En l’honneur d’Ennio Morricone, immense compositeur qui nous a quitté le 6 juillet 2020 en laissant derrière une discographie légendaire, certains des membres de Ciné Maccro ont souhaité, au travers de quelques (modestes) mots, rendre un dernier hommage à un homme qui aura eu sur son art un impact sans commune mesure.
Patrick
C’est pour une poignée de dollars que Ennio Morricone composa la musique du premier western de Sergio Leone. Et pour quelques dollars de plus (et sans doute un peu d’amitié, soyons fleur bleue) que leur collaboration se prolongera. Des Sergio, Ennio Morricone en connaitra d’autre et illustrera leur pellicule, comme Sergio Sollima, s’il ne faut citer que lui pour l’inoubliable « Colorado »
Alors certes, on ne va pas se voiler la face. 91 ans. Autant dire que la mort était au rendez-vous. Mais cette disparition nous fait songer avec tristesse que se plonger dans la musique de Morricone était comme parcourir un jardin des délices. « Merci ma tante » aurai-t-on pu dire, si c’était à elle que l’on devait la découverte du grand maitre. Mais il n’en est rien. Tant pis pour elle. Le grand silence, qui va à présent envahir la musique de film, nous fait nous remémorer que Ennio Morricone et le cinéma formaient un couple pas ordinaire puisque difficile à cerner. Tous deux œuvrant tantôt dans le western, tantôt dans le giallo, n’hésitant pas à faire une incursion par la France pour rendre hommage à un Clan des Siciliens auquel tous deux n’appartenaient pas, ou encore pour répandre la peur sur la ville.
C’est à ça que l’on reconnait le professionnel qu’était Ennio Morricone. Lui qui composait encore, peu de temps avant sa mort et semblait nous hurler « Je suis -encore- vivant ! ». Alors même si on aimerait rendre hommage à l’intégralité de la carrière de l’intéressé -mais environ 500 B.O. tout de même !-, même si l’on voudrait deviser, établir des théorèmes, on va simplement se rappeler que si la belle plume fait le bel oiseau, le plumage d’Ennio était de Cristal.
Nils
Le décès d’Ennio Morricone me renvoie à mon enfance lorsque je regardais des westerns avec mon papa. De ces moments inoubliables qui ont forgé ma passion pour le cinéma et la musique, Ennio a indéniablement participé à cela.
En grandissant j’ai compris que son œuvre allait plus loin que des simples westerns, mais englobait la totalité du cinéma. Plus j’y repense, et plus je m’aperçois que ses compositions m’ont accompagné toute ma vie, d’une simple mélodie que je fredonne, à une épopée dans l’Ouest américain ou dans une base en Antarctique. C’est aussi ça Ennio Morricone : il fait partie de notre enfance, de notre vie de cinéphile et de l’histoire du cinéma.
À cela, je ne peux que rajouter ces quelques mots, de simples mots qui en disent beaucoup : Merci pour tout.

Antoine
Monsieur Morricone,
Le réveil ce matin fut douloureux. Une douleur sourde, celle de la perte de quelqu’un qui, s’il on ne le connaît pas personnellement, nous brise le coeur. Ce matin, j’ai appris votre disparition, et avec votre âme, c’est un pan de mon amour du cinéma qui s’envole.
Je n’irais pas par quatre chemins : vous étiez à mes yeux le plus grand. De Sergio Leone à Quentin Tarantino, d’Henri Verneuil à John Carpenter, vos sons résonnent pour toujours dans les salles de cinéma. Un son unique, une sonorité si spéciale, reconnaissable entre tous les genres et tous les pays ; c’est un lien si spécial qui unit les plus de 500 bandes originales que vous avez composé. Votre hétéroclisme, aussi bien instrumental que stylistique, aura marqué plusieurs générations, cinéphiles ou non.
Oui, monsieur Morricone, vous êtes à mes yeux le plus grand. Oui, vous avez toujours su, en une modeste note, réussi à me transporter dans votre univers d’émotion, comme nul autre. Des pleurs à la peur, de la surprise à l’envolée, votre baguette, Maestro, invite au voyage. Et alors que vous venez d’effectuer votre dernier, Monsieur Morricone, c’est avec vos notes que nous pleurons votre disparition ; nul doute que là haut, au paradis du cinéma, Sergio, votre ami d’enfance, et les autres vous aurons réservé une place d’honneur. Au revoir, monsieur Morricone, et merci pour tout,
Votre humble admirateur,
Antoine
Thomas
Cher Ennio,
Pardonnez tout d’abord cet excès de familiarité, que je rattrape immédiatement en usant à votre encontre du vouvoiement. Mais, que voulez-vous, quand on aime le cinéma, on a un peu l’impression de vous avoir toujours connu, de vous avoir croisé à des moments charnières de notre histoire d’amour avec le Septième Art.
Dans cette grande famille qu’est le monde du cinéma, vous êtes celui qui a tout vu, tout connu, le patriarche auquel on s’adresse avec déférence et dont on écoute avec attention les récits. Et les récits, chez vous, étaient vos compositions musicales, ces œuvres gravées dans le marbre que chaque cinéphile s’est à sa manière approprié. Il faut dire, avec vos 500 compositions (vous n’avez pas chômé !), difficile de ne pas trouver chaussure à son pied !
De vous, on retiendra évidemment votre collaboration avec Sergio Leone, votre complice de toujours, sûrement ravi de revoir enfin son vieil ami. Une amitié qui résume à elle seule toute la magie du cinéma, ces instants de grâce où la musique et l’image font corps, et touchent, fait rare, aux tréfonds d’une âme marquée à jamais par un duo qui a révolutionné un genre et marqué l’histoire du cinéma au fer rouge.
Mais votre talent et votre audace vous ont permis de ne jamais vous enfermer dans un genre qui vous a pourtant fait roi. La liste est longue : Argento, Tornatore, Carpenter, De Palma, Verneuil, Lautner… Et elle s’étale sur des décennies, traversant l’Atlantique de long en large pour sublimer les œuvres de ces grands cinéastes sans qui celles-ci manqueraient d’un je ne sais quoi, d’une patte d’un compositeur qui a su prouver au fil des âges sa diversité et son génie.
Et vous avez achevé votre parcours avec Quentin Tarantino et Terrence Malick, deux hommes que tout oppose, prouvant que fouler les pavés de votre immense carrière, c’est s’aventurer sur un chemin sinueux autant que passionnant.
Nul besoin d’user de plus de mots, qui ne sont qu’un modeste hommage à un maestro qui a su à merveille s’en passer. Vous disiez avec malice « Quand je ne compose pas, j’y pense » ; rassurez-vous, bercés par vos compositions, nous aussi, nous penserons à vous, pendant longtemps.