Eraserhead
? Réalisateur : David Lynch (Elephant Man, Fire)
? Casting : Jack Nance (Dune, Lost Highway), Charlotte Stewart (La Petite Maison dans la Prairie, Twin Peaks), Jeanne Bates (Mort d’un commis voyageur, Mulholland Drive)…
? Genre : fantastique
? Pays : Etats-Unis
? Sortie : 28 septembre 1977 (Etats-Unis), 17 décembre 1980 (France)
Synopsis : Un homme est abandonné par son amie qui lui laisse la charge d’un enfant prématuré, fruit de leur union. Il s’enfonce dans un univers fantasmatique pour fuir cette cruelle réalité.
En 1950, alors que le cinéma américain est en pleine expansion, de nombreux films à petits budgets et en marge des productions hollywoodiennes n’arrivent pas à trouver leur public. En raison de leur côté expérimental, étrange, kitsch ou provoquant, ces films sont souvent diffusés lors de séance spéciale de minuit et sont ainsi surnommés les « midnight movies ». Ces séances nocturnes deviennent un véritable phénomène à partir des années 70 et permettent aux films diffusés d’obtenir le statut de films cultes à l’instar de La Nuit des morts-vivants (G. A. Romero), El Topo (A. Jodorowsky) ou encore The Rocky Horror Picture Show (J. Sharman), films phares des midnight movies. Parmi ces films, apparaît Eraserhead, premier film d’un jeune réalisateur alors méconnu, David Lynch.
Le film nous dépeint la vie de Henry Spencer un ouvrier « en vacances » solitaire et renfermé. Abandonné par son amie lui laissant la charge d’un enfant prématuré et déformé, le héros se laisse alors porter dans un monde fantasmagoriques et de cauchemars afin de fuir cette réalité.
Rêve ou réalité ?
Dès la première scène, représentation d’un fantasme sombre et mystérieux, Lynch nous fait comprendre que ce que nous nous apprêtons à voir ne sera pas habituel, que nous allons faire face à une expérience unique dont nous ne sortirons pas indemne. Nous ne comprenons pas ce qui nous est représenté à l’écran, nous ne cherchons pas à comprendre, nous vivons simplement la scène en nous laissant emporter dans cet univers de fantasmes.
Après cet avertissement, Lynch nous ramène dans un univers plus réaliste, au milieu d’une zone industrielle où nous retrouvons le personnage principal. Ce dernier semble inquiet et vulnérable, écrasé et oppressé par les bâtiments alentour celui-ci se perd parmi les terrains vagues et les entrepôts désaffectés, se repliant sur lui-même au fur et à mesure de son parcours le menant jusqu’à chez lui. Le réalisateur met donc en opposition des le début du film les rêves et les cauchemars face à la réalité qui est pourtant tout aussi austère. Cependant, cette frontière entre songes et réalité deviendra de plus en plus flou au fil du film au point de ne plus savoir différencier les deux, laissant le spectateur en doute sur chaque événement présentés.
L’ambiance du film est pesante, sombre, portée par le choix de l’utilisation du blanc et noir, dans lequel le noir est fortement accentué et prime sur le blanc. Lynch joue également avec la lumière, n’éclairant jamais l’intégralité de la pièce ou de la scène, mais seulement l’essentiel (un personnage, un objet, etc.), à la manière d’un projecteur, nous rappelant ainsi une pièce de théâtre soit quelque chose de mise en scène, une histoire fausse et jouée mais qui semble réel, tout comme les rêves qui sont un des thèmes principaux du film.
Les personnages adoptent un comportement absurde, plus particulièrement le personnage d’Henry Spencer qui semble insensible et passif face aux différents événements qu’il subit, à la manière du personnage principal de l’oeuvre L’Etranger de Camus, Meursault. Ainsi le film s’efforce de faire sortir le spectateur de sa zone de confort, ne lui laissant aucun point pour s’appuyer et se retrouver dans ce labyrinthe fantasmagorique.
Une oeuvre intime
Cependant, Eraserhead n’est pas qu’un simple film sur les rêves et la réalité mais s’impose avant tout comme un film personnel. En effet, nous pouvons mettre en parallèle le personnage principal, Henry Spencer, et son créateur, David Lynch.
Tout d’abord, le héros donne naissance à un enfant prématuré et déformé qui se révèle être une véritable métaphore du film, mettant en scène des événements bizarres/étranges et qui n’est autre que le premier long-métrage du réalisateur, son premier « enfant ».
De plus, lors d’une scène représentant ce qui semble être un rêve, Henry Spencer se voit décapité et laisse apparaître alors une tête similaire à celle de son fils, comme si cette monstruosité était resté cachée en lui depuis le début mais qu’elle ne peut s’empêcher de s’exprimer (ici à travers le bébé). Lynch exprime ici le fait que son attirance pour tout ce qui est étrange, bizarre et mystérieux a toujours fait parti de lui et que cela ne peut s’empêcher de se manifester à travers son premier film, tout cela est plus fort que lui, comme une envie d’extérioriser et de partager au grand public cette obsession.
Avec ce premier film, David Lynch nous livre une expérience unique, perdant le spectateur dans un univers fantasmagorique sombre entre, rêve et réalité. Eraserhead est un film qui parle avant tout de lui-même, de pourquoi il a été créé. Ainsi, David Lynch réussit avec ce premier film à se présenter, à justifier l’existence d’Eraserhead, à introduire et à accueillir le spectacteur dans son univers. Eraserhead n’est pas qu’un simple film, il est l’incipit de l’œuvre totale de Lynch.
Note
8/10
« Eraserhead is my most spiritual movie. No one understands when I say that, but it is. » – David Lynch
Bande-annonce
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