C’était il y a un peu plus d’une semaine : la réalisatrice Sophie Chaffaut présentait son documentaire dans la belle salle de cinéma du Nouvel Odéon, dans le 6ᵉ arrondissement de Paris. L’ambiance chaleureuse du lieu rappelait la montagne, et les questions fusaient après la séance, pour le plus grand bonheur de PelliCulte. Quoi de plus normal après un tel film, qui révèle une figure oubliée de l’Histoire ? Décryptage d’une femme d’exception, alpiniste hors norme, qui savait figer ses montagnes adorées comme personne.

Une femme qui vit encore

C’est en menant des recherches sur la pionnière des réalisatrices Alice Guy que la cinéaste Sophie Chaffaut a entendu parler pour la première fois de Lizzie Le Blond. Une femme ayant vécu au tout début du XXᵉ siècle, aujourd’hui malheureusement méconnue. Et pourtant, elle fut l’une des premières femmes alpinistes, photographe et réalisatrice, exerçant ses passions en toute liberté, en dehors des conventions de son époque. S’ensuit alors une enquête qui mènera Sophie Chaffaut jusqu’à une idée folle : marcher dans les traces enneigées de cette grande dame, en partant à son tour en pleine montagne et en tentant l’ascension de la pointe Burnaby, sans expérience préalable en alpinisme ni en haute montagne.

Comme la cinéaste l’affirme lors de la présentation du film, cette démarche lui vient d’un besoin presque vital de documenter le passé et de redonner une place à ces femmes pionnières oubliées, à une époque où les femmes cinéastes restent encore trop invisibilisées. Ce travail de mémoire n’est donc pas simplement important : il est nécessaire.

Une femme au milieu de la montagne
La réalisatrice Sophie Chaffaut en pleine montagne © Hello Emotion

Filmer la montagne

Il en résulte un documentaire de quarante-cinq minutes au rythme soutenu, dont les multiples couches de narration tiennent en équilibre autour de la figure féminine qu’est Lizzie Le Blond. Le film se révèle finalement davantage comme une enquête que comme une performance, puisqu’il évite, de manière surprenante, le spectaculaire, en ne fondant pas tout son propos sur l’ascension de sa réalisatrice. Au contraire, l’enjeu principal demeure l’hommage rendu à Lizzie Le Blond, à travers la révélation même de son existence et de ce qu’elle fut, grâce à une pluralité de points de vue rassemblés aux quatre coins du monde. C’est aussi une véritable déclaration d’amour à l’alpinisme et aux montagnes. Celles-ci sont filmées comme des reines : majestueuses, hypnotiques, insaisissables, laissant glisser la lumière avec grâce sur leurs flancs.

La réalisatrice Sophie Chaffaut s'aventure sur les mêmes pas que Lizzie, l'une des premières femmes réalisatrices
L'ascension filmée en première personne © Hello Emotion
Sophie Chaffaut, la réalisatrice
Sophie Chaffaut, la réalisatrice © Hello Emotion

L’image, très soignée, joue sur ces contrastes de lumière et immerge le spectateur dans ce voyage, alternant plans d’ensemble aériens survolant les pics montagneux et caméra à l’épaule, révélant ce que chaque pas peut coûter à un grimpeur. Le montage, organisé autour des citations de Lizzie, instaure un dialogue d’une étonnante modernité — ce que la réalisatrice Sophie Chaffaut qualifie de « lieu de croisement entre deux temporalités ».

Seul bémol : une impression de manque à la fin du film. On aurait aimé en apprendre davantage sur cette femme atypique ; mais faute d’archives et de témoignages supplémentaires, il faut se satisfaire de ce très beau documentaire, qui en inspirera sans doute beaucoup d’autres.

L’Ascension de Lizzie Le Blond offre le portrait d’une femme injustement méconnue, un récit qui nous tend la main vers la reconnaissance d’une artiste abordée avec une affection toute particulière, et profondément inspirante. Sophie Chaffaut prouve qu’il suffit parfois d’un nom pour réaliser un documentaire impactant, capable de redonner à Lizzie Le Blond la place qu’elle mérite. Peut-être qu’un jour, elle aussi sera enseignée dans les écoles de cinéma, aux côtés des noms d’Alice Guy et Lois Weber.

Dans tous les cas, ne boudons pas notre plaisir : le film est accessible gratuitement sur YouTube. Ne manquez pas cette précieuse et éternelle capsule filmique, où le temps lui-même semble devenir illusoire, comme si toutes les réalisatrices marchaient finalement sur un même chemin.

L’entièreté du documentaire est disponible sur Youtube gratuitement ci-dessous. 

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