Le Festival Américain de Deauville bat son plein. Nous en profitons donc pour revenir en détail sur certaines de ses séances. L’équipe PelliCulte a pu notamment découvrir la projection du film Lee Miller réalisé par Ellen Kuras en avant-première juste après la cérémonie d’ouverture. Véritable feu vert à cette édition 2024, 50ème anniversaire du festival, le film est important par son sujet et par le traitement du portrait de cette femme forte. Lee Miller, qu’est-ce que ça donne ?

une grande personnalité

C’est avant tout le portrait appliqué d’une femme forte au caractère bien trempée, libre, indépendante. La réalisatrice dépeint une Lee Miller dans toute sa splendeur, autant dans ses décisions drastiques, dans l’expression de son désir ou dans les séquences d’émotion mettant en avant ses fêlures. Son personnage prend le contrôle du cadre et dicte le mouvement de la caméra et rayonne constamment, principalement grâce à l’interprétation de Kate Winslet, magistrale. Elle représente le cœur de l’intrigue et elle le sait. Elle livre une palette de jeu qui impressionne et qui dresse dans le même temps un portrait réel et nuancé d’une femme exceptionnelle. Kate Winslet est d’ailleurs bien accompagnée, entourée de seconds rôles joués par des comédiens de qualité (Josh O’Connor, Noémie Merlant, Marion Cotillard…).

Kate Winslet dans la peau de Lee Miller © Constantin Films
Kate Winslet dans la peau de Lee Miller © Constantin Films

une narration encadrée

Au niveau de l’écriture, les scénaristes se contentent d’opter pour la structure narrative classique du récit enchâssé au travers d’une interview. Il n’empêche que ce choix fonctionne, en procurant un peu de rythme par le changement récurrent d’époque. Tout cela mène à une conclusion qui, bien que maladroite, se révèle finalement assez touchante. Il est également important de féliciter l’écriture de la relation entre Lee Miller et David Scherman. Totalement platonique et pourtant si jouissive, elle casse complètement les préjugés au sujet de l’amitié homme-femme.

Toutefois, il est dommage que les raisons de son engagement et son basculement de vie ne soit si peu traitées. Vivant une vie de bohème au début du film, Lee Miller se retrouve concernée d’une obsession de participation à la guerre un peu trop rapidement pour que le spectateur puisse réellement saisir ce changement de point de vue.

Kate Winslet et Marion Cotillard © Constantin Films
Kate Winslet et Marion Cotillard © Constantin Films

mettre en scène l'histoire

Ellen Kuras démontre ses talents de réalisatrice avec une mise en scène efficace. Assez classique dans son ensemble, elle injecte toujours du panache et de la personnalité dans la manière de mettre en scène son héroïne. La cinéaste échappe donc de justesse au piège de beaucoup de biopics. Biopics devenus oubliables par leur représentation impersonnelle et transparente de leur sujet. Le rythme du montage est bien géré, permettant à l’intrigue de garder sa force de la première minute jusqu’à la dernière. La composition musicale accompagnant les images s’avère toutefois inégale. En effet, la plupart des morceaux accentuent inutilement le ton dramatique des séquences avant de trouver un meilleur équilibre en dernière partie de film, lorsque l’Holocauste devient réalité.

Malheureusement, la direction artistique des séquences de guerre ne parvient jamais à transcender le faux pour nous faire croire au vrai. Lee Miller doit vivre la guerre de front. Néanmoins, l’image reste trop propre et lisse pour que son spectateur puisse ressentir ces horreurs. La gestion de la lumière, toujours soignée, reste dans le même temps très sage et donc peu impactante.Enfin, formellement parlant, il y avait une vraie opportunité de jouer avec le support photographique, le mélanger au récit, comme a pu le faire Alex Garland avec son dernier film Civil War. Malheureusement, le spectateur ne se contentera que de bribes de photos, lorsqu’elles sont tenues par le journaliste. Affaire manquée donc !

Toujours la clope au bec, Lee Miller n'abandonne jamais © Constantin Films
Toujours la clope au bec, Lee Miller n'abandonne jamais © Constantin Films

Ainsi, même si Lee Miller est un bon film, touchant et juste, il ne faut pas y chercher l’originalité. Ni même un nouveau traitement dans la représentation de l’Holocauste. On peut toutefois reconnaître au film qu’il ne tombe jamais dans le tire-larme et trouve un équilibre de ton parfait au travers de son héroïne, véritable pivot du projet. Juste pour l’interprétation et l’importance de se remémorer les conséquences de ces temps de guerre, le visionnage de Lee Miller est hautement recommandé.

Lee Miller sortira le 9 octobre 2024 dans les salles françaises.

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