? Réalisateur : J.J Abrams (Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force, Super 8…)
? Casting : Daisy Ridley (Le Crime de L’Orient Express), Adam Driver (Silence, Marriage Story, Paterson…), John Boyega (Pacific Rim : Uprising), Oscar Isaac (Inside Llewyn Davis, Ex Machina)…
? Genre : science-fiction
? Sortie : 18 décembre 2018 (France)
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Synopsis : La conclusion de la saga Skywalker. De nouvelles légendes vont naître dans cette bataille épique pour la liberté.
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… Ainsi naquit, 42 ans en arrière, la saga de cinéma la plus iconique de l’histoire. Une saga qui achève le parcours de la lignée Skywalker avec cet épisode IX, sobrement intitulé The Rise of Skywalker, et qui advient après deux épisodes qui ont semé le trouble.
Car entre la volonté de J.J Abrams de reprendre les bases de la trilogie originale dans son épisode VII et celles de Rian Johnson de mettre un coup de pied dans la fourmilière dans le VIII, furent livrées deux œuvres individuellement appréciables, mais dont le manque de cohérence et de continuité semblait condamner l’épisode IX à être, dès le départ, un film maudit, laissé à l’agonie par un Johnson revanchard ayant fermé des portes scénaristiques en en entrouvrant à peine d’autres.
Pour son retour aux affaires, quelle copie J.J. Abrams pouvait-il donc livrer ?
Ce que l’on peut au moins accorder à Abrams, c’est son talent de faiseur d’images. Contrairement à son épisode VII, d’une effarante platitude visuelle, le cinéaste livre ici une œuvre plus variée, dans la continuité d’un épisode VIII ayant livré une copie plus réfléchie artistiquement. Ainsi, et même pour l’espace de quelques secondes, nos personnages, qui sont enfin au centre de leur propre épopée, voguent aux grès de décors desquels on sent enfin venir une certaine inventivité et variété.
Mais si l’on ne peut pas totalement lui accorder son crédit (après tout, il est probable que nombre de ses décors soient des idées antérieures jamais exploitées), on ne peut nier au film une qualité certaine : son rythme. Un rythme scénaristique, puisque ce récit gonflé de McGuffins permet de mettre toujours les protagonistes en action, mais également un rythme visuel, puisqu’Abrams abandonne l’inertie qu’il avait fait sienne dans l’épisode VII (encore un décalque de la trilogie originale) pour donner plus de dynamisme à ses scènes, cette caméra mouvante donnant toujours plus d’ampleur aux affrontements et travaillant régulièrement le gigantisme.
Néanmoins, Abrams s’emmêlant parfois les pinceaux, la copie rendue s’en retrouve assez moyenne, tant sa gestion des scènes d’action est parfois calamiteuse, que ce soit par leur manque de lisibilité, mais surtout, par leur manque de dramaturgie. En cause, ce scénario qui, sacrifiant l’émotion sur l’autel de l’action et du rythme, empêche toute prise de conscience et donc toute assise émotionnelle. Un rythme qui devient déjà risible dans les trente premières minutes complètement rushées, comme si Abrams voulait rapidement mettre sous le tapis le travail de sape de Johnson pour enfin pouvoir s’affairer à son propre film et sa vision sans perdre de temps à régler en profondeur les problèmes posés par le VIII. Et si le film ne manque pas de pêche, la répétitivité de son scénario finit invariablement par lasser, et démontre l’échec cinglant d’Abrams à construire une conclusion solide sur les ruines de son prédécesseur.
Car il est une chose que de créer une œuvre qu’on souhaite comme l’expression d’un amour pour la saga originale ; il en est une autre de la priver d’une existence propre. Sur ce point, Abrams n’a pas appris de ses erreurs du VII, ni de celles de Johnson, et s’est contenté de livrer la même copie que son précédent ouvrage, le dynamisme en plus. Un film lourdé par un fan-service incessant, parfois contradictoire, souvent inutile, mais étant avant tout l’aveu de faiblesse d’un Abrams certes excellent faiseur, mais piètre créateur. Une onctueuse madeleine de Proust pour des fans ébahis, un moment difficile à passer pour les autres tant les incohérences semblent nombreuses. Reste que le cinéaste ne peut s’en prendre qu’à lui-même (ou à Kathleen Kennedy, présidente de Lucasfilms) d’avoir lancé la trilogie sur des rails aussi chancelants, qui ne pouvaient mener qu’à une conclusion aussi superflue.
Et Abrams et Johnson, au final, se sont contentés de regarder en arrière sans jamais aller de l’avant : Abrams vers la trilogie originale, Johnson en détruisant les bases du VII, Abrams à nouveau en tentant de cacher ce qu’il pouvait du travail de sape de l’épisode VIII (malgré des arcs narratifs disséminés par Johnson évidemment impossibles à renier dans le IX). En ne proposant rien de plus qu’une nouvelle déification de la trilogie originale qui semble toujours rester intouchable, Abrams prive son film d’une existence propre, n’en fait qu’un miroir des épisodes précédents (le climax en est un exemple criant), et au final, ne crée rien de nouveau, si ce n’est des itérations bancales d’archétypes déjà connus, et un fan-service qui tente tant bien que mal de conserver une cohérence et de rattacher les wagons entre eux, mais qui alourdit encore un film à la mission impossible.
