performance artistique au même niveau que la performance de l’acteur original. Et ce pour des raisons multiples : manque d’indications de la part du réalisateur, temps de préparation moindre, temps de tournage réduit… Un comédien de doublage a, de toute évidence, beaucoup moins d’armes pour peaufiner son jeu que l’acteur du film, qui aura lui travaillé en profondeur son personnage, s’en sera imprégné des semaines voire des mois durant.
Et plus qu’une hérésie, on pourrait considérer cette superposition comme un irrespect du travail de l’acteur. Sa performance est artistique au même titre que celle d’un monteur ou qu’un chef opérateur. Penserait-on un instant à modifier le travail de ceux-ci ? Pourquoi l’acteur n’aurait-il pas droit au même respect de son travail ?
Alors que le numérique connaît son apogée et que la diffusion des films se facilite (et avec elle, celle de leur version originale), visionner les films dans leur version originale semble à la portée de (presque) tous, bien plus qu’au XXème siècle où la VF pouvait être effectivement considérée comme la norme.
Reconnaissons ici l’indéniable talent de nos comédiens français ; mais reconnaissons également que préférer la VF est pour une large partie du public une question de confort éloignée de tout intérêt artistique. Privilégier la VF à la VO, c’est nier au long-métrage son apport artistique originel, c’est considérer son propre agrément supérieur à la vision d’un réalisateur et de son acteur.
Sans exiger un autodafé du doublage, reconsidérer l’apport de l’acteur qui, pour le meilleur et pour le pire, s’investit moralement, intellectuellement voire physiquement, c’est s’offrir une expérience à tous points de vue décuplée, et, et c’est le plus important, honnête et vraie.