Après une journée paisible constituée que d’une seule séance, à savoir le très chouette et intéressant Norah de Tawfik Alzaïdi (dans Un Certain Regard), Mattéo part vivre sa dernière journée cannoise. Au programme : une épopée tragicomique en Amérique, plein de petits films et un retour en arrière durant les heures sombres de l’humanité…

Il est 7 heures. Bien que nous ayons eu une petite journée la veille, nous reconnaissons avoir eu du mal à nous réveiller le matin de cette dernière journée…Nous devons en effet nous préparer pour aller au Cinéum, afin d’assister à la séance de 9 heures d’Anora de Sean Baker ! On s’habille et on arrive là-bas par le bus (encore bondé).

Découverte d'un cinéaste indépendant

Retour donc au cinéma multiplexe de Cannes pour voir la nouvelle oeuvre de Sean Baker, réalisateur dont nous allons à nouveau faire la connaissance. Avec Anora,  ce grand nom du cinéma indépendant américain actuel (à qui l’on doit notamment Red Rocket, diffusé en compétition à Cannes en 2021) nous conte l’histoire d’une travailleuse du sexe du même nom, sa rencontre avec le fils pourri gâté d’un grand oligarque russe. Du conte de fée que constituera la courte relation qu’elle entretiendra avec lui, elle subira un réveil brutal qui lui fera découvrir la vraie nature de son petit-ami.

Et nous sommes enchanté de faire la connaissance de Sean Baker car il a signé là un film pétillant, survolté et très drôle, à mi-chemin entre un film des frères Coen et After Hours. Entre euphorie de la montée sociale et chasse à l’homme, le film camoufle surtout un fond assez tragique (qui se confirme plus que jamais dans sa magnifique dernière image). Les interprètes sont tous excellents, mais nous pensons surtout à Mickey Madison, dans le rôle d’Anora, et que nous projetions déjà lauréate du prix d’interprétation féminine. Mais au moment où nous nous parlons, le palmarès a déjà été révélé et vous n’êtes pas sans savoir que Anora a été couronné de la prestigieuse Palme d’or !

Bref, après la séance, et un repas dans un fast-food bien connu, nous apprenons une mauvaise nouvelle…Tawfik Alzaïdi, réalisateur de Norah vu la veille et avec qui nous devions réaliser une interview, l’a annulée ! On est à la fois attristés mais secrètement un petit peu soulagé du stress de faire sa tout première interview pour PelliCulte !

Anora (Sean Baker, 2024)
Dans Anora, Sean Baker conte une ascension sociale tragi-comique. © Le Pacte

Une rafale de court-métrages

Après ce déjeuner peu sain, direction le Palais des Festivals, en salle Debussy afin de découvrir les courts-métrages en compétition ! En effet, il existe à chaque édition du Festival de Cannes une Palme d’or du meilleur court-métrage. Et cette année, ce sont pas moins de onze films qui nous sont proposés. Prenons 3 films au hasard si vous le voulez bien : En Route (Rrugës), Ootid et enfin, Tea.

Tout d’abord, En Route, de Samir Karahoda qui nous vient du Kosovo. Un père de famille, réalisateur de films, part prendre son fils en voiture après sa séance de football. Alors qu’ils discutent, il doit récupérer un prix qu’il a gagné dans un festival…Tout le film consiste en un commentaire sur la situation politique kosovar, par le biais des discussions entre le père et le fils. Ils parlent notamment de personnes qui ont quitté le pays pour tenter leur chance ailleurs et ces prises de paroles mêlées aux couleurs grises qui envahissent l’image témoignent d’un horizon maussade pour le pays et ses habitants. Le pinacle étant la deuxième partie de l’œuvre, lorsque le père tente de récupérer son prix. Ici, ça lorgne vers la comédie kafkaïenne. Il en résulte de tout cela l’un des meilleurs films de la compétition de courts-métrages.

