Beaucoup de gens pensent à tort que le cinéma français, et en particulier le cinéma de genre, est médiocre. Bonne Conduite, réalisé par Jonathan Barré, est l’œuvre parfaite à montrer aux détracteurs du cinéma indépendant français, car il prouve brillamment que celui-ci a de très beaux jours devant lui. Le film raconte l’histoire de Pauline, jouée par l’excellente Laure Calamy, ancienne psychologue reconvertie en formatrice dans un centre de récupération de points. Simple éducatrice de jour, elle se transforme en tueuse en série de chauffards la nuit, dans l’espoir de venger son compagnon, décédé dans un accident de la route causé par un chauffeur peu attentif.
UNE COMÉDIE DYNAMIQUE MENÉE PAR DES ACTEURS EXCELLENTS
Il semble compliqué pour la comédie de continuer à se réinventer, tant ses codes ont été revus et réutilisés, parfois à outrance, au fil des années. Le cinéma français en particulier laisse une place gigantesque aux films humoristiques, qu’ils soient bons ou non. Bonne Conduite réussit magnifiquement à réinventer les codes de l’humour, en délivrant une œuvre en toute originalité, mais qui parvient en même temps à faire énormément de clins d’œil au cinéma d’humour plus classique. La performance de Laure Calamy est à souligner. Elle joue l’archétype même du personnage iconique, à la fois badass, complètement folle, mais également sensible et pleine de failles. C’est ce parfait mélange qui la rend attachante, et qui va lui permettre d’être défendue par le spectateur, peu importe les crimes qu’elle va commettre.
Le duo de policiers, interprété par David Marsais et Grégoire Ludig du Palmashow, est délicieux, et permet d’ajouter une bonne couche d’humour ridicule, à côté de la plaque et complètement déjanté au sein de l’histoire. Dès que le film semble prendre une tournure plus sérieuse, le duo est là pour sortir des répliques hilarantes et faire rire la salle. Le duo fonctionne, comme à son habitude, à merveille, et permet d’accentuer la dimension humoristique du film.
LA DUALITÉ MASCULINITÉ/FÉMINITÉ
La féminité est fortement mise en valeur dans le film, en particulier dans son rapport conflictuel avec la masculinité. En effet, les figures féminines principales du film sont toutes des criminelles, à des échelles différentes, et sont toutes recherchées et traquées par des hommes. Par exemple, Pauline est une tueuse en série qui tue des hommes, et uniquement des hommes, qui ne respectent pas le code de la route, et Blodwynn est une trafiquante de drogue, une position souvent très occupée par des hommes.
Volontairement ou non, les figures masculines sont d’ailleurs en grande majorité dépeintes comme stupides, ou même tournées au ridicule dans le film. Entre la masculinité toxique de certains hommes lors des cours de récupération de points, caricaturés à l’extrême comme étant l’archétype du chauffard misogyne, ou les deux policiers chargés de l’enquête qui ne voient pas les évidences qui sont pourtant sous leur nez, la figure masculine n’a pas bon dos dans ce film.
Tourner en ridicule ces hommes permet de rendre le personnage de Laure Calamy encore plus attachant, car le spectateur ne peut que compatir avec la haine qu’a Pauline pour ces caricatures de la masculinité toxique et de la misogynie. Les crimes qu’elle commet deviennent jouissifs et on ne peut que se réjouir avec elle de ses « exploits », et espérer qu’elle ne se fasse jamais prendre par la police.
UN FILM À MULTIPLES CASQUETTES
Bien que comique, et surtout bien qu’en rendant le duo de policiers incapables et à côté de la plaque, le film parvient quand même à créer du suspens chez le spectateur, car le personnage de Pauline ne semble jamais complètement tiré d’affaire. Cela rend cette comédie particulièrement intéressante et efficace, car ses nombreuses blagues hilarantes et situations burlesques n’éclipsent pas l’enquête qui se déroule en son sein, et ne permettent jamais au spectateur de savoir si Pauline va s’en tirer ou non. L’équilibre entre humour décalé, émotions, rebondissements et suspense est extrêmement bien géré et permet au film d’être une œuvre complète, qui tient le spectateur en haleine du début à la fin.
Le thème du deuil, traité en arrière-plan et toujours de manière humoristique, permet toutefois de donner une dimension un peu plus tragique au film, et permettre au spectateur de se faire des réflexions un peu plus profondes sur cette thématique. Chacun a une manière différente de gérer la perte d’un proche, et le personnage de Pauline a choisi la manière forte.
Visuellement, le film frappe fort en rendant chaque plan extrêmement esthétique. La scène d’ouverture est particulièrement frappante, filmée de nuit et éclairée par la lumière de néons, donnant un aspect particulièrement saisissant à l’image. La musique est également à souligner, aux sonorités synthwave, elle accompagne brillamment l’action et permet aux images d’avoir un impact encore plus puissant sur le public.
Une belle surprise, à la croisée entre vraie enquête policière et comédie déjantée, Bonne Conduite est un OVNI dans le paysage cinématique français, et il vaut le détour !
En salles depuis le 29 mars.
Jonathan Barré, le réalisateur du film sera avec nous ce vendredi 7 avril, sur le plateau de « Sh.rt », notre nouvelle émission sur le cinéma que l’on diffusera à 20h30 sur notre chaîne Twitch.
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