Avec Le Choix, Gilles Bourdos signe aux côtés de Vincent Lindon un remake des plus inutiles à Locke de Steven Knight, avec Tom Hardy.
Un acteur, une voiture
En 2013 sortait un film anglais qui a joui d’une certaine réputation, Locke. Écrit et réalisé par Steven Knight (à qui l’on doit la série culte Peaky Blinders), ce film avec Tom Hardy nous raconte l’histoire d’un homme qui va passer une nuit décisive. L’intérêt de Locke tient dans son dispositif : en effet, l’intégralité du film ne montre qu’un seul acteur à l’écran, en l’occurrence Hardy. Ce dernier incarne Ivan Locke, dont la voiture constitue le point central de l’action. Locke nous montre son personnage prendre des conversations téléphoniques alors qu’il prend la route en destination pour un lieu particulier.
C’est par ces conversations que Steven Knight dévoile une intrigue de thriller mêlé à du drame psychologique. Un homme au nom significatif (Locke/lock) prend un choix qui va ruiner son existence actuelle…et peu lui importe. Sont placées au centre de cette intrigue et au sein du lieu confiné de la voiture les questions de la responsabilité et du sacrifice. En résulte un thriller en solo et en huis-clos qui sait se faire oppressant et pousser à la réflexion et à l’honnêteté quant à ce que ferait le spectateur dans une telle situation. En plus de proposer une histoire qui sait être émotionnellement forte par instants. Le tout avec une esthétique et un montage bien léchés qui réussissent à renforcer le sentiment de solitude de Locke face à la gravité des conséquences de ses actes, mais aussi celle du spectateur, enfermé avec lui pour un périple houleux.
Est venue au réalisateur français Gilles Bourdos l’idée d’en faire un remake. Exit Tom Hardy dans le rôle de Ivan Locke, bonjour Vincent Lindon sous les traits de Joseph Cross. Non sans changer au passage le titre pour un autre (des plus insipides) : Le Choix. Lindon est également entouré de noms assez prestigieux et le spectateur pourra ainsi entendre les voix d’Emmanuelle Devos, de Micha Lescot, Grégory Gadebois, Cédric Khan et Pascale Arbillot. L’on retrouve même les frères Machado-Graner (Milo, révélation d’Anatomie d’une chute, mais aussi Solan, vu dans En attendant Bojangles).
Par bien des aspects, en résulte un film d’une inutilité totale ! Et pour cause ; Le Choix est ni plus ni moins qu’une redite en français de Locke…
La même, en français...
Le Choix ne se contente en effet que de refaire Locke dans la langue de Molière. L’intrigue reste identique, avec les mêmes thématiques : le héros affronte le même problème, en discutant avec les mêmes personnages. Il souffre également d’une même relation houleuse avec son père décédé, avec qui il s’imagine également parler.
Mais le pire se situe autre part : la redite du film original ne se situe pas seulement au niveau de l’intrigue, mais jusqu’aux détails du scénario ! Dans les deux versions, Locke/Cross manque un match de football avec sa famille. Il demande également les mêmes ordres à son collègue de travail (Andrew Scott/Micha Lescot) etc. Mais surtout, bien des répliques sont répétées ! Simplement traduites en français. Bref, on est sur de la répétition. Il aurait juste manqué de refaire le film original plan-par-plan pour crier pour de bon à l’arnaque.
C’est ce qui rend le film détestable et anéantit son intérêt en tant que remake : il n’apporte strictement rien de plus par rapport au film original ! Il est d’ailleurs regrettable que parmi les rares grands changements effectués, nous comptions le titre du film. Nouveau titre insipide, nous l’avons dit, car celui original avait le mérite d’être chargé de significations.
Nous comptons également un personnage principal semblant désormais trop dans le contrôle. Ce qui rendait Ivan Locke aussi fort était son caractère, toujours sur la ligne entre craquage et volonté absolue de maîtrise de soi selon les événements qui lui arrivaient dans cette voiture. Mais qui ne souhaite au final qu’une chose : avoir des valeurs, contrairement à son père. C’était un personnage dont on sentait qu’il renfermait des émotions si palpables. Notamment une haine envers soi mêlée à une volonté d’avancer. Mais aussi des larmes. Des larmes de tristesse qui venaient humaniser plus que jamais ce Locke si ambigu.
Une opportunité gâchée
De l’inutilité dans laquelle on navigue, nous retiendrons seulement la performance des acteurs. Vincent Lindon est toujours aussi imposant (bien que trop pour le bien de l’intrigue, paradoxalement). Le reste du casting suit également, notamment Lescot, Gadebois et les frères Machado-Graner. Notons néanmoins une petite faiblesse de la part de Devos (qui vient remplacer le rôle assuré originellement par Olivia Colman), malheureusement pas toujours juste.
Retenons également le nom du directeur de la photographie du film, Mark Lee Ping Bin. Grand collaborateur du réalisateur Hou Hsiao-hsien et ayant travaillé sur In the Mood for Love, il a pu assurer de plutôt belles images tout le long du périple.
Nous conclurons par une question qui se pose à l’aune de tout cela : quitte à refaire Locke, pourquoi ne pas s’être plutôt réapproprié le concept de Locke ? Cela aurait été plus judicieux. Le concept est à la fois d’une simplicité et d’une richesse folle. Une voiture et des conversations téléphoniques : un vrai terrain de jeu en somme pour permettre tant d’histoires, dans bien des genres et avec bien des personnages. Il aurait clairement fallu miser sur cette idée car en réalité, le film original n’avait clairement pas besoin d’un remake. Il fonctionne encore dix ans après. Et quitte à voir le même film qu’avant, autant voir justement le même film qu’avant.
En bref, Locke ou Le Choix… du pareil au même. Le second n’est qu’une copie sans aucune fraîcheur du premier. Dans tous les cas, quelle aubaine ! Car un choix, bien réel, s’installe alors : français ou anglais ? Votre rédacteur se permettra de vous recommander plutôt la version anglaise, plus maîtrisée en terme d’ambiance et d’émotions.
Le film est actuellement en salles.
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