Réalisateur : Elem Klimov

Casting : Aleksei Kravtchenko, Olga Mironova, Victor Lorenz

Genre: Drame, Guerre

Sortie: 1985 (Russie) 16 septembre 1987 (France)

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Synopsis : Durant l’invasion de la Biélorussie par les forces Nazies, un jeune garçon décide de prendre les armes pour défendre sa patrie. L’horreur indisciplinée de la guerre et son génocide impartial détruira sa santé mentale à petit feu, tandis que le monde s’écroule autour de lui, la chair et la boue ne devenant qu’un.

A bien des égards, le film que l’on nomme Requiem pour un massacre sert avant tout de tambour à la répercussion terrifiante, sur lequel on martèle la crosse d’un fusil pour qu’on l’entende le plus loin possible. Véritable fracas dans l’historique du film de guerre, l’œuvre d’Elem Klimov est pensée dans son ensemble pour faire fuir, pour traumatiser au possible le chalant qui se sera laissé tenter. Issus de l’expérience de leur propre passé, le réalisateur et son scénariste ont transposé ces souvenirs de cette invasion Nazie le plus précisément possible.

Florya, trop jeune soldat.

Une question de point de vue

Tout deux de l’âge du protagoniste lors de la prise de la Biélorussie en 1943, ils furent témoins de la plus terrible des sauvageries modernes, ce dont l’Homme a de plus sombre. Portés par cette nécessité de partage (et certainement d’extériorisation), nos deux comparses vont franchir plusieurs limites en exposant acteurs et techniciens à de véritables horreurs. Le film est notoire pour sa marque laissée chez l’acteur Alekseï Kravtchenko et quelques vaches assassinées face caméra. Mais tout n’est que question de point de vue : pour un Art si réflexif qu’est le Cinéma, n’est il pas normal pour la forme d’être aussi poussive que le fond ? Raconter une telle histoire sans la faire revivre aux gens aurait-il un sens ?

Affiche Russe du film, on retrouve cette idée de regard, de point de vue.

Ainsi, le format lui-même est pensé pour oppresser le spectateur (du 4/3) et enjoliver le tableau de la mort, bien dressé, conçu pour imager le drame de façon à évoquer une carte postale. Synonyme de souvenirs, c’est bien d’eux qu’il s’agit puisqu’ils appartiennent à ce jeune adolescent, Florya, dont la santé mentale se désagrège totalement, jusqu’à transparaitre sur son visage. Déformé, vieilli, fou, son regard est la principale force du film, qui s’y attardera de nombreuses fois : c’est à travers ces close-up très nombreux que ces témoins de l’horreur nous parlent. Silhouettes prises à part pour nous, comme si photographiées par un homme impossible à abattre, simplement présent pour capturer ces moments. Idée d’ailleurs exploitée durant la sublime séquence de la rafle du village, quand des officiers SS se font photographier avec le jeune Florya, leur trophée de chasse, terrifié.

Non, ce n’est pas David Bowie à gauche. Je sais que vous y avez pensé.

Chaque scène sera perçue à travers Florya, que ce soit le temps qui passe, les éléments que l’on révèle, afin de réaliser pleinement le film autour de l’atrocité du moment. Quand il apprend que sa famille est morte, il continue d’avancer dans un marécage, refusant d’admettre la réalité, retenu par son amie. Le plan dure, dure jusqu’à ce qu’il comprenne, ce qui non seulement pousse le spectateur à bout du fait du temps qui s’allonge, mais aussi permet aux acteurs de pleinement se livrer au jeu du macabre. Tout le film fonctionne ainsi, se permet des plans séquences discrets mais efficaces, toujours pleinement dans leur propos.

Glasha peine à retirer la boue, qui fait corps avec elle.

Prose en metamorphose

L’univers du film va lui aussi se transformer au fil des heures. Car selon moi réside ici la véritable histoire de Come And See : tout comme la citation de l’Évangile dont il est issu, ce titre fait d’abord écho à un témoignage, d’un appel à voir et à reconnaitre, celui d’un changement funèbre, d’une corruption totale du paysage, des gens et de l’Homme.

Florya est le vaisseau du film, mais son évolution se tient surtout au sein d’un monde en souffrance peuplé de futurs cadavres. C’est cela que montre le film, une prise aux armes absolument vaine malgré toute la volonté du monde. Dès l’ouverture, Florya se cramponne comme un diable au fusil qu’il trouve dans le sable : c’est une image de sa ténacité et de sa résolution à défendre sa patrie. Aussi louable que soit cette allégorie de la résistance, le film est surtout pessimiste. Même si les Nazis sont punis à la fin, cela reste le tableau de l’Homme qui assassine l’Homme. Ses pas qui résonnent dans la neige de la forêt dans ce plan final, ce ne sont pas ceux d’un régiment propagandiste, mais ceux d’un convoi de la mort, humains faits meurtriers par d’autres faiseurs du Mal.

Un Hitler fabriqué à partir d’ossements.

Le film démarre dans la semi-couleur, près de la Mer. Il évolue à travers une forêt qui, une fois détruite par les premières bombes, ne laisse place qu’à la ruine, les marécages, les cendres et la pluie. La belle fille compagne de Florya devient figure bestiale, sifflet à la bouche comme seul moyen d’expression, l’entrejambe ensanglanté, déambulant sur les rails du chemin de fer. Les convictions idéalistes tournent en vengeance irrépressible, habitant le peu de cœur qu’il reste aux similis d’hommes et femmes peuplant les bois, à la morale presque translucide. Je pense que c’est ça, j’ai plutôt bien saisi le terme, ces gens dans ce film ne sont que des figures ne retenant aucune lumière.

Femme devenue chose, Humaine détruite.

OVNI intraitable du cinéma Russe, Come And See est un passage obligatoire pour tout curieux de la culture et de l’histoire internationale. Une force de frappe d’une grande beauté, poétesse baroque qui dépeint l’oubli avec tonitruance. Profond et mélancolique, un incontournable absolu.


Note

Note : 9.5 sur 10.

9,5/10


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