Ce qui manque à cette trilogie, c’est la mythologie, le sentiment de grandiose, d’épique, d’une histoire qui nous dépasse. Or, ici, le rêve se brise, les personnages ne sont plus que les pantins d’une histoire construite petit à petit, les rôles secondaires sont réduits à l’état de spectres, sans aucune enveloppe spirituelle, si ce n’est ce qui fait avancer le scénario (Finn restant le personnage le plus mal écrit de la trilogie), et auxquels on ne ressent aucun attachement qui permettrait à ces films de s’offrir une tangibilité, et donc, une émotion brute et forte. Aucun des personnages nouvellement créés pour cette trilogie, hormis Kylo Ren (qui doit beaucoup à son interprète Adam Driver), n’auront su garder leur intérêt ni avoir un arc narratif complet et satisfaisant sur le long terme. Comme toujours, la solution viendra du bestiaire habituel des personnages de la trilogie originale, mais dont l’émotion ressentie est avant tout symbolique, et donc purement factice.
A la lecture de cette modeste analyse, il eut été facile de brandir fourches et torches pour clouer Abrams au pilori. Mais la faute lui incombe-t-elle réellement ? N’est-il pas plus sage de penser que le souci ne viendrait ni de lui, ni de Johnson, mais bien de Disney ? D’une société de production qui a souhaité relancer la machine à billets, mais qui n’a jamais pris la peine de mettre à sa tête un showrunner, un gardien du temple, un Lucas en somme, qui aurait assuré à la saga une cohérence globale, hors de toute considération individuelle envers les films ?
Pris en tant qu’unité, chaque film de cette trilogie reste très appréciable (même si l’épisode VII reste difficilement agréable au gré des visionnages), sans constituer un chef d’œuvre. Mais il est nécessaire de les considérer comme un ensemble, supposé réfléchi. Mais cet ensemble, bancal, a détruit la mythologie en ne créant rien, ou du vide, en se contentant de construire sur les cendres de son prédécesseur, au lieu de bâtir de nouvelles et solides fondations, qui auraient amené à une fin autrement plus satisfaisante. La prélogie, pour tous les défauts et le kitsch qu’on peut aisément lui attribuer, restait sous la houlette de son créateur, qui assurait ainsi la viabilité de l’univers qu’il avait créé, et sa cohérence. Mais avec cet opus final, se fait un constat d’échec puissant : Star Wars est redevenue une saga comme les autres, dont le grandiose a été considérablement amenuisé par une postlogie qui n’aura jamais su camoufler l’ampleur d’une gestion désastreuse de la part d’un establishment qui n’a su prendre au sérieux l’ampleur du phénomène qu’elle tenait entre ses mains.
Star Wars IX : L’Ascension de Skywalker est définitivement raté, c’est une certitude. Mais face à l’ampleur de la catastrophe qui s’annonçait, et face au manque de construction de cette trilogie dans son ensemble (dont Abrams reste en partie responsable), il n’a su que limiter la casse et livrer une conclusion qui ne satisfera certainement personne. Un film qui aura permis à son réalisateur de montrer ses qualités de faiseur, mais qui restera comme un exemple flagrant du désordre d’une production handicapante pour une trilogie malade ; un mal qui, bien malheureusement, rejaillira sur l’ensemble d’une saga à laquelle cette trilogie vient de retirer une bonne partie de son aura.
Note
4/10
L’échec de Star Wars IX est avant tout l’échec d’une trilogie jamais préparée et semblant donc au final bâclée, détruisant la mythologie d’une saga tutélaire. Cet opus final, malgré quelques coups d’éclat et toute la bonne volonté de son cinéaste, restera une amère conclusion et le point final à un nouvel univers définitivement bien terne.
4 Comments
princecranoir
Beaucoup de mots (et une note bien généreuse au regard de ce qui est exprimé) pour motiver un ressenti chargé de reproches et de regrets. La déception est sans doute à l’aune des attentes successives de chaque épisode. Triste.
En ce qui me concerne, j’ai versé ma petite larme à l’énoncé de la dernière phrase du film. L’instant d’avant je l’avais déjà prononcée dans ma tête, sans doute le signe que mes attentes étaient comblées. Parce que Abrams a reveillé l’enfant que j’étais quand je découvris les premiers épisodes de ce qui reste ancré dans mon souvenir comme la Guerre des Etoiles plutôt que Star Wars, je le reconnais comme seul vrai gardien du temple, balayant à raison les élans iconoclastes de Rian Johnson. A ce titre, JJ je lui dis merci.