Depuis le premier film de Ridley Scott, Alien, le huitième passager en 1979, la saga féministe qui s’est étirée à travers sept films sur plus de trente ans, n’a cessé de porter les conditions fortes du viol et de la maternité. Traversée par des visions singulières de la part de différents réalisateurs, ces thèmes ont fondu à travers l’héroïsme chez Cameron, la religion chez Fincher et l’entraide chez Jeunet, construisant alors les questionnements les plus fondamentaux de notre espèce. Qui sommes nous ? D’où venons-nous ? Qui nous a mis au monde ? Et après les deux derniers épisodes édulcorés de Ridley Scott (Prometheus en 2012 et Alien : Covenant en 2017), Fede Álvarez revient avec Alien : Romulus au slasher claustrophobique. Celui des origines, celui de la carcasse à la dérive, noyée dans les fluides des cocons xénomorphes et ponctué par le bip bip du détecteur de mouvements. 

hommage et renouveau

Romulus s’ouvre sur le générique, qui s’affiche dans la même police d’écriture que le premier film, sur un fond étoilé. Mais surtout, sur un silence numérique annonçant une couleur familièrement terrifiante. Dans l’espace personne ne vous entendra crier. S’ensuit l’introduction de Rain, victime, comme tous les ouvriers, de la dictature imposée sur sa planète. C’est effroyablement efficace, et quand Rain rejoint les autres personnages, cette bande nous apparaît comme la plus attachante de la saga : celle de la jeunesse oppressée, mise de côté, qui rêve de soleil et de liberté.

En 1979, Ridley Scott prenait toute la première moitié de son film pour construire son univers, la cage thoracique se perce exactement à 56 minutes et 21 secondes. Et même après cela, l’unique xénomorphe caché dans l’ombre ne nous apparaissait qu’au travers des reflets du lance flamme ou des flashs paniqués des lampes torches. En 2024, Fede Álvarez n’a plus besoin de ça. Les moyens techniques, et principalement les animatroniques fantastiques qui ont été fabriqués pour le film lui permettent des gros plans glaçants, construisant alors l’intégralité de son film sur des choix plus que sur des contraintes. L’attente du spectateur est aussi contentée dans un mélange de surprise et de satisfaction, quand il redécouvre ce qu’il connaît en l’attaque frétillante des facehuggers (rappelant dans certains plans, la panique gesticulante de Vermines). 

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©20th Century Fox

une construction claustrophobie

Alien, la saga de l’espace claustrophobique et compartimenté. Ce sont des images et des décors récurrents que l’on retrouve à travers les films. Les figures de la prison dans Alien³, ou les personnages qui ouvrent et ferment inlassablement les portes métalliques dans le diptyque pseudo-kubrickien de Scott. Les décors servent comme boyaux, lieu dans lequel les personnages de la bande se font avaler puis digérer par les bêtes, « l’organisme parfait » finalement représentatif de Weyland-Yutani, la compagnie asservissant les populations.

« Ce tombeau sera votre tombeau ! » Ça c’est Nexusis dans Astérix & Obélix Mission Cléopâtre. Mais dans Alien : Romulus, le tombeau qui dérive vers la ceinture d’astéroïdes est l’occasion pour Álvarez de décomposer un certain nombre de sas qui, à la manière d’un jeu vidéo, vont venir fragmenter l’intrigue en une série d’obstacles à combattre. Cela se fait avec l’aide de son chef décorateur Naaman Marshall, mais aussi de son chef de la photographie Galo Olivares, dans la création d’un monde poisseux et organique, se jouant dans le délabrement de la station et des tubes en PVC pendant du plafond ainsi que dans les aberrations chromatiques et dans le grain qui s’imprime sur l’image, renforçant une fois de plus ce renvoie à l’oeuvre originale (tout en repoussant cependant les teintes froides et bleues pour se tourner vers une palette chaude et étouffante, jonglant entre l’orange des feux, le rouge des alarmes et le marron de la terre sale). 

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Alien: Romulus est peut être le film revenant le plus dans les thèmes fondateurs de la saga. Plus aucun doute sur la nature sexuelle des créatures, sur la création divine du robot, sur l’assouvissement des populations par les multinationales, et sur le malheur qu’apporte une grossesse dans un monde aussi horrible. L’horreur ne fonctionne plus seulement dans la peur de la bête, mais dans la nécessité que les personnages ont à se retrouver dans cette situation. L’alien devient la solution, ou plutôt l’unique chemin par lequel passer, le dernier combat avant la liberté. Fede Álvarez nous offre ce genre d’œuvre construite tout en maîtrise et en retenue, plaisant aux fans et aux autres. Personne ne pourrait passer à côté d’un grand film comme celui-ci.

Actuellement en salles.

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