? Réalisateur : Howard Hawks
? Casting : Cary Grant, Rosalind Russell…
? Genre : Comédie
? Ressortie DVD/BR : 13 novembre 2019
Synopsis : Hildy Johnson jeune journaliste de métier souhaite quitter la profession pour mener une vie tranquille auprès de son fiancé. Elle décide d’annoncer la nouvelle à Walter Burns, le rédacteur en chef du journal qui l’emploie. Là où les choses se compliquent c’est que Burns est également … son mari !! Hildy décide donc de faire coup double en lui annonçant leur divorce. Mais le beau Walter Burns qui n’est plus à un coup bas près, va tout faire, quitte à user de la perfidie la plus basse, pour garder Hildy au sein de sa rédaction et l’empêcher de partir avec ce fiancé un peu trop sage …
Avec La Dame du vendredi, archétype de la screwball comedy (ou « comédie loufoque »), Howard Hawks n’y va pas par quatre-chemins pour se moquer, pêle-mêle, du monde des médias, du comportement des politiques et même d’un condamné à mort. L’humour se veut libre, insolent, cruel, mais finalement jamais méchant. C’est l’art et la manière, pour Hawks, de tenter de rire de tout avec tout le monde…
L’un des exemples les plus caractéristiques de cette démarche est, finalement, révélé par le titre. « His Girl Friday« , titre intraduisible, devenu en Français « La dame du Vendredi« , fait référence à Vendredi, l’homme à tout faire de Robinson. L’esclave, le serviteur, qui deviendra le seul compagnon du héros de Defoe est comparable à Hildy, le personnage de Rosalind Russell ! Au lieu de placer ce personnage dans une fonction bien précise, soumise à l’emprise masculine, Hawks en fait une femme à part entière, à la fois épouse et working-girl, qui s’impose comme le parfait alter ego de l’homme.
Cela suffit-il à faire de La Dame du vendredi un film féministe ? Rien n’est moins sûr car Hawks ne compte épargner personne ! La figure du couple classique est tournée en dérision à travers le personnage de Ralph Bellamy, trop gentil et trop lisse, celui-ci n’est pas destiné à survivre dans le monde impitoyable d’Howard Hawks. Ainsi le cinéaste n’hésite pas à envoyer en prison ce gendre idéal, bien sous tous rapports, et lorsque sa propre mère intervient, elle est emportée illico presto par la folie du système !
Mais la famille conventionnelle, emblème même de la société américaine, n’est pas la seule victime de ce jeu de massacre. Le pouvoir n’est évidemment pas épargné. Le monde politique est croqué avec cynisme avec ce maire prêt à toutes les manipulations pour pouvoir être réélu, n’hésitant pas à utiliser le sensationnalisme (le meurtre d’un policier Noir) ou nourrir la peur du « rouge » ! Le pouvoir médiatique n’est guère mieux loti avec ces journalistes avides d’articles à sensation, n’hésitant pas à travestir ou sur-créer l’événement.
La Dame du vendredi distille ainsi un humour qui est toujours empreint de cruauté et dérision, Hawks semblant marcher, tel un funambule, sur le fil de la comédie sans tomber dans un excès outrancier. Le personnage du condamné à mort est le seul à nous apparaître surréaliste, provoquant un rire sans une once de méchanceté. De même, on s’amuse des principaux protagonistes qui utilisent le système, sans remords, pour arriver à leurs fins. Rosalind Russell, Cary Grant, personne n’est dupe des supercheries de l’autre et l’humour peut facilement s’y développer, devenant ainsi cocasse, mordant ou cynique. On s’amuse plus qu’on ne rit franchement, car cette farce proposée par le cinéaste est celle de la vie, de nos sociétés modernes où il faut user de roublardise pour s’en sortir et où on ne s’attarde pas sur les sentiments. D’ailleurs, lorsqu’un drame se produit, une femme vient brusquement de se défenestrer, l’événement ne perturbe que fugacement notre monde. L’incident met en pause l’humour, tous les personnages s’arrêtent, se posent des questions ou restent choqués. Mais rapidement l’effervescence regagne ses droits car un événement en chasse l’autre, c’est ainsi que fonctionne notre société, si cruelle, si risible !
Le seul qui semble hors de la mêlée, c’est le personnage de Cary Grant ! Magnifique de flegme et de roublardise, il tire à merveille les ficelles d’un système qu’il sait perfide et pour lequel il ne se fait aucune illusion. Si ce n’est pouvoir récupérer la femme qu’il aime car, au fond, l’amour est peut-être la seule chose sérieuse dans ce bas monde !
Note
8/10
Adaptation d’une pièce de Ben Hecht (The Front Page), La Dame du vendredi est, avec ses personnages excentriques et la fulgurance de ses dialogues, un parfait exemple de screwball comedy (« comédie loufoque », sous-genre de la comédie hollywoodienne). Cette comédie brillante est aussi le portrait d’un monde en perpétuelle ébullition, celui de la presse américaine dans les années 40, qui n’est pas sans faire écho à notre époque. À retrouver, dès le 13 novembre, aux Éditions Montparnasse.
Bande-annonce