La colline des hommes perdus

Affiche de La colline des hommes perdus

? Réalisateur : Sidney Lumet (Douze Hommes en Colère, Le Verdict)
? Casting : Sean Connery (Goldfinger, Les Incorruptibles), Harry Andrews (L’extase et l’agonie, Le Grand Sommeil), Ian Bannen (Le Vol du Phénix, The Offence)…
? Genre : drame
? Pays : Grande-Bretagne
? Sortie : 3 octobre 1965 (Etats-Unis), 11 juin 1965 (France)

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Synopsis : Cinq soldats anglais qui ont commis des fautes graves (désertion, insubordination, vol de matériel militaire, etc.) sont envoyés dans un camp disciplinaire dans le désert libyen pour purger leur peine. Au milieu de cette prison se dresse une colline de sable que les prisonniers doivent monter et descendre sous le soleil , jusqu’à l’épuisement le plus souvent . Le sadique sergent Williams, chargé de mater ces cinq nouveaux soldats, va particulièrement s’acharner sur eux et pousser l’épreuve trop loin..

Certaines rencontres changent à jamais l’histoire du cinéma. Alors en plein ascension après un passage remarqué chez Alfred Hitchcock et le rôle culte de James Bond qu’il a déjà endossé à trois reprises, Sean Connery va pouvoir collaborer avec un réalisateur qui va marquer sa carrière : Sidney Lumet. En cinq films, le duo aura su pousser le talent de l’un et de l’autre dans les plus profonds retranchements pour offrir aux spectateurs l’âme étincelante du septième art. Un avenir radieux donc, que l’on ne soupçonne pas en 1965 lorsque sort le premier fruit de leur collaboration : La colline des hommes perdus…

Nombreux sont les films qui traitent de l’absurdité du militarisme en opposant deux camps ; La colline des hommes perdus prend le contrepied de nous compter ici l’histoire d’une confrontation idéologique au sein d’une même faction. Le film se centre sur cinq hommes qui, pour des faits variés, se trouvent prisonniers au coeur de la Libye où ils portent les mêmes couleurs que leurs surveillants ; sous les coups de leurs geôliers et frères d’armes, l’un d’entre eux va mourir, donnant alors ces collègues une occasion de lutter contre leurs opresseurs… On connaît l’attrait notoire de Sidney Lumet pour la justice sociale, et La colline des hommes perdus ne déroge pas à cette règle. Mais c’est en installant son récit au coeur d’une structure aussi réglementée et basé sur l’honneur que l’armée que Lumet questionne : à quel endroit le pouvoir démontre ses limites ? Le grade n’a ici plus d’impact face au déshonneur, et cela rend la violence des sévices encore plus glaçantes. Lumet renforce cette asymétrie en utilisant subtilement plongées et contre-plongées, qui s’effaceront au fur et à mesure du film. Les hommes, malgré leur nation commune, n’ont désormais plus rien à voir, prisonniers et gardiens ; et ce no man’s land, dans lequel le réalisateur nous enferme sans nous offrir l’espoir d’en sortir indemne, ne donnera aucun répit au spectateur. Comme pour mettre en exergue la souffrance, Lumet étire ses plans pour renforcer le malaise, déshumanisant cette immense armée et isolant un peu plus nos protagonistes, le tout accentué par un travail sur le montage à montrer dans les écoles. C’est justement là un précepte que Lumet combat : la torture mentale imposé par Williams notamment ne fait que renfermer ces êtres sur eux-mêmes ; ce n’est qu’en s’unissant par la force des choses qu’ils arriveront à renverser la chose.

La colline des hommes perdus

Pourtant, loin d’imposer une logique marxiste à son exercice, Lumet nous questionne sur la force d’un groupe face à l’autorité. Seul, nos hommes sont assujettis aux règles qui les dirigent ; rassemblés ils sont en mesure de renverser ceux qui les gouverne, eux-mêmes pris dans l’engrenage des règles et de la hiérarchie. Lumet dépeint ainsi cette notion de justice sociale, si cher à ses yeux. Un personnage incarne en ce sens toute la morale de Lumet : le sergent Harris, campé par un magnifique Ian Bannen. Militaire modèle par son application stricte des règles, celui-ci remettra en question l’autorité régnant sur le camp, cela grâce au constat que le juste n’est pas forcément le bon. Coincé entre Joe Roberts et le médecin, campés par Sean Connery et Michael Redgrave, symboles contraires du courage et de la lâcheté, le sergent est la métaphore des yeux du spectateur, et de l’appel à cette révolte que nous demande Lumet. L’idée n’est pas ici de renverser des montagnes et des régimes, mais simplement de se rassembler pour promouvoir le respect de l’homme malgré les fautes. Comme une réponse morale à Douze Hommes en Colère, Lumet se place ici du côté des oppressés plutôt que des oppresseurs pour nous offrir un pamphlet humaniste saisissant, jusqu’à cette scène finale, déchirante, où le réalisateur pose un constat fataliste sur la longévité de l’espoir qu’il nous a offert.

La fatalité, voilà peut-être ce qui résume le mieux La colline des hommes perdus : perdus dans le désert, perchés sur la colline, le titre français nous rappelle que le destin inexorable de ces hommes qui ont déjà été broyés par la machinerie militaire. Le film ne se contente finalement d’être un simple pamphlet contre la hiérarchie et le pouvoir ; il nous rappelle avant tout que ces deux derniers s’exercent car l’Homme est avant tout dirigé par ses propres desseins. Une nouvelle preuve de la finesse et de la profondeur réflective du cinéma de Lumet, qui produit également une de ses œuvres les plus abouties sur le plan technique : outre de signer une première collaboration flamboyante avec Sean Connery, Lumet nous prouve encore une fois qu’il est un des plus grands metteurs en scène que le cinéma ait pu compter. Et La colline des hommes perdus reste pour l’éternité une des preuves les plus fortes de ceci.


Note

Note : 9 sur 10.

9/10

Oeuvre majestueuse signé d’un grand Sidney Lumet, La colline des hommes perdus consacre le talent d’un Sean Connery en pleine ascension, pour un des plus beaux pamphlets anti-militariste jamais réalisé. Oeuvre déchirante, le film est un film qui consacre Lumet parmi les plus grands.


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