Pedro Almodóvar aux commandes, un duo Tilda Swinton et Julianne Moore, une histoire sur la fin de vie et l’euthanasie, tout cela ne peut que donner envie de voir La Chambre d’à côté. Mais, est-ce que de bons ingrédients font forcément un bon film ?

Un scénario intriguant

Pour son premier long-métrage en anglais, Almodóvar décide d’adapter le roman Quel est donc ton tourment ? (titre original : What Are You Going Through) de Sigrid Nunez. L’histoire d’Ingrid (Julianne Moore), une écrivaine, renouant des liens avec une ancienne amie, Martha (Tilda Swinton), reporter de guerre. Cette dernière est atteinte d’un cancer du col de l’utérus en phase terminale, mais a de plus en plus de mal à supporter les traitements. Elle décide donc de mettre fin à ses jours et demande à Ingrid de lui tenir compagnie durant ses derniers instants.

Ainsi s’annonce un film proposant des réflexions sur le deuil, sur notre rapport à la mort et comment nous pouvons nous préparer pour mieux l’accepter. De par son synopsis, La Chambre d’à côté s’attarde aussi sur le tabou qu’est l’euthanasie dans nos sociétés, notamment pour les gens atteints de maladies très lourdes. À plusieurs instants, il apportera un regard très critique sur cette tendance que nous avons à voir les malades comme des battants, des leçons de vie.

Un programme sur le papier intéressant. Cependant, le problème vient de deux aspects : l’écriture des dialogues et la condition des personnages.

Ingrid (Julianne Moore) et Martha (Tilda Swinton) devant un New York de nuit © Iglesias Màs

Des dialogues trop épais

Le film peut se découper en deux parties. Une première se déroulant à New York, lorsque nos deux protagonistes se retrouvent. Durant ce passage, Almodóvar présente en détail le personnage de Martha, sa vie, sa situation familiale, et son rapport avec son travail et l’écriture. Une présentation qui passe par des dialogues (beaucoup trop de dialogues), et des flashbacks parfois plus intéressants que le récit principal. Mais, globalement, ils sont peu utiles et plutôt inintéressant.

À l’inverse, le personnage d’Ingrid ne nous est que très peu introduit. Elle est écrivaine et a du mal à gérer la mort, et c’est tout, voilà les seules informations présentées. De quoi rendre particulièrement difficile tout attache ou intérêt émotionnel pour ce personnage. Le tout est coupé de longues phrases philosophiques sur la vie, la mort, la société, etc. Résultat, ces trente premières minutes semblent s’éterniser, et sont d’une lourdeur affligeante tant la profondeur des réflexions ne dépasse pas les simples évidences.

Ensuite arrive le moment où les deux femmes se rendent dans une location en forêt où Martha veut passer ses derniers instants. S’amorce 1h30 d’un récit très classique, suivant un rail tout tracé, et sans grande surprise. Quand bien même le film propose une réalisation techniquement très belle, précise et symbolique, le récit ne suit malheureusement pas.

Martha (Tilda Swinton) durant ses derniers instants © El Deseo D.A S.L.U

Des problèmes de bourgeois

L’autre aspect particulièrement irritant du film est la condition de ses personnages. Toutes deux sont issues de la bourgeoisie américaine. Elles ont les moyens d’avoir de grands appartements new-yorkais, de louer des villas en pleine forêt, de payer des traitements expérimentaux de longue durée. Mais, le film essaye constamment de nous faire apitoyer sur leur sort et leurs problématiques, en oblitérant tous les privilèges dont elles disposent. Ce qui donne l’impression de voir des ultra-riches tentant de donner des leçons sur la condition humaine. Le summum étant atteint aux trois quarts du film, lors d’une discussion entre Ingrid et un de ses amis, Damian (interprété par John Turturro) où l’état de la planète et des écosystèmes est abordé. Un échange oscillant entre misérabilisme et relativisme, qui reste juste en surface, et semble arriver dans l’intrigue comme un cheveu dans la soupe.

Quand bien même ces réflexions peuvent être intéressantes, la façon dont elles sont traitées, et la condition de nos personnages dérange. Il est très difficile de partager de l’empathie et de l’inquiétude pour un personnage avec autant de privilèges et de facilités dans la vie, et qui décide malgré tout de quitter ce monde. Le fait que ces personnages évoluent dans un monde qui semble si déconnecté du nôtre rend complexe tout attache, d’autant plus avec l’envie d’Almodóvar de nous transmettre des sortes de leçons.

En résumé, malgré son concept intéressant et sa réalisation soignée, La Chambre d’à côté dérange par son envie de transmettre ses messages au forceps, sans aucune subtilité. De leur côté, Tilda Swinton et Julianne Moore tentent tant bien que mal de jouer un texte beaucoup trop proche d’une sorte de thèse que d’un vrai récit.

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