Babi Yar. Contexte : Le Silence et la Fureur

Babi Yar. Contexte, réalisé par Sergei Loznitsa avait marqué les esprits et le monde des documentaires historiques durant l’année 2021. Ce film documentaire fut lauréat du Prix Spécial du Jury de l’Œil d’or au Festival de Cannes et récompensé durant d’autres évènements cinématographiques. Mais comment Babi Yar. Contexte se distingue de la multitude de documentaires traitant de la Shoah et des massacres perpétrés par les Nazis dans l’Est de l’Europe ?

Le massacre de Babi Yar est considéré comme l’un des événements les plus marquants de la Shoah ukrainienne perpétrée par les Einsatzgruppen en URSS. Les Nazis et leurs collaborateurs locaux ont commis l’assassinat de 33 771 Juifs. Sergei Loznitsa prend le parti d’utiliser un concept que l’on retrouve régulièrement dans le cinéma mais plus rarement dans des documentaires : Les images sont plus fortes que les mots. Avec cet adage, l’Histoire prend une toute autre ampleur. Ici, le film de deux heures ne contient aucune Voix off, quelques cartons sont présents afin d’évoquer des événements qui ne disposent pas d’archives vidéos. En effet, il n’existe aucune image du massacre. Les vidéos utilisées sont d’époque, parfois inédites, et ont été filmées par les trois camps : l’armée allemande, l’armée soviétique et la population civile prise en étau.

Le film se divise en trois parties bien distinctes. Le première présentant l’entrée de l’armée allemande en Ukraine en 1941 à la suite de l’attaque contre l’URSS. La deuxième se concentre sur le retour de l’armée soviétique, libérant ainsi le territoire. Le dernière partie donne la parole à quelques témoins survivants du massacre de Babi Yar, qui ont été interrogés lors du procès mené par les Soviétiques, puis nous montre la pendaison de bourreaux condamnés.

Cette absence marquante de commentaires audios peut rendre difficile plusieurs aspects de ce film, notamment la distinction entre les différentes armées (allemande et soviétique). En effet, un non-connaisseur ne sait peut-être pas reconnaître les différents uniformes de l’époque. Le montage grandiose du film est parfois déroutant, ainsi on voit le peuple ukrainien acclamer l’armée allemande, remplaçant les portraits de Joseph Staline par ceux de Adolf Hitler. Deux ans plus tard ce même peuple acclame l’Armée rouge qui les libère du joug nazi et remettant en place les portraits de Staline. Peut-être s’agit-il d’images de propagande orchestrées par les deux camps ou peut-être était-ce la véritable réaction des civils ukrainiens. Rien ne l’indique, c’est au spectateur de se faire sa propre opinion. Le film montre, le public interprète. Il s’agit de la force de Babi Yar. Contexte. dans un contexte actuel où chaque image est commentée et utilisée à différentes fins idéologiques, ce documentaire est une bouffée d’air frais, mais nul doute que ce choix fera débat. Il est en effet osé de diffuser des archives historiques sans fournir un commentaire ou parfois un contexte.

Avec Babi Yar. Contexte, Sergei Loznitsa n’épargne personne, aucun camp n’est le héros ou le grand antagoniste de cet évènement historique. Les Nazis sont bien évidemment pointés du doigt pour l’horreur de la Shoah et leurs crimes inhumains, le peuple ukrainien est lui montré d’une façon ambiguë en raison de leur inaction et parfois collaboration. Les Russes, qui ont souvent le beau rôle voient ici leurs actions condamnées car ces « libérateurs » ont camouflé ce massacre pendant des années pour servir leur propagande.

Grace à un montage particulièrement réussi et des archives méticuleusement choisies, Babi Yar. Contexte est film nécessaire. La froideur qui en ressort nous replonge dans ce conflit dont la mémoire se doit d’être perpétrée. L’humanité peut créer ce qu’il y a de plus beau mais peut aussi sombrer dans l’horreur absolue, ces images sont là pour en témoigner et nous le faire comprendre. Un film qui ouvrira, on l’espère, la voie à d’autres œuvres de ce genre.