Venons-en à Ootid de la lituanienne Eglé Razumaité. Plusieurs adolescentes sont réunies dans une cabane dans les bois. Elles finissent par se raconter quelque chose de sordide qui est arrivé à l’une de leurs connaissances…dans ce court sur l’adolescence, il y réside une tentative de créer une ambiance un peu étrange/ Toutefois, il en sort quelque chose d’un peu vain et parfois tordu dans sa construction. Le tout avec une conclusion trop abrupte, qui fait l’effet d’un pétard mouillé.

Et enfin, l’un des autres meilleurs films de cette compétition à nos yeux, l’américain Tea. Réalisé par Blake Rice, il s’agit là d’une comédie romantique située à la fin des années 1990. À la lisière d’une forêt, un jeune homme timide répète un texte devant une caméra, avant de se faire piquer par une abeille. Une jeune femme (pas n’importe laquelle, celle qu’il aime) va l’aider. Il en résulte de ce postulat un petit film à la fois touchant et drôle, qui n’hésite pas à verser dans l’humour noir.

En Route, Ootid et Tea (courts métrages Cannes 2024)
En Route, Ootid et Tea (courts métrages Cannes 2024)

Nouvelle hésitation avant de remonter le temps

Après cette séance qui aura duré un peu plus de deux heures, on profite du temps qu’il nous reste pour nous ressourcer un petit peu dans l’appartement loué.

Nouvelle hésitation. Il serait bien de marquer le coup pour ce dernier jour à Cannes ! Mais comment ? En partant faire la fête ou en partant à la découverte de l’un des films français les plus attendus de l’année, à savoir L’Amour Ouf de Gilles Lellouche ? Pendant que l’on tente de trouver réponse à la question, une opportunité nous tombe dessus grâce à un collègue ; celle de voir l’unique film d’animation de la compétition, La Plus Précieuse des Marchandises de Michel Hazanavicius ! Le nombre d’hésitations s’élève maintenant à deux.

Finalement, on enfile le costume, non sans avoir annulé la séance pour L’Amour Ouf pour aller dîner en compagnie de nos colocataires. On se dirige ensuite vers la salle Bazin découvrir le seul film d’animation à avoir été intégré en compétition à Cannes depuis Valse avec Bachir, en 2008.

La Plus Précieuse des Marchandises est un conte dont on comprend petit à petit qu’il se déroule pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un “pauvre bûcheron” et “une pauvre bûcheronne” vivent dans une forêt et la bûcheronne de découvrir un bébé abandonné sur le bord des rails et dont elle va prendre la décision de l’élever. En même temps, nous découvrons le tragique destin du père de ce bébé. Il en résulte un film fort, touchant et espérant, avec un casting vocal du feu de Dieu (Jean-Louis Trintignant signe ici à merveille son tout dernier rôle, en tant que narrateur). Malheureusement, il faut tout de même reconnaître que le film verse quelques fois dans le larmoyant, dans les prises de paroles du narrateur ou au niveau de certains choix artistiques, avec par exemple trop de musique à notre goût.

Après ce bien beau film, on retrouve les colocataires et nous partons bel et bien faire la fête en ce dernier jour à passer ensemble ! Mais nous partons à 00:30, afin d’être frais pour notre départ de Cannes en train le lendemain. Il ne reste donc plus qu’à aller se coucher en espérant pouvoir nous réveiller suffisamment à temps pour prendre le train !

Un conte animé au superbe casting vocal © Studiocanal
Un conte animé au superbe casting vocal © Studiocanal

Bilan très positif !

Et c’est ainsi, sous un beau soleil matinal, que ce séjour cannois se termine.

Cela fait maintenant trois fois que je viens à Cannes…j’en suis sûr et je m’étais déjà fait la réflexion durant son déroulé, mais ce séjour est mon préféré. Plus que jamais, j’ai rencontré de superbes personnes et vu des films très intéressants. Le temps s’est arrêté pendant presque une semaine. Certes, les tapis rouges et les paillettes, c’est bien beau et c’est même hyper plaisant de voir de près autant de personnalités du cinéma. Mais Cannes est surtout mémorable parce que tout est mis en place afin que l’on puisse vivre pleinement notre passion pour le cinéma. C’est pour ça que, malgré les défauts organisationnels du festival je pense et espère y revenir avec plaisir une quatrième fois.

Alors, peut-être à l’année prochaine !

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