Présenté en compétition au 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, The Plague appartient à cette rare catégorie d’œuvres qui s’imposent comme favorites dès leur projection, laissant une empreinte indélébile dans les annales du festival. Une question demeure alors : pourquoi The Plague mérite-t-il un prix ?
Dans la peau d'un adolescent
Dès son plan d’ouverture aquatique de la calme piscine soudainement perturbée par de jeunes corps plongeant dans l’eau, véritable obus sonore préfigurant la violence omniprésente du film, le ton est donné et la qualité, déjà, au rendez-vous. The Plague est une œuvre puissante sur l’adolescence, qui ne se contente pas de la décrire mais cherche à la faire ressentir au spectateur, dans ce qu’elle a de plus dramatique.

Pour cela, la caméra ne quittera que très peu le visage de Ben, adolescent timide et introverti, et épousant son intériorité. L’immersion est le maître mot : la mise en scène de Charlie Pollinger se met entièrement au service de son personnage principal, si bien que sa perception et ses émotions deviennent celles du spectateur. Tous les outils cinématographiques sont convoqués pour traduire l’horreur et le drame que peut représenter cette période de l’adolescence. La musique, par exemple, à la fois atypique et sensorielle, accentue cette immersion avec des sonorités tragiques, parfois même tribales, qui convoquent un imaginaire puissant.
Un impressionnant équilibre
Ces irruptions d’imaginaire enrichissent la narration et s’intègrent parfaitement aux thématiques principales du film : le harcèlement, l’identité et l’appréhension de la différence. En choisissant un mélange des genres, Charlie Pollinger évite les pièges du teen movie classique et apporte une véritable originalité à son œuvre. Il croise ses influences avec habileté : de l’horreur façon Carrie au bal du diable au thriller psychologique oppressant, en passant par une bonne dose de body horror, à la manière de Julia Ducournau dans Grave. La lumière se modifie, le ton s’alourdit au fil du récit, et l’imaginaire surgit dans le réel pour renforcer le propos du cinéaste.

Comme tout premier film, The Plague est une proposition extrêmement généreuse, qui ose, ce qui reste rare dans le paysage cinématographique de ce début de festival. Ses qualités s’accompagnent certes parfois d’un rythme maladroit ou de choix contestables. Mais on ne pourra jamais reprocher au scénario de se perdre. De la première à la dernière minute, l’histoire sait d’où elle part, où elle va et quand s’arrêter. En traitant son sujet de manière aussi immersive, le film atteint souvent une intensité qui prend aux tripes et ne relâche jamais son spectateur, jusqu’à la dernière minute. Charlie Pollinger va au bout de son idée avec une justesse qui fait mouche, évitant à la fois la binarité et le piège du sur-explicatif.
Ainsi, The Plague s’impose comme une véritable réussite, un film qui ne cède jamais à la facilité. Il est avant tout porté par de jeunes comédiens talentueux, dont les interprétations magistrales marquent, et un Joel Edgerton qui fait plaisir à voir. L’acteur américain recevra d’ailleurs un prix d’honneur et présentera son nouveau film jeudi soir au Festival de Deauville.
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