? Réalisateur : Fabien Onteniente

? Casting : Didier Bourdon, Catherine Jacob, Nicolas Bridet

? Genre : Comédie

? Pays : France

? Sortie : 5 janvier 2021 (France)

Synopsis : Marie une sage-femme de 30 ans, apprend qu’elle est enceinte de son copain un kiné du 11ème arrondissement de Paris. Elle décide aussitôt de filer au Pays Basque, annoncer la nouvelle à son père, Gabi, un charcutier basque. Thomas, qui n’a jamais été présenté à sa belle-famille, décide de saisir l’occasion pour lui faire une surprise et arrive sans prévenir à Sare, un village du pays Basque. Gabi découvre avec horreur que son gendre est végan ! Charcutier basque vs végan parisien, lequel convertira-t-il l’autre à son régime alimentaire ? Pour le bien de Marie et des Moreno, père et gendre arriveront-ils à cohabiter sans s’entretuer ?

Plus d’infos ici

En plein cœur d’une pandémie qui paralyse le cinéma mondial, les nouveautés à servir aux plus affamé(e)s des cinéphiles se font une denrée rare. Aussi, lorsque France 3 nous sert sur un plateau le dernier film de Fabien Onteniente, 100% Bio, on espère secrètement que l’encas ne nous sera pas trop fade. Ou tout du moins qu’il sera comestible.

À ce jeu, le film dépasse nos espérances : si la grossièreté du cinéma d’Onteniente n’était plus à prouver, 100% Bio semble être ici une version améliorée de ses précédentes œuvres. Ainsi, il ne nous faut pas moins de trois scènes, et l’arrivée de Marie, pourfendeuse de nos malheurs des 90 prochaines minutes, pour comprendre que le réalisateur aurait de quoi faire passer George Lucas pour un directeur d’acteurs jusqu’au-boutiste. Les acteurs, qui ne sortent visiblement pas du Cours Florent (ni d’un cours de théâtre tout court) nous font valoir tout leur talent dans une batterie limitée d’émotions stéréotypées, bien aidé par un scénario où “abyssale” caractérise plus l’idiotie que la profondeur thématique. Tout ici à la finesse d’un pachyderme sous drogues dures, tant dans l’humour graveleux, digne d’un sous Jean-Marie Bigard (et on s’arrêtera là dans la comparaison pour ne pas devenir vulgaire), que dans un déroulé aussi prévisible que bas de gamme. Les thématiques “de société” (l’homosexualité, le respect des animaux,…) y sont brassées en surface et à contre-courant, présentes ici uniquement pour garantir un quota de bienséance, mais qui nous donne plutôt la gerbe tant leur traitement bafoue la décence et semble avoir des siècles de retard. Saupoudrez le tout d’une mise en scène niveau vidéos caméscope sans âme, à même de retourner les frères Lumière dans leurs tombes, d’une photographie plus plate que l’électrocardiogramme d’un mort et d’un montage similaire à nos travaux collégiens sur Movie Maker, et 100% Bio devient le niveau négatif du cinéma. Non content de faire un doigt d’honneur à l’art qui lui a trop donné, Onteniente a peut-être signé son ultime bousin, ni navet ni nanar, insulte suprême aux spectateurs et à leurs valeurs, qui nous donnerait presque envie de nous asperger les rétines d’eau de javel pour soulager la douleur.

On tirait à peu près la même tête que Didier Bourdon devant le film…

Mais à quoi bon écrire un papier si cela est pour aligner des poncifs haineux, au bord du vocabulaire scatophilique, pour démonter un film qui ne méritait à l’évidence pas que l’on s’y attarde ? Mardi 5 janvier, date de la première diffusion du film sur France 3, quasiment 4,7 millions de français (virtuellement le 2ème plus gros succès du réalisateur derrière Camping), soit presque 20% de la part d’audience, étaient devant leur télévision pour découvrir les dernières pérégrinations de Didier Bourdon. Un chiffre énorme, loin d’être anodin, qui donne peut-être des réponses à bien des questions. Oui, si Fabien Onteniente continue de pouvoir produire ces idées, c’est parce qu’il y a un public pour celles-ci. Oui, la comédie reste le genre cinématographique français qui rassemble le plus les gens. Finalement, 100% Bio rappelle à toute une génération de “cinéphiles”, moi le premier, que la condescendance dont nous faisons trop souvent preuve n’a qu’un effet relatif sur le public. 

Comme je l’expliquais il y a quelques mois dans un papier sur le cinéma français (à retrouver ici), les décrets Tasca en 1990 ont eu pour conséquence de placer les chaînes télévisuelles au centre de l’échiquier de la production en France. Trente ans plus tard, force est de constater, avec une pointe de cynisme, que ces décrets ont en partie permis aux chaînes d’adapter leur production à leur image. On ne cesse de voir émerger, années après années, des films aux recettes stéréotypées, devant lesquels on peut s’amuser à quels moments pourraient être calés les séquences publicitaires. La vérité est triste : on ne fait aujourd’hui plus de films populaires qui rassembleront plus tard devant le petit écran, mais des téléfilms qui connaissent une première diffusion en salles. Finalement, Fabien Onteniente, comme d’autres (nous ne citerons pas de noms, l’idée n’est pas ici d’organiser un peloton d’exécution), est à sa place : non pas celle d’un cinéaste, mais bien celle d’un fabricant de produits de consommation. Ne nous y trompons pas : si ces recettes sont appliquées à tour de bras, c’est bien parce qu’elles ont prouvé leur efficience. A tel point que ces produits font planer une ombre immense sur le paysage cinématographique : le brassage de gens que ces produits provoquent en feront sûrement des phares pour les salles de cinéma lorsque nous pourrons y retourner. Face à ces produits, on ne fait que voir, sans se poser la question de ce que l’on voit. 100% Bio n’est finalement que le dernier-né d’une batterie de divertissements prime-time, dans la lignée de Camping ou des Tuches, censés satisfaire un public sur le chemin du sommeil. Ne nous y trompons pas : nous pouvons blâmer le cinéma d’Outre-Atlantique pour la voie du cynisme qu’il prend depuis quelques années ; mais le problème est le même chez nous, peut-être de manière plus insidieuse. Doit-on pour autant jeter la faute sur le public ? Assurément non : ils sont au cœur du problème, et la clé de la solution. Plutôt que de juger de manière arrogante ces choix, il serait peut-être bon de mettre en avant les alternatives. Hurler une haine envers ces produits n’est finalement qu’un geste vain, si l’on n’espère que braquer et rabaisser les personnes qui s’en satisfassent. Tant que la mécanique sera bien huilée, tout cela continuera, sans que la rage des paroles ne puisse l’altérer. Mais le jour où le système arrivera en bout de course, que la logique capitaliste de production des chaînes de télévision s’éreintera, alors la véritable remise en question aura lieu. Et ce jour-là, peut-être que l’on pourra dire que vos voix, que ma voix, qui s’élevaient pour mettre en garde contre la piètre qualité de ces produits, auront éventuellement servi à quelque chose.


Note

Note : 2 sur 10.

2/10

Masterclass de Fabien Onteniente, absolu raté dégoulinant de bêtises et d’idiotie à tous les niveaux, 100% Bio est une insulte que nous faisons à nos sens. Mais il est surtout une preuve qu’il faut une remise en question du genre “comique” en France…


Pour voir le film :

https://www.france.tv/series-et-fictions/telefilms/2168809-100-bio.html

Auteur/Autrice

Partager l'article :

Leave a comment