Le regard féminin vient, sous nos yeux, de transformer l’eau en vin, le banal en extraordinaire. Tout ce que touche Olivia Newman dans ce film se transforme en or.
Premièrement, je tiens à préciser que je n’ai pas lu le livre, et que cela a probablement contribué à mon appréciation du film, j’y viendrai.
Là Où Chantent Les Écrevisses n’a en apparence, rien d’un grand film. Adaptation du bestseller éponyme de Delia Owens, le métrage d’Olivia Newman ne nous promet rien de nouveau ou de franchement rafraichissant, si ce n’est une magnifique performance de Daisy Edgar Jones – comme elle commence à avoir l’habitude de faire – et la présence de l’auteure-compositrice-interprète Taylor Swift, signant la musique du générique de fin. C’est alors que dans cet élan de normalité, surgit la magnifique beauté, l’indicible émotion, la sensibilité originelle.
L’ADAPTATION.
En voyant le film, on comprend très vite que le scénario cherche à suivre les traces du livre (qu’on l’ait lu ou non). La structure non-conventionnelle nous rappelle que la genèse de cette histoire prend place avec la plume et non avec la pellicule. Pour les lecteurs assidus, l’expérience doit être frustrante, car le film ne couvre évidemment pas l’intégralité du récit originel, et c’est pour moi, ce qui rend le film si complet (dans la dimension que c’est un film qui couvre une toile émotionnelle bien plus grande que la plupart de ses confrères). Dès que le film effleure une ficelle narrative (ficelles étant probablement développées dans le livre), le cerveau se met en marche, et le spectateur comble automatiquement le vide par sa propre interprétation, tout en jouissant de cette ouverture sur le monde dépeint. Au lieu de mettre cela sur le dos d’une adaptation approximative, je préfère dire que Là Où Chantent Les Écrevisses est un film ludique – à condition de se laisser prendre au jeu.
Mais attention, cela ne transforme en rien le récit qui navigue entre procès et histoires d’amours, tant de choses vues et revues. C’est ici qu’entre en compte la sensibilité naturelle de la réalisatrice. Dans les mains d’un homme (de la plupart des hommes en fait, certains réalisateurs font preuve de cette sensibilité), rien de tout ce qui se passe dans le film n’aurait pris vie. C’est ce récit, ayant déjà une profondeur sous entendue, qui se met alors à gonfler grâce aux choix esthétiques. Je n’ai pas besoin d’une intrigue révolutionnaire, puisque je suis connecté à 1000% avec Kya. Je ressens chaque coup. Chaque pleur. Chaque souffle du vent, chaque goutte d’eau. Je ressens son stress, ses doutes, ses joies. Je la comprends, je vis dans sa peau pendant 2h05. Ainsi, pas besoin d’exprimer dans les actes ce qui l’est déjà par la caméra ni de s’encombrer d’une intrigue trop complexe (le récit l’étant déjà un minimum, refusant toute construction linéaire conventionnelle), tout est là. S’ajoute à cela le remarquable travail visuel et sonore. Là Où Chantent Les Écrevisses est autant un hymne de femme qu’il est un chant de verdure. La caméra capture les paysages immaculés, et les micros les ambiances sonores divines. Pas une seule seconde sans un chant d’oiseau ou un rayon de soleil. Du reste, ne retenez que cela : la musique est mémorable, Edgar Jones est l’unique solution au rôle de Kya et la poésie mise en scène est d’une telle beauté qu’il faut la voir pour le croire. Ce que j’ai vu dans ce film était quelque chose de bien plus grand, de plus ambitieux, de plus noble que tout ce que j’ai pu voir jusqu’à présent dans ce registre.
Jamais je n’aurais pensé me retrouver face à une telle chose. Là Où Chantent Les Écrevisses nous apprend beaucoup sur la manière que nous avons de percevoir 1) les femmes 2) la nature 3) le cinéma. Je ne peux que vous inviter à foncer dans les salles, en espérant vous voir conquis par la prestation artistique inédite incorporée dans chaque seconde de ce film, alimentant ses veines d’une sève miraculeuse, même si, au vu des premiers retours, je doute malheureusement qu’il ne marque le public comme il m’a marqué moi. Car même après plusieurs jours, en écrivant ces lignes, je peux encore me représenter les paysages, visualiser leurs couleurs, et écouter la vie du marais, comme si j’y étais.
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