Quatre ans après sa Palme d’or, Julia Ducournau revenait à Cannes avec Alpha. Un film qui est très loin d’avoir fait l’unanimité et c’est bien dommage. Car c’est passionnant.

Un retour très attendu

Julia Ducournau avait séduit le public et la critique avec son premier long-métrage, Grave, en 2016. Elle avait ensuite divisé avec Titane, remportant tout de même la Palme d’or lors du Festival de Cannes en 2021. Quatre ans plus tard, elle revient avec un projet très attendu : Alpha. Lui aussi diffusé à Cannes, il a suscité de très vives réactions… mais pas dans le bon sens du terme. Détesté par une grande majorité des festivaliers, le film a été pointé du doigt pour son manque de clarté et l’aspect très brouillon de son récit. Étrangement, maintenant que le film est sorti dans toutes les salles françaises, il semble être beaucoup moins critiqué — bien au contraire. Finalement, que vaut ce troisième long-métrage ?

Alpha suit la vie d’une adolescente du même nom. Alors qu’elle revient d’une fête, sa mère, médecin, découvre que sa fille s’est fait tatouer sans aucune protection. Surgit alors la crainte que cette dernière soit contaminée par un virus se transmettant par les fluides corporels. En parallèle, l’oncle d’Alpha, Amin, revient car il a besoin de l’aide de sa sœur. Ce dernier est un toxicomane en très mauvaise santé.

Avec ce film, Julia Ducournau s’empare de la crise du sida des années 80-90. C’est à cette période que la population française prend réellement connaissance de ce virus. On découvre alors le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ainsi que le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). Mais ces découvertes s’accompagnent aussi d’amalgames, de peurs irrationnelles vis-à-vis des malades, et d’une vague d’homophobie — les personnes gays étant beaucoup plus touchées par cette épidémie. Une époque également marquée par une forte hausse de la toxicomanie, notamment avec la consommation d’héroïne, qui se couple à la propagation du VIH. Ducournau y fait plusieurs fois référence, invoquant divers tropes et clichés liés à cette période.

Golshifteh Farahani et Mélissa Boros dans Alpha © Diaphana
Golshifteh Farahani et Mélissa Boros dans Alpha © Diaphana

Un grand drame familial

Un cumul de symboles qui lui permet de dérouler ses véritables thématiques : la famille. En effet, ces références aux années sida ne servent que de toile de fond pour mettre en place un drame profondément intime. La réalisatrice française interroge notre rapport à la famille et explore la façon dont on peut se démener pour sauver un proche. Comment protéger ceux qui nous sont chers lorsqu’ils font tout pour se détruire ? Que faire quand il faut accepter de laisser partir des membres de notre famille qui ne peuvent pas — ou ne veulent pas — être sauvés ? Le film aborde la confusion que l’on ressent face à ces dilemmes déchirants.

Cette confusion passe par la narration elle-même. L’histoire alterne entre deux temporalités, différenciées par la photographie : l’une, terne et grise, et l’autre, plus chaude, avec des teintes jaunes et colorées. Un effet de style assez simple, mais qui permet au spectateur de distinguer aisément les époques, même lorsqu’elles s’entremêlent. Cette alternance peut en perdre certains, mais elle reflète les pensées des protagonistes, principalement celles de la mère. Tout un processus étrange, parfois difficile à suivre, mais qui prend tout son sens dans la dernière scène. De plus, Ducournau privilégie souvent la suggestion, passant par des symboles… jusqu’à parfois s’y perdre, en nous perdant un peu avec elle. Certaines scènes de symbolisme manquent de subtilité et semblent enfoncer des messages au forceps. Néanmoins, Alpha dégage quelque chose d’hypnotisant et de profondément touchant.

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