Découverte du cinéma de Cronenberg, En Fanfare, et premier coup de cœur cannois…Récit de la troisième journée de notre rédacteur Mattéo au Festival de Cannes.

Une troisième journée qui commence exceptionnellement tôt pour Mattéo, avec ce qu’on pourrait appeler un coup de pouce du destin. Un réveil inopiné à 3h56, soit seulement quatre minutes avant la fermeture de la billetterie en ligne, de 4 heures à 9 heures du matin. L’occasion de se payer le luxe d’un billet pour la séance du lendemain de Les Linceuls, dernier film de David Cronenberg projeté en compétition, pour enfin faire connaissance avec ce grand cinéaste du corps, de la matière…On retourne au sommeil avant d’émerger de bonne heure à six heures, alors que toute la maisonnée est encore dans les bras de Morphée. Une douche, quelques petites collations et on se dirige vers le Palais des Festivals, en salle Agnès Varda.

rencontre avec l'art de Cronenberg

Si le réveil irrite un peu, il faut dire qu’il est toujours agréable de profiter d’une autre facette du Festival de Cannes, étonnamment calme en matinée. Pas de circulation, pas de vacarme, pas besoin de s’excuser tous les trois mètres pour se faufiler entre les gens dans une foule anxiogène…ajoutez à cela un grand soleil qui vient nous faire oublier la journée couverte de la veille. Il y a même de quoi aller piquer une tête dans la Méditerranée ! Après quelques délicieux instants à contempler la mer et l’horizon, il est temps d’aller faire connaissance avec l’œuvre de Cronenberg. Cette fois-ci, le jingle du Festival de Cannes ne reçoit aucun applaudissements en salle Agnès Varda…pas si mal pour s’épargner le plus longtemps possible du bruit ce matin. Mais gagne-t-on au change en allant voir un film dans une salle aux enceintes particulièrement bruyantes ? 

La séance de Les Linceuls s’achève, toujours sans applaudissements. Est-ce révélateur d’une déception commune ? Une chose est sûre, on n’a pas été vraiment happés par cette proposition. Cronenberg signe en effet là une enquête policière, dans laquelle s’inscrit effectivement son obsession pour le corps. Malheureusement, celle-ci s’avère trop lisse, cela malgré une base intrigante qui permet au film d’aborder le deuil, par cette idée de linceuls qui permettent de voir via un écran le corps du cher défunt en état de décomposition. Il y a de fait un travail sur la forme instaurant au sein du film une certaine atmosphère glaciale plutôt réussie, toutefois gâchée par son enquête policière inintéressante. Concernant l’écriture, on note quelques bonnes idées mais également des défauts dans les dialogues, si farfelus qu’ils en deviennent drôles à leur dépens. En somme, un film étrange, une entrée en matière décevante dans le cinéma de Cronenberg, qui laisse difficilement entrevoir une potentielle récompense à l’issue de la compétition. 

Dans Les Linceuls, Cronenberg convoque Diane Kruger et Vincent Cassel
Dans Les Linceuls, Cronenberg convoque Diane Kruger et Vincent Cassel © Pyramide Distribution

retour au cineum

C’est donc suite à une première déception cannoise que l’on pense à faire la file de dernière minute au Grand Théâtre Lumière, afin d’assister à la rediffusion du film Anora de Sean Baker. Comme Les Linceuls, le film a été projeté la veille en compétition. C’est alors que deux jeunes femmes derrière nous communiquent entre elles à propos de Les Linceuls, dont le ressenti était similaire au nôtre. C’est souvent dans ces files, permettant aux personnes sans billets d’accéder aux séances, que se constitue une belle opportunité de faire des rencontres. Dommage ! Celle-ci a dû être écourtée car une fois de plus, une autre séance avait été réservée en parallèle « au cas où ». Ne voulant toujours pas risquer de recevoir un avertissement pour « no-show« , direction le Cineum pour voir En Fanfare, la comédie de Emmanuel Courcol. 

Quand Thibaut (Benjamin Lavernhe) prend connaissance de sa maladie potentiellement mortelle, un test de compatibilité sanguine lui ouvre des horizons inattendus. Ce chef d’orchestre réputé part à la rencontre de son frère biologique Jimmy (Pierre Lottin, Un triomphe), qu’un destin contrarié empêche de se réaliser en tant que musicien. Dans En Fanfare, les aventures croisées des deux protagonistes imaginées par Emmanuel Courcol soulèvent, notamment, la question du déterminisme social.

La Pampa est un récit d'adolescence bouleversant
La Pampa est un récit d'adolescence bouleversant

premier coup de cœur cannois

Après ce petit film sympathique (ni plus ni moins), retour au logement pour enfiler costume, Richelieus et nœud papillon pour espérer pénétrer dans le Grand Théâtre Lumière, qui projette ce soir Parthenope de Paolo Sorrentino. Un projet avorté par la bonté d’une soirée entre confrères dans un bar cannois. Quoiqu’il en soit, nous ne sommes jamais à court de séances de compensation alors c’est l’occasion de découvrir La Semaine de la Critique avec La Pampa de Antoine Chevrollier. Et finalement, quelle merveilleuse idée d’avoir choisi ce film, si sensible et authentique. Le premier long-métrage de son réalisateur met en scène deux lycéens passionnés de motocross, inséparables, jusqu’à ce que Willy découvre le secret de Jojo : son homosexualité. En ce sens, il est question d’un coming-of-age movie qui dépeint non sans violence la difficulté d’assumer son homosexualité dans un milieu rural. Cela est parfaitement illustré par le personnage d’un père strict et violent, interprété à merveille par Damien Bonnard. Si les jeunes acteurs derrière les deux amis, Sayyid El Alami et Amaury Foucher, sont tous deux très doués, nous avons même noté les qualités d’acteur d’Artus, qui sait proposer autre chose que des rôles légers et comiques. En un mot : brillant ! On précise que La Pampa était candidat au prix de la Caméra d’or, récompensant les premiers longs-métrages.

Sur le chemin du retour, déjà enthousiastes d’avoir clôturé cette troisième journée ainsi, on apprend que l’on montera les marches du Grand Théâtre Lumière de bon matin pour Parthenope. À demain !

Auteur/Autrice

Partager l'article :