Oliver Stone aime parler des Etats-Unis, souvent en mal. Et lorsqu’il s’intéresse à Alexandre le Grand on peut se douter qu’un petit sous-entendu concernant le pays de l’Oncle Sam s’est glissée dans ce péplum. Est-ce le cas ? Tentative de réponse dans cet article.
Pierre qui roule n’amuse pas Bush
Avant d’être le grand réalisateur que l’on connait tous, Oliver Stone était un jeune américain idéaliste comme il en existait des millions. Il connait l’enfer de la guerre en 1967 en tant qu’engagé volontaire au Vietnam et après être revenu aux États-Unis il n’aura de cesse de condamner la guerre et les décisions politique et militaires de son pays. On observe dans sa filmographie une habitude à questionner l’hégémonie américaine et la place de son pays dans le monde. En 1986 il réalise Salvador, dans ce film il critique la politique étrangère américaine en Amérique Centrale. La même année il réalise Platoon qui est une critique de la guerre de Vietnam et envers les nombreux crimes des Etats-Unis commis sur ce territoire. Plusieurs de ses long-métrages comme JFK (1991), Nixon (1995) et son dernier film Snowden (2016) remettent en cause la politique intérieure américaine. Connaissant cet aspect de sa filmographie il est donc intéressant de se pencher sur son film Alexandre sorti en 2004. Ce film est finalement plus qu’un film sur la vie du célèbre roi macédonien.
Mais avant de se pencher sur ce long-métrage il est important de faire un court résumé du contexte géopolitique des Etats-Unis, notamment de sa politique internationale. Les années 1990 et le début des années 2000 marquent le début des interventions américaines au Moyen-Orient. On peut citer la guerre du Golfe de 1990, diverses opérations en Irak en 1998 et pour finir leur intervention en Afghanistan à partir de 2001 et la guerre d’Irak de 2004 à 2011. Ces conflits ont pour but officiel de contrer la menace terroriste qui plane sur les Etats-Unis.. Cela prendra un nouveau tournant à la suite des tragiques évènements du 11 septembre 2001.
L’Antiquité pour aborder le présent
Des parallèles entre la guerre menée par Alexandre entre 333 et 323 av. J.C et les différentes interventions américaines peuvent être trouvés, notamment dans le film d’Oliver Stone. Les deux se déroulent dans la même région du globe et leur déroulé est assez semblable. En effet on remarque le même schéma, des grandes victoires au début, puis un certain essoufflement et une remise en cause de cette guerre par ceux qui la font. Il est aussi important de mettre en lumière les antagonistes, l’ennemi du peuple macédonien est Darius III, pour les Etats-Unis cet ennemi s’avère être un chef d’état ennemi ou une autre personne qui menace l’Amérique. Celui-ci se nomme Oussama Ben Laden à partir de 2001. Par ailleurs une ressemblance physique entre les deux personnages est à noter. Et pour lutter contre ces adversaires, chacune de ces civilisations provoquera une guerre.
Le spécialiste en cinéma, Florent Pallares décrit cette connexion entre les deux époques ainsi : « Un reflet du contexte politique des années 2000, a pu sembler évident. Des conquérants, les Américains, dirigés par un chef, George W. Bush qui veut venger le mal fait à son père, viennent de l’Ouest apporter « la liberté » à des peuples de l’Est tyrannisés qui ne leur ont rien demandé ». Néanmoins on ne parvient pas à saisir concrètement si Oliver Stone dénonce ou fait juste un constat, sans l’approuver, de la géopolitique du début du XXIe siècle. En effet il ne cite pas explicitement des événements contemporains, contrairement au Péplum Troie qui est sorti la même année et dans lequel on remarque clairement une relecture du récit de l’Iliade en y incorporant des caractéristiques faisant référence à la seconde guerre du Golfe, comme notamment le prétexte à son déclenchement.
La réponse peut venir de cet interview qu’a fait Oliver Stone lors de la sortie du film : « Alexandre savait gagner les guerres et les étudiait. Il n’aurait jamais détourné les ressources du front pour mener une guerre d’arrière-plan, comme Bush en Irak. Si votre objectif premier est Ben Laden, vous ne faites pas la guerre en Irak. Là où Alexandre passait, quoi qu’en disent ses détracteurs, il apportait la paix, il ne semait pas la discorde. Il allait toujours plus loin, ne se contentait pas d’exploiter. Washington s’empare du pétrole au Moyen-Orient pour les États-Unis… Les Romains exploitaient l’Orient pour le profit de Rome. Pas Alexandre. » Ainsi on comprend bien qu’il existe un lien entre les conflits américains au Moyen Orient et la conquête d’Alexandre.
Les lumières du phare de Washington
Avec ce film Oliver Stone tente également de répondre à une question qu’il se pose durant toute sa carrière et qui est aussi une interrogation pour de nombreux américains : l’attitude que l’Amérique doit avoir face au monde extérieur qui l’entoure. C’est un débat qui fait rage au sein même des Etats-Unis depuis le début du XXe siècle. Faut-il s’immiscer dans les affaires du monde ou non ? Faut-il conquérir celui-ci pour y mettre en place la démocratie que les Américains chérissent tant et par la même occasion défendre ses intérêts économiques ? Ou est-il plus préférable de ne rien faire pour ne pas risquer de sacrifier des citoyens américains dans des conflits inutiles et couteux à l’autre bout du monde ? Avec Alexandre, Oliver Stone met en lumière cette idéologie américaine très présente et qui selon laquelle, les Etats-Unis doivent être ce phare qui éclaire le monde et le guide.
Cet article est tiré d’un travail universitaire fait par l’auteur.
Nous n’assumons aucun des jeux de mots présents dans cet article.