Avec Mickey 17, Bong Joon-ho revient dans la science-fiction, six ans après la claque Parasite. Mais finalement, retour triomphal ou pétard mouillé ?

Un film très attendu

Il existe des réalisateurs qui font frémir d’impatience tous les cinéphiles. Des personnes qui intriguent les passionnés à chaque annonce de nouveau projet. Bong Joon-ho en fait définitivement partie. Découvert par le grand public avec Parasite en 2019, il est une figure importante du cinéma coréen. Les plus connaisseurs l’auront découvert avec Barking Dogs en 2000, mais dès son deuxième long-métrage, Memories of Murder, le cinéaste s’est fait repérer. Ce thriller glaçant a révélé aux yeux de beaucoup ses talents. Après ça, Bong Joon-ho va explorer plusieurs genres de films : le film de monstre avec The Host, le drame avec Mother, ou encore la science-fiction avec Snowpiercer.

Un point commun unifie tous ses films : leurs messages politiques forts. Que ce soit la cause animale, la corruption, le capitalisme ou encore la lutte des classes, Bong Joon-ho a toujours été un artiste engagé. Et avec Mickey 17, il continue cette tradition en compilant nombre de ses préoccupations.

Mickey 17 et Mickey 18 (Robert Pattinson) © Warner Bros
Mickey 17 et Mickey 18 (Robert Pattinson) © Warner Bros

Un retour à la science-fiction

Mickey 17 se déroule dans un futur dystopique où la Terre est soumise à une grande quantité de catastrophes naturelles. Afin de survivre, des groupes organisent des voyages interplanétaires dans le but de fonder des colonies. Dans cet univers, des scientifiques ont réussi à créer une technologie d’impression d’êtres humains. Avec des matières premières adéquates et en téléchargeant les souvenirs des individus, il est possible de recréer un être après sa mort. Pour des raisons éthiques et légales, il est devenu interdit d’utiliser ce procédé. Mais les expéditions de colons ont réussi à obtenir une dérogation. Ainsi est créé le statut de « Remplaçant », des humains travaillant dans des conditions extrêmes et imprimés à chacune de leurs morts.

Le film s’intéresse au personnage de Mickey Barnes (parfaitement interprété par Robert Pattinson), un homme ayant contracté des dettes auprès d’un gangster. Il décide donc de fuir la Terre en intégrant une expédition dirigée par Kenneth Marshall, un politicien ayant échoué à deux reprises lors des élections et devenu leader d’un mouvement conservateur. S’enchaînent alors plusieurs années de travail pour Mickey, le conduisant à mourir plusieurs fois. Lors de sa dix-septième vie, un incident va survenir. Alors qu’il échappe de peu à la mort, il découvre que les scientifiques ont déjà imprimé Mickey 18, une situation interdite et dangereuse pour les copies.

Mickey Barnes (Robert Pattinson) et la machine d'impression © Warner Bros
Mickey Barnes (Robert Pattinson) et la machine d'impression © Warner Bros

Du pur Bong Joon-ho

La première chose qui saute aux yeux devant ce long-métrage est qu’il rappelle fortement Snowpiercer. Que ce soit dans son univers dystopique, sa photographie terne et sale, ou ses décors, Bong Joon-ho retourne dans une forme de science-fiction qu’il aime tant. Comme pour ses autres films, Mickey 17 porte un fort message politique. Le plus évident étant la critique du capitalisme. En effet, ce concept de « Remplaçable » est une représentation de comment le travail et la recherche du profit abîment et détruisent les corps des ouvriers. Ce sont des êtres qui ne sont même pas considérés comme des humains, mais comme de simples outils. En utilisant des situations comiques et burlesques, le cinéaste montre l’absurdité de la situation.

Mais la critique du capitalisme ne s’arrête pas là. En y réfléchissant bien, la technologie développée dans le film permet d’être immortel. Pourtant, sa seule utilité sera de créer de la main-d’œuvre. Ces questionnements sur la vie éternelle sont indirectement abordés tout au long du film. Des personnages demandent régulièrement à Mickey : « Qu’est-ce que ça fait de mourir ? ». Mais personne ne l’interroge sur son immortalité, pas même lui (jusqu’à un certain événement). Pour tout le monde, il semble naturel ou juste malencontreux que des ouvriers meurent au travail.

Kenneth et Ylfa Marshall (Mark Ruffalo et Toni Collette) © Warner Bros
Kenneth et Ylfa Marshall (Mark Ruffalo et Toni Collette) © Warner Bros

Une satire des USA

À côté de ça, il y a le personnage joué par Mark Ruffalo, Kenneth Marshall, qui est une parodie de Donald Trump. Un homme politique raté avec des idées conservatrices, fortement liées à la religion, et qui semble constamment déconnecté de la réalité. Une satire directe du président américain, le représentant dans un scénario où il aurait échoué aux élections. Cela a pour effet de fédérer ses partisans, qui sont prêts à le suivre dans toutes ses extravagances. Malheureusement, c’est là que la première limite du film apparaît. À l’origine, Mickey 17 devait sortir en début d’année 2024. Il a été repoussé pour des raisons encore floues. À l’époque où il a été écrit et tourné, Donald Trump avait perdu les élections face à Joe Biden. Mais entre-temps, l’ancien président a remporté les présidentielles. Et il n’a eu de cesse de choquer la planète avec des propos et actions de plus en plus énormes. La conséquence pour le film est que cette parodie de Trump est en-deçà de la réalité, perdant donc une partie de son impact. De plus, la situation décrite avec ses partisans est une chose que l’on observe actuellement dans la réalité, rendant l’aspect dystopique moins flagrant. Un défaut qu’il est difficile d’imputer à Mickey 17 et Bong Joon-ho.

Par contre, d’autres défauts sont liés au film en tant que tel, à commencer par sa narration. Tout au long du long-métrage, la voix-off de Robert Pattinson vient expliquer et détailler certaines parties de l’intrigue. Cela a pour conséquence de rendre l’œuvre beaucoup trop bavarde et lourde. À quoi cela sert-il d’avoir une voix détaillant ce que l’on voit déjà à l’écran ? À cela s’ajoute un scénario trop complexe, qui se perd dans les sous-intrigues et les personnages secondaires à peine exploités et inutiles (notamment celui d’Anamaria Vartolomei, qui n’a aucun impact sur l’intrigue).

Nasha (Naomi Ackie) et Mickey (Robert Pattinson) © Warner Bros
Nasha (Naomi Ackie) et Mickey (Robert Pattinson) © Warner Bros

Une œuvre très riche

Il serait beaucoup trop long de détailler toutes les thématiques qu’aborde Mickey 17 (le transhumanisme, la protection animale, la colonisation…). Bong Joon-ho a mis énormément de choses dans son film, peut-être trop même. Car il se retrouve avec des aspects peu abordés ou développés, laissant place à une certaine frustration. Une partie du public va sans doute trouver le film peu subtil. Mais, premièrement, les précédents films de Bong Joon-ho ne brillent pas par leur subtilité, et ça n’a jamais été un problème. Pour rappel, Parasite raconte l’histoire d’une famille très pauvre qui arrive à s’incruster dans la maison de bourgeois, et se termine en bain de sang. Deuxièmement, est-il nécessaire d’être subtil pour être intéressant ? The Substance de Coralie Fargeat nous a prouvé le contraire.

Mickey 17 n’est peut-être pas le meilleur film de Bong Joon-ho, mais il reste une œuvre singulière et intéressante à découvrir, surtout au regard de l’état du cinéma hollywoodien actuel.

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