Après ses deux grosses productions Marvel, Ryan Coogler revient avec un nouveau film plus petit et qui fait sensation. Mais que vaut vraiment Sinners ?
Un succès inattendu
Film qui déchaîne la presse et les spectateurs depuis des semaines, Sinners propose un voyage dans une Amérique du début du XXe siècle, encore en proie à la ségrégation. Le film nous fait suivre deux frères jumeaux, anciens gangsters, qui reviennent dans leur ville natale pour ouvrir un bar destiné aux personnes de couleur. C’est donc avec cette œuvre chargée de symbolisme que Ryan Coogler revient après son escapade chez Marvel. Lui qui a pu faire deux œuvres importantes pour les communautés noires explore l’importance des racines culturelles pour les groupes.
La première chose qui saute aux yeux devant Sinners est la liberté avec laquelle Coogler compose. Lui qui a dû subir les contraintes des grosses firmes, il se voit donner une belle somme (entre 90 et 100 millions de dollars). Pour une production originale, avec de grosses têtes d’affiche, c’est clairement un pari risqué pour Warner, un studio qui fait de plus en plus douter de son envie de faire du cinéma. Ainsi, le réalisateur propose un long-métrage de 2h dans cette Amérique profonde, et avec une photographie léchée, mais surtout une bande son particulièrement marquante. Cinquième collaboration entre Coogler et Ludwig Göransson qui nous offre parmi ses meilleures productions.

Encore un film de vampire ?
Mais, la musique n’est pas juste jolie, elle prend une place particulièrement importante dans Sinners, et notamment au cours d’une scène centrale. Un plan séquence de communion entre différentes époques et cultures noires qui se mélangent. Outre la performance technique, ce passage concentre tous les propos du film ; ce qui rassemble des groupes ce ne sont pas les apparences mais les références culturelles et artistiques communes. Et c’est à ce moment-là qu’arrive le surnaturel dans Sinners avec les vampires.
La figure vampirique est une image qui a déjà été utilisée de nombreuses fois dans la fiction, et notamment au cinéma. Chaque annonce de nouveau film de vampire est un mélange de curiosité et d’inquiétude. Entre le Nosferatu de Murnau et son remake de 2024, le Dracula de Coppola, et plein d’autres œuvres moins connues (Mörse, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant), on a l’impression d’avoir fait le tour du sujet. Et il faut avouer que Coogler réussit à surprendre. Car dans Sinners, les êtres de la nuit ne sont pas qu’une simple métaphore des blancs qui viennent s’en prendre aux noirs. Ils représentent l’appropriation culturelle opérée par les dominateurs sur les dominés, la vampirisation de la culture noire par les blancs. Des questions sur l’attirance malsaine envers les populations qui ont déjà été abordées dans le passé (notamment avec Get Out de Jordan Peele), mais présentées dans un contexte qu’il faut reconnaître assez intéressant.

Mais beaucoup trop d'erreurs
Malheureusement, ces points positifs ne concernent que quelques minutes au milieu d’une production d’une grande lourdeur. Même si Sinners peut être thématiquement passionnant, c’est sur sa narration qu’il se plante totalement. Le long-métrage commence par une introduction d’une heure, tentant de caractériser toute sa flopée de personnages pour au final ne rien en faire dans sa deuxième partie. Une seconde moitié qui se termine d’ailleurs par une scène de bataille particulièrement ennuyeuse et molle. Le tout étant coupé d’erreurs d’écriture plus que flagrantes, n’arrivant pas à respecter ses propres règles. Et avec ça, on se retrouve avec un casting qui est dans la digne lignée des productions américaines. Tout le monde surjoue constamment, plus inquiet de rester le plus cool possible à l’écran que de bien délivrer une ligne de dialogue.
En résulte un film beaucoup trop long qui, si on met de côté ses quelques minutes de fulgurance au milieu, est plutôt classique. Il est difficile de passer un mauvais moment devant Sinners, mais il l’est tout autant d’en être passionné. Dommage, car Coogler montre qu’il est capable de faire du grand et du beau.
Voir la bande-annonce :
Auteur/Autrice
Partager l'article :