Gone Girl, film américain de 2014 réalisé par David Fincher avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Emily Ratajkowski….

Seven, Zodiac, The Game…. David Fincher est, on le sait, un maître incontournable du thriller. En se lançant dans l’adaptation de l’oeuvre de Gillian Flynn, il s’avançait donc vraisemblablement en terrain connu. La partie était-elle pour autant gagnée d’avance ?

Gone Girl, c’est l’histoire de la disparition d’Amy (Rosamund Pike), dont le mari, Nick Dunne (Ben Affleck) va très rapidement se faire accuser, alors que se trame une machination inquiétante….

Autant le dire tout de suite, le film est maîtrisé de bout en bout et recèle de pistes de réflexion. Ici, Fincher développe l’idée des apparences (d’ailleurs titre de l’oeuvre originale) et comment elles peuvent façonner l’opinion publique.

Nick est un personnage dont le comportement assez dénué d’émotions après la disparation de sa femme, une certaine nonchalance, mettent le doute parmi la population quant à son innonence (avoir casté Ben Affleck est par ailleurs assez ironique et intelligent, tant l’acteur s’est vu reprocher son manque d’émotions dans son jeu d’acteur, ce qu’ici Fincher utilise pleinement) et d’ailleurs pas franchement un chic type. A l’opposé, sa femme Amy s’est vu spolier son enfance par les bandes dessinées « Amazing Amy », de l’oeuvre de ses parents, qui ont toujours semblé être pour elle une version améliorée d’elle-même, réussissant là où la véritable Amy échouait. Véritable traumatisme pour elle, elle a toujours cherché à se donner une image de femme parfaite, aussi bien elle que son couple. Toute la mise en scène de sa disparition (d’ailleurs trop belle pour être vraie) joue avec cette idée des apparences et comment elles forgent l’opinion de la population. Ce couple essaie donc de garder intact un amour qui a commencé à s’estomper, lassés tous deux de devoir n’être que l’image que l’autre voudrait voir. Ils n’ont que l’apparence d’un couple parfait et heureux (d’ailleurs, avoir casté le mannequin Emily Ratajkowski dans le rôle de la maîtresse de Nick n’a rien d’anodin, tant le milieu dans lequel elle évolue est entièrement basé sur l’apparence) et de là découle toute la folie d’Amy.

Fincher a toujours eu ce regard très cynique sur l’être humain, consumériste dans Fight Club, ou imparfait dans Seven. Ici, il critique une société de l’image, qui s’intéresse plus à la forme au fond et qui ne cherche pas au-delà d’une belle image. Et c’est là que le travail de Fincher sur le numérique est excellent : ne se contentant pas de l’utiliser comme simple ajout à l’image, il en fait un véritable outil au service de son film. Ici, son utilisation permet d’accentuer le côté « perfection », pour ensuite, dans des scènes plus « sombres », au contraire s’y soustraire et montrer l’envers du décor, ce qui se trouve derrières les apparences.

Le film montre donc les affres du mariage, où chacun cherche à ressembler à ce que souhaite l’autre, jusqu’au point de rupture. Le film se montre également très critique envers les médias et notamment la télévision, prompt à colporter de fausses rumeurs et se faire juge et bourreau d’un homme, en faisant fi de tout recul sur la situation dans le simple but de faire de l’audience. Mais les médias sont aussi un outil que Nick peut utiliser à son avantage, car son pouvoir de persuasion sur les gens est immense. On est toujours ici dans la critique d’une société de l’image, qui se fie aux apparences et à l’image que peuvent renvoyer les protagonistes et la situation, en dépit du bon sens et de recul (cela, même de la part de policiers, pourtant garants de la présomption d’innocence).

Mais tout cela ne serait pas efficace sans un scénario ultra maîtrisé. Non content de nous donner le twist en milieu de film (nécessaire bien sûr, mais ô combien intelligent), le film se permet de faire plusieurs allers-retours entre le passé et le présent, brouillant les pistes, le twist remettant toutes nos certitudes précédentes. Le film est d’un cynisme excellent et se montre impitoyable avec ses personnages, et notamment Nick, ne lui laissant aucune porte de sortie et l’abandonnant à son sort en fin de film. Un scénario brutal mais diablement agréable.

 

Ces quelques pistes d’analyse peuvent permettre de cerner tout le talent d’écriture de Fincher qui offre ici pour moi son meilleur film. D’un cynisme implacable, le film offre un scénario riche et pourtant toujours très clair, amenant des pistes de lecture et des réflexions sur notre société actuelle fortement intéressantes. Ben Affleck et Rosamund Pike offrent chacun à leur manière d’excellentes performances, et Neil Patrick Harris s’offre ici un rôle secondaire plus dramatique et extrêmement maîtrisé. Une oeuvre implacable, mémorable, sans concessions : du pur Fincher.

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