Après le succès de X et de Pearl, le réalisateur Ti West conclut sa trilogie avec un dernier opus aux couleurs et aux rythmes des années 80. Les projecteurs sont désormais tournés vers une seule silhouette, celle de Maxine, que l’on a appris à tant aimer au fil de ses (més)aventures. Après trois films (une franchise inégale mais toujours passionnante à suivre), la jeune femme arrivera-t-elle à réaliser son rêve : devenir enfin une star, celle qu’elle croit destinée à être ? 

Un tryptique Détonnant

Même si chacun des films place en tête d’affiche la même actrice, à savoir Mia Goth, X, Pearl et Maxxxine ne se ressemblent pas. Aussi différents dans leur structure narrative que dans leur mise en scène, ces films offrent aux spectateurs une expérience nouvelle, quelque soit l’opus choisi. En effet, l’originalité de cette franchise se cristallise dans l’une des intentions de départ de son réalisateur, scénariste et producteur Ti West : rendre hommage au cinéma d’exploitation d’épouvante et au sous-genre qui dominait à cette période. 

Le cinéaste joue complètement le jeu et façonne chacun de ses films en fonction des codes très précis qui dominaient à l’époque. Tandis que X évoquait les années 70, et jouait sur l’héritage de Tobe Hooper avec la cruauté du Slasher, Pearl surprenait en remontant encore plus loin. S’il se révélait plus sage en hémoglobine, il mettait plus l’accent sur la descente aux enfers psychologiques de son héroïne. Sorte d’anti-Magicien d’Oz, tourné en Cinémascope Technicolor à l’ancienne, l’avènement d’Hollywood était déjà présent au centre de l’intrigue, au travers des fantasmes de Pearl. Avec Maxxxine, la trilogie trouve la plus parfaite des conclusions en mettant les pieds dans l’industrie hollywoodienne, celle des années 80, aussi extraordinaire qu’impitoyable. 

La trilogie réalisée par Ti West @ A24

Et pour ce plaisir coupable de revivre le temps d’un film les « années Pop », Ti West s’avère généreux, autant dans sa bande sonore complètement jouissive que dans sa direction artistique hyper colorée empruntant bien sûr au genre du Giallo italien. Lors des séquences meurtrières remplies de suspens, le cinéaste s’amuse énormément de la grammaire cinématographique de ses modèles. Dario Argento et Brian DePalma seraient fiers ! Le spectateur savoure donc ces capsules nostalgiques en découvrant avec toujours plus d’étonnement le talent du cinéaste, parvenant à utiliser correctement ses références pour donner du « punch » à son film. 

Toutefois, cette fameuse démarche révèle en même temps les faiblesses scénaristiques du long-métrage, pouvant parfois paraître paresseux. En effet, un spectateur habitué des Giallo (et des révélations absurdes qui l’accompagne) aura facilement deviné l’identité du tueur masqué, devenu justement prévisible par cet exercice d’hommage que Ti West n’arrive jamais totalement à transcender. Beaucoup de personnages secondaires restent ainsi extérieurs à l’intrigue (la réalisatrice) ou y sont sauvagement arrachés (le duo d’inspecteurs), ne devant absolument jamais faire de l’ombre à Maxine. C’est en cela que X restera la meilleure proposition parmi les trois films, parvenant à atteindre un parfait équilibre dans la gestion de ses personnages, dans l’identification de son spectateur et du coup de ses enjeux horrifiques. 

Le magnétisme de Maxxxine / Mia Goth @ A24

Révélation d'une actrice

Comme vous l’aurez sûrement compris, la plus grande réussite du film réside évidemment dans son (anti)héroïne, personnage féminin badass, à la fois inspirante et effrayante dans son obsession de devenir une star. Il est ainsi passionnant de tracer un parallèle évident entre le parcours de Maxine et la persona de son actrice Mia Goth, devenue l’une des comédiennes les plus prometteuses de la nouvelle génération d’Hollywood grâce à cette trilogie. Fiction et réalité se confondent, donnant au long-métrage une étrange véracité, comme si les deux femmes ne formaient qu’un seul et même esprit. Sans tomber plus dans la spéculation, Mia Goth impressionne toujours autant au travers des nuances qu’elle donne à son personnage, profondément humain au travers de ses sentiments mais étant capable d’actes inhumains pour atteindre son objectif. Une grande actrice est née, et elle ne risque pas de disparaître. 

Maxine est partout, sur chaque plan, constamment en mouvement, prenant le spectateur en otage avec elle. Elle donne le rythme au montage, basculant dans des univers différents à chaque film comme si elle changeait de chaussettes. Son personnage est libre, torturé, sans pitié mais le spectateur ne peut s’empêcher de croire en elle, probablement l’une des plus grandes réussites d’écriture vis-à-vis de la nature sauvage du personnage (encore une fois, Mia Goth n’y est pas pour rien). Son trajet psychologique est extrêmement cohérent au travers de la trilogie, et ce même si le préquel Pearl met en scène un tout autre portrait de femme tourmentée.

Le fait que Ti West ait choisi la même actrice pour incarner Pearl (qui se trouve être l’antagoniste de X) crée un lien spécial entre les deux personnages partageant le même rêve. Une universalité émerge, le visage de Mia Goth n’est plus seulement celui de Maxine mais devient alors une surface d’identification pour toutes les personnes ayant eu secrètement le même désir d’indépendance, de grandeur et de réalisation d’une passion qui serait prête à dévorer son hôte.

maxxine
une partie de chasse en boîte de nuit @A24

Un point de vue ambigu sur la cité des anges

Enfin, en réfléchissant au film et à sa morale (garantie sans spoiler), on peut aisément se rendre compte que Ti West préfère miser sur l’ambiguïté que sur une position précise et actée. Dans la dernière partie de l’intrigue, le cinéaste prend le risque de tordre sa narration afin d’offrir plusieurs interprétations sur sa véritable note d’intention. Il continue ainsi d’interroger les épreuves morales et physiques que tout être doit traverser pour découvrir les clefs du succès et permettre ici à Maxine d’être reconnue. 

Sans jamais émettre un jugement sur l’obsession de son personnage, le cinéaste dépeint une vision féroce et négative d’Hollywood (quoique très proche de la réalité), que l’on a souvent tendance à oublier et à enfouir derrière les fantasmes de sa représentation médiatique. Quel prix doit-on payer pour atteindre le succès et la reconnaissance? Est-on vraiment prêt à se débarrasser des obstacles qui nous empêchent de percer ? Comment cette recherche absolue de célébrité peut-elle rendre littéralement fou, comme dans Pearl ? Les trois œuvres de la trilogie se retrouvent alors interconnectées grâce à cette thématique sous-jacente invoquant constamment ces interrogations. Sans être pour autant dépendantes, les suites dialoguent intelligemment avec le film original, ce qui est un cas rare et appréciable à souligner ici. 

Ainsi, malgré son efficacité parfois maladroite et donc inégale, en concluant sa trilogie avec MaxxxineTi West témoigne de son amour de ce qu’on pourrait qualifier le cinéma sale, underground, autrefois qualifié de série B et lui redonne ses lettres de noblesse. S’attaquer à plusieurs périodes lui permet de se livrer à un véritable exercice de style passionnant pour le spectateur, il s’ouvre aux expérimentations tout en dressant une analyse de ce qu’est le cinéma et comment il est possible de s’approprier certains codes de son histoire pour chercher à les transcender. Dans son fond, Maxxxine représente un cri d’espoir, une invitation à poursuivre désespérément ses rêves, tout en rappelant qu’il faut être prêt à faire les sacrifices nécessaires afin qu’ils se réalisent.

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