Dernier film en date à bénéficier de la hype infinie que génère la distribution impeccable de Neon : trailers énigmatiques et conceptuels – tellement fournis qu’on en vient même à se demander comment tout cela peut rentrer dans un seul et même film – ambiance glauquissime, et Nicolas Cage en serial killer, que tous les montages se refusent à nous dévoiler. Alors on se précipite, à 9h aux Halles le 10 juillet pour avoir nos réponses, pour combler cette frustration et surtout pour mettre de l’ordre dans toutes ces images et ces sons qui nous hantent… et tout ça pour quoi…

Déclinaison trop parfaite

Si Longlegs se présentait comme sauveur d’un genre ou créateur d’un quelque chose, c’est plus dans la déclinaison sage de poncifs qu’on avait plus vue depuis longtemps. La nouveauté a un goût de déjà-vu, celui du joli tissu de fabrication du cinéma indépendant américain.

Longlegs a pour ambition de nous plonger dans un monde sombre et cruel, un petit peu comme celui de Se7en de David Fincher, ou de toute cette flopée déprimante de films sur la banlieue américaine (BarbarianThe StrangersSinisterThe Black PhoneDon’t Breath…). On tombe au fur et à mesure dans l’occulte et le satanisme, alors que le film tire de plus en plus dans le glauque, mais surtout dans les facilités. On nous construit une résolution classique en voix off, frustration naissant du tiré par les cheveux de la situation. Et c’est cette sagesse finalement qui constitue l’impossibilité de Longlegs à pleinement atteindre ses objectifs. Cette caméra qui suit ou qui précède Maika Monroe quand elle marche est trop stable, trop parfaite, les décadrages sont trop bien cadrés, les changements de formats (oui…le format change en direct) trop peu camouflés, même les panoramiques en grand angle nous sautent aux yeux tant le décor de la maison de la mère de Lee est fourni. On voit tout tourbillonner à l’écran, c’est beau, mais ça déconcentre. Concrètement, Longlegs est trop sage. Trop lisse dans cette mise en scène qui ne peut pas donner à cette histoire le glauque auquel elle aspire. On a l’impression de regarder le réalisateur, lui-même se regardant filmer, c’est frustrant, et jamais, on ne sent le film réellement nous attraper au ventre. C’est cette sensation de se sentir seul en dehors du film qui fait regretter Scott Derickson ou Zach Cregger. 

L'équilibre

Longlegs, c’est le film de l’équilibre. Tout est balancé sans cesse, les personnages sont placés au centre du cadre, en harmonie absolue entre la gauche et la droite. Alors jamais on ne cherche à briser cela. Et cela crée aussi ce problème de montage, cassant alors notre instinct de spectateur qui, à chaque coupure, va d’abord bouger les yeux pour chercher le nouveau sujet (comme on le fait dans un classique champ contre champ). Longlegs va toujours surprendre nos yeux en leur livrant instantanément ce vers quoi ils sont censés regarder, et cela aussi participe à la frustration de toujours être en retard sur le film. Parti pris sur parti pris qui ne cessent d’aller à contre sens des volontés intrinsèques du film. 

L’équilibre, c’est aussi à cause de lui que Lee ne nous apparaît jamais pleinement, et qu’elle restera cette figure à la veste flanquée FBI. La structure est polie là où on voudrait qu’elle nous crache à la figure, et le glauque ne surgira que de cette épure magnifique mais contre-productive. 

Longlegs
© Neon

Il demeure cependant impossible de rester complètement de marbre face à l’impeccabilité de l’objet filmique. Certaines images sont glaçantes (même si encore une fois, le problème est qu’on le comprend dès qu’elles apparaissent), et la tension qu’arrive à maintenir le réalisateur par la dissimulation du visage du tueur est remarquable. On parlait du meilleur film d’horreur de la décennie, loin de là, mais la démarche est plus que louable. Et si on ne se retrouve pas en présence du film d’horreur de l’année, on est quand même heureux de quitter le cinéma et de retrouver des rues habitées. 

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