Une guitare acoustique, un harmonica et des petits groupes de rock éparses, voici les uniques composants musicaux du film A Complete Unknown de James Mangold, métrage de 2h20 concentré sur l’ascension de Bob Dylan dans les Etats Unis des années 60.

Pétrifié par la guerre froide, ébahi par les missiles de Cuba, les regards de tout un pays se sont tournés vers un jeune homme et sa guitare, élu nouveau protégé de la musique folk aux États-Unis. Dans ce climat de terreur et de stupéfaction, ces quelques accords grattés dans le fond d’un bar par cet homme sous sa casquette qui ne paye pas de mine, apportent du baume au cœur, relâchent les tensions et apaisent les âmes. On enregistre tout, chacune des notes, chacun des silences, et on retransmet à la radio. Sans relâche. Le pays qui se déchire vient de trouver la plus forte des superglue. 

En souplesse

Le scénario, écrit par James Mangold lui-même, Elijah Wald et Jay Cocks (Silence, Gangs of New York, Le Temps de L’innocence) se calque sur cette émotion qui jaillit des clubs en demi niveau des rues de New York. Écrit dans la légèreté, on glisse sur les conflits sans accroc avec une bienveillance infinie. Bien que les actes de nos personnages ne soient pas toujours moralement justes ou acceptables, la douceur du film nous les fait accepter, et tout le monde nous apparaît alors