Lors de son quatrième jour à Cannes, Mattéo est parti à la découverte du nouveau film de l’italien Paolo Sorrentino. Le cinéaste derrière La Grande Bellezza ou plus récemment La Main de Dieu sur Netflix, est en effet revenu à Cannes cette année, en compétition pour la Palme d’Or. Nous vous l’annonçons d’office : dans cette critique dédiée à ce nouveau long-métrage intitulé Parthenope, Mattéo ira à contre-courant de l’opinion générale qui s’est forgé sur ce film, assez négative, doit-on préciser. Mattéo a aimé ce film ; voici pourquoi. 

Précisons ce qu’est le « style Paolo Sorrentino », si particulier. Dans ses films, le cinéaste italien nous transporte dans de grandes villes italiennes chargées d’Histoire comme Rome ou Naples afin de dresser un portait ambivalent de l’humanité. C’est-à-dire que d’un côté, les œuvres de Sorrentino dévoilent une certaine forme de déchéance, notamment morale en montrant les pires travers de l’humanité. Il s’en prend surtout aux individus les plus hauts placés (bourgeois, prêtres ou même président de la République italienne), ceux qui échouent moralement. Par exemple dans La Grande Bellezza, le personnage bourgeois interprété par Toni Servillo, Jep Gambardella, y est dépeint comme un homme en proie au spleen. Car il a compris la superficialité et le vide de l’existence qu’il mène dans un microcosme qui l’est tout autant. À opposer à une population pauvre, dans le besoin.

Mais de l’autre côté, Sorrentino réhausse cette humanité d’une forme de sublime. Cela passe par l‘incursion d’une forme de spiritualité chrétienne, de la thématique du miracle (cher au réalisateur). Mais également une mise en valeur du fait de voir de la beauté jusque là où il semble impossible de la voir. Il en ressort de tout cela chez Sorrentino quelque chose d’à la fois solaire et déroutant. Un mélange entre un sublime parfois raffiné et miraculeux et le grotesque (voire le vulgaire).Pour sa nouvelle réalisation, le cinéaste vient inscrire ce style par le biais de l’histoire d’une femme incroyablement belle, Parthenope, nommée d’après la sirène issue de la mythologie grecque. Évoluant principalement à Naples, nous la suivons de ses 18 ans jusqu’à sa soixantaine.

de la futilité à la maturité

Dans une première partie l’intelligente mais superficielle Parthenope (campée par une Celeste Dalla Porta absolument sublime) profite de sa jeunesse avec beaucoup d’insouciance et une certaine insolence. Cela jusqu’au tragique décès de son frère (doté d’un étrange et intrigant souffle divin). Frère dont on comprend qu’il constituait jusque là la boussole de Parthenope. Cet événement sera le premier point d’une quête initiatique qui fera passer Parthenope d’être mythologique à être humain.

Et cela me permet de dénoncer un premier point supposément négatif entendu à Cannes. En effet, beaucoup ont qualifié Parthenope de « film vain ». Que « c’est bien beau, mais ça sert pas à grand-chose ». Nous répondons à cela que le film n’est pas seulement de belles images. Chaque événement que dévoile le film est important dans l’évolution du personnage de Parthenope. Le film contient bon nombre d’éléments et de personnages qui interviennent sur le chemin de l’héroïne. Ils vont permettre à cette dernière d’affronter certaines réalités de l’humanité. Petit à petit, elle va laisser tomber son masque de jeune femme qui use du sarcasme pour se protéger du monde et se jouer des gens autour d’elle.

En effet, dans sa première partie complètement solaire et estivale, les hommes célèbrent Parthenope pour sa beauté. Elle est convoitée et désirée, quelque chose dont elle aime en jouer. Mais lorsqu’on lui pose la question « à quoi tu penses ? »…rien. Le silence. De nos jours, en voyant cette partie là, comment ne pas penser à la question du male gaze ? C’est là par ailleurs un concept que Sorrentino épouse dans ce film. Il montre ces hommes fascinés par Parthenope avant de déjouer tout cela pour les montrer comme des êtres libidineux et montrer Parthenope dans son humanité. Ses doutes et ses faiblesses sont exposés pour nous la faire aimer (« enfin ! » sans doute, pour certains spectateurs qui auraient pu être lassés de son arrogance juvénile !).

Celeste Della Porta est grandiose dans son rôle. (c) Pathé Distribution
Celeste Della Porta est grandiose dans son rôle. (c) Pathé Distribution

dépasser le superficiel

En effet, dans sa première partie complètement solaire et estivale, les hommes célèbrent Parthenope pour sa beauté. Elle est convoitée et désirée, quelque chose dont elle aime en jouer. Mais lorsqu’on lui pose la question « à quoi tu penses ? »…rien. Le silence. De nos jours, en voyant cette partie là, comment ne pas penser à la question du male gaze ? C’est là par ailleurs un concept que Sorrentino épouse dans ce film. Il montre ces hommes fascinés par Parthenope avant de déjouer tout cela pour les montrer comme des êtres libidineux et montrer Parthenope dans son humanité. Ses doutes et ses faiblesses sont exposés pour nous la faire aimer (« enfin ! » sans doute, pour certains spectateurs qui auraient pu être lassés de son arrogance juvénile !).

Le film de dévoiler donc Parthenope dans sa découverte de la laideur et de la difficulté de certaines réalités afin qu’elle puisse mieux faire face au monde. Jusqu’à en faire finalement pleinement partie, dans l’épilogue. Durant sa quête, elle côtoiera des personnages décadents que Sorrentino, encore une fois, arrive à rendre hauts en couleur. C’est grâce à eux que Parthenope saisira le cynisme du monde qui l’entoure. Actrices cyniques, play-boy, prêtre libidineux…mais aussi l’écrivain John Cheever. Incarné par un pathétique et comique Gary Oldman, il la met en garde sur ses œuvres. Sur le fait qu’en tant que jeune personne, elle ne doit pas lire ses livres. N’oublions pas son ferme professeur d’université (campé par un Silvio Orlando génialement sarcastique). Il la pousse à ré-écrire sa thèse sur le miracle et pourquoi pas à devenir anthropologue. Encore une fois, à dépasser le superficiel car elle en a les capacités.

C’est avec lui d’ailleurs que le pinacle de l’évolution de Parthenope survient, plus précisément dans la fin de l’arc entretenu avec lui, surprenante et pleine de douceur. Parthenope se confronte pleinement au grotesque et l’aime dans et pour ce qu’il est.

© Pathé Distribution (2024)
© Pathé Distribution (2024)

beau mais long

Cela évidemment, comme toujours chez Sorrentino, est raconté par le biais d’images très léchées. Mais aussi de superbes musiques classiques de Lele Marchitelli. Ce travail sonore et visuel participent réellement à donner au film des allures d’histoire hors du temps, presque mythique. Un mythique qui se retrouve quelque peu dans les personnages, que l’on a vu symboles avant tout.

Néanmoins, si Parthenope constitue une superbe errance, le film tombe quelquefois malheureusement dans un écueil. Écueil propre à ce genre d’œuvres, leur effet kiss-cool rendant leur appréciation quelque peu ambivalente. L’on ressent quelques longueurs, peut-être une impression de surplace. Mais d’un autre côté, cela va de pair avec cette thématique, d’autant plus que le charisme des personnages vient rééquilibrer la balance.

Mais en somme, beaucoup de positif dans ce dernier Sorrentino. Et c’est pour la beauté de cette quête personnelle que, de notre côté, nous avons aimé ce film. Et nous vous recommandons de découvrir Parthenope en salle, afin de vous laisser porter par cette magnifique quête initiatique. Prochainement.

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