Réalisateur: David Cronenberg
Casting: Viggo Mortensen, Léa Seydoux, Kristen Stewart
Genre: Thriller, Horreur
Sortie: 2022
Synopsis : Alors que l’espèce humaine s’adapte à un environnement de synthèse, le corps humain est l’objet de transformations et de mutations nouvelles. Avec la complicité de sa partenaire Caprice, Saul Tenser, célèbre artiste performer, met en scène la métamorphose de ses organes dans des spectacles d’avant-garde. Timlin, une enquêtrice du Bureau du Registre National des Organes, suit de près leurs pratiques. C’est alors qu’un groupe mystérieux se manifeste : ils veulent profiter de la notoriété de Saul pour révéler au monde la prochaine étape de l’évolution humaine…
Et voilà donc le retour du spécialiste du genre Body-Horror, David Cronenberg. Huit ans que le réalisateur de La Mouche (1986) et Videodrome (1983) n’avait pas tortiller l’esprit de la critique et du public, et il revient donc avec Les Crimes du Futur présenté en compétition officielle au Festival de Cannes où il avait déjà fait sensation en 1996 pour Crash. Crimes Of The Future était annoncé comme le nouveau film à scandale de cette 75ème édition, après le Titane de Julia Ducourneau l’année dernière et sacré Palme D’Or .
Nous sommes donc entraîné dans un futur proche ou le corps humain est en pleine mutation, un artiste et scientifique nommé Saul Tenser se met en scène avec l’aide de sa partenaire Caprice dans des « spectacles » où il expose ses organes pour des expériences qui aboutissent à une conclusion hors du commun : Une nouvelle sexualité est né ! Et ses expériences attisent l’attention d’une enquêtrice du Bureau du Registre National des Organes , nommé Timlin.
Avec un scénario aussi lourd que novateur et pleinement ancré dans l’ADN de son auteur, l’attente et les exigences étaient assez hautes. Et pourtant l’impression que Cronenberg est resté dans la surface et la théorie de son sujet est grande et décevante. Le réalisateur qui autrefois n’hésitait pas à user d’images fortes et très souvent dérangeantes en passant outre le dialogue, est ici dans une retenue presque frustrante. Hormis quelques scènes esthétique ou la mutation organique est bien illustré et où on reconnaît le réalisateur d’autrefois, Cronenberg choisit même la subtilité au profit de trash, ce qui causera le mécontentement des plus amateurs de sa filmographie.
Cronenberg qui prévenait lui même quelques temps avant la première du film à Cannes, que son film ferait sortir les spectateurs de la salle tant les premières minutes sont chocs, avait sans aucun doute beaucoup estimé son film, et sous-estimé son public. En effet même si les premiers instants mettent en scène un homicide d’enfant par la propre mère de ce dernier, les images restent très « sages « , à croire que Cronenberg est devenu timide, et pas que pour la scène d’ouverture. Sur la majorité des séquences d’expositions avec Viggo Mortensen qui assure très bien le spectacle (et dont c’est la quatrième collaboration avec le réalisateur), qui sont assez mystiques et anatomique, Cronenberg reste sur la retenue. Il illustre, expose proprement, propose quelques plans bien à son image, filme le corps humain sous un aspect bien particulier. Mais malgré cette ambiance crépusculaire et très Cronenberg, on est très loin de ses plus gros morceaux comme Scanners (1981), Frissons ou même Chromosome 3 (1979).
Les Crimes du Futur peut être vu comme un film testamentaire, un film qui annonce une potentielle retraite imminente pour le réalisateur, une œuvre plus théorique que démonstratif , un retour aux sources qui se remarque tant dans de nombreux plans, que dans le propos, et dans l’atmosphère. Mais on reste sur notre faim, tant le manque d’exploration de cette univers à l’immense potentiel reste très en surface, comme si le film n’était qu’une première ébauche inachevée, ou la première partie d’une œuvre, que c’est dommage ! En 1h47 Cronenberg n’a pas le temps d’aller dans les confins de ce futur ou le corps humain présente une évolution révolutionnaire. Kristen Stewart dont le personnage présente un grand intérêt à ces spectacles jouissifs pour le cobaye concerné, reste trop secondaire, son temps d’écran dois se limiter à 3,ou 4 apparitions de 1 ou deux minutes à chaque fois. Cronenberg ne laisse pas assez de temps pour ce qui est le plus intéressant, mais laisse beaucoup de place au dialogue (le duo Seydoux -Mortensen est fusionnel).
Léa Seydoux qui considère David Cronenberg « comme une icône du cinéma », et qui a toujours été attiré par des metteurs en scène « qui avaient leurs langage, qui inventaient un langage cinématographique « comme elle l’expliquait a la conférence de presse du film au lendemain de sa première. Seydoux affirme que Cronenberg « à créer son style « , « je voulais faire partie de son univers tout simplement » explique t’elle à la presse, l’actrice en perd ses mots d’admiration, on la rejoint sur ce point, David Cronenberg a donné naissance à un langage cinématographique unique depuis plus de 30 ans, mais Crimes Of The Future n’a pas la grandeur et l’audace nécessaire pour combler. La subtilité et les interminables interactions dominent pour enfin de compte ne pas nous en apprendre plus que le peu que nous voyons. Parfois Cronenberg se réveille et le sang coule, mais c’est si vite expédié, et quand survient le clap de fin, un profond sentiment de récit incomplet et de déception s’empare du spectateur. Quel ironie que le film choc longtemps annoncé se révèle finalement comme le Long métrage le plus abyssale et décevant de l’année.
À noter qu’un film déjà nommé ainsi et également réalisé par Cronenberg, avait vu le jour en 1970, mais seul le titre sera leur point commun. De matière général Cronenberg se cite énormément, il revisite sa carrière Crimes Of The Future est un exercice expérimental qui laisse plus marbre que songeur. On peut y voir aussi une projection détraqué de Cronenberg dans son héros, Saul Viggo Mortensen a toujours su porter les histoires de son réalisateur au bout de leurs idées les plus profondes, ici Mortensen affublé d’un costume noir rôde telle un fantôme, ose-t-on espérer que Cronenberg ne soit pas plus que l’ombre de ce qu’il était ,et qu’il fasse une autopsie plutôt laborieuse de sa filmographie. Nous espérons que non !
Le genre du Body-Horror est bien de retour avec une thématique bien singulière et réitérant les thématiques primaire d’un auteur qu’on pensait de retour. Hélas, on ne sera que témoin d’une nouvelle démonstration qui se révèle vaine…
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