Deux semaines après sa sortie, la rédaction de PelliCulte ne pouvait pas passer à côté de l’un des événements cinématographiques de l’été. Le nouveau Superman de James Gunn attise les convoitises aux États-Unis et semble prouver que DC Comics n’a pas encore dit son dernier mot. Décryptage d’un film qui fait du bien et redonne envie de croire aux super-héros.
Une générosité jouissive
S’il ne brillera jamais par son originalité, ce nouveau Superman séduit par sa générosité et sa sincérité. En revenant aux sources, James Gunn adapte un Superman aussi lumineux et naïf que dans les comics, et signe un film plein d’espoir, à une époque où l’on en manque cruellement.
Parsemé de séquences d’action jouissives, savamment intégrées au récit, le film maintient un rythme soutenu sans jamais lasser, dont l’équilibre force le respect. Même constat pour les effets spéciaux, jamais tape-à-l’œil ni agressifs, fait rare dans un film de super-héros.
Le cinéaste insuffle un véritable style à sa mise en scène, jouant habilement des focales et des grands angles pour donner de l’ampleur au spectaculaire et à la démesure. Sa patte d’auteur, qu’on l’apprécie ou non, se ressent autant dans la réalisation que dans l’écriture. Comme dans Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2, il aborde le thème de la parentalité avec une justesse touchante, et parvient à rendre crédible la relation entre Lois et Clark en quelques scènes seulement : la fameuse séquence de l’interview, ou encore cette discussion intime et honnête sur leur amour, tandis qu’un monstre ravage la ville à l’arrière-plan. Si l’action soutient l’intrigue, ce sont les personnages, toujours au cœur du récit, qui donnent au film sa solidité et son humanité.

Une ambition démesurée
Toutefois, le film souffre de l’une de ses plus grandes qualités : son ambition. Ce Superman est censé lancer le nouvel univers DC Comics, désormais supervisé par James Gunn, avec l’objectif de connecter plusieurs films à la manière de Marvel et ses Avengers. Mais ici, la « Distinguée Concurrence » frappe fort… peut-être trop fort. Le spectateur est plongé dans un joyeux chaos : une multitude de personnages secondaires, de sous-intrigues et d’informations sur ce nouveau monde. Il faut le reconnaître, le récit part un peu dans tous les sens, sans toutefois perdre son équilibre, ni son spectateur. La construction d’un univers aurait mérité davantage de temps ; à vouloir trop en dire, le film perd en clarté narrative.
Cette effervescence, à la fois visuelle et narrative, entraîne quelques excès, à commencer par le personnage de Krypto. Drôle, certes, mais trop souvent utilisé comme un deus ex machina pour sauver Superman. James Gunn parvient tout de même à contenir son humour habituel, parfois vulgaire ou potache : ici, il reste plutôt bien dosé, même s’il fait rarement mouche. Enfin, à force de pousser l’idéalisme lumineux du personnage, le film en vient à oublier la suspension consentie de l’incrédulité, ce pacte tacite entre spectateur et fiction. Lorsqu’un journal télévisé annonce qu’il n’y a eu aucune victime après la destruction de plusieurs immeubles par un monstre géant, il devient difficile d’y croire… même pour un fan de super-héros.

Le punk d'aujourd'hui
Mais là où cette nouvelle œuvre sur Superman marque véritablement, c’est dans son propos, celui qui se cache derrière le simple masque du divertissement. James Gunn signe une ode à la tolérance, tout en livrant une critique implicite des États-Unis à une époque où le pays a plus que jamais besoin d’un discours à la hauteur de celui de l’Homme d’acier. En un seul film, il est question d’immigration, de fake news, et même d’intervention militaire au Moyen-Orient, dans une guerre qui n’est pas la leur. Les parallèles avec la situation politique actuelle sont flagrants, prouvant que James Gunn a parfaitement compris ce que doit être un film de super-héros aujourd’hui : au-delà du spectaculaire et du pur divertissement, un véritable vecteur d’idées, capable de parler du monde contemporain et de transmettre des valeurs fortes, aussi bien aux plus jeunes qu’aux adultes.
Avec son univers décalé et coloré, le cinéaste prouve à son spectateur qu’il a parfaitement saisi l’essence de Superman. Il se sert de ce que représente ce personnage mythique pour insuffler au film une morale certes naïve, mais profondément bienveillante et remplie d’espoir, à l’image de notre cher Clark Kent. Quitte à défier l’ordre établi et aller à contre-courant du système, Superman choisit de suivre ses propres valeurs idéalistes et de ne pas céder à la peur, à l’inverse de Lex Luthor, désormais interprété par l’excellent Nicholas Hoult.
Le casting, d’ailleurs, est à saluer : chacun parvient à incarner avec justesse son rôle dans ce nouvel univers, au point de nous donner envie d’en découvrir davantage. Un bon signe pour l’avenir du DC Universe version James Gunn.

Ainsi, il est intéressant de constater la direction choisie par James Gunn pour se démarquer de son ancien allié Marvel. Il privilégie les auteurs-réalisateurs, non seulement en leur laissant une véritable liberté créative, mais en encourageant activement l’expression de leur style, de leur patte, à travers chaque film, afin que ceux-ci soient uniques et mémorables. Une stratégie prometteuse qui se ressent pleinement dans ce Superman, véritable note d’intention déguisée. Cette démarche est d’autant plus honorable qu’elle s’appuie sur une belle alchimie entre le trio principal (Lois Lane, Superman et Lex Luthor) et sur un travail d’adaptation à la fois respectueux et audacieux.
Et si deux répliques pouvaient résumer l’esprit du film et conclure cette critique en lui rendant hommage, ce serait sans doute cet échange entre Lois et Clark : elle lui dit qu’il voit la beauté en tout le monde, en toutes choses. Et lui de répondre, simplement : « C’est peut-être ça, le vrai punk rock. »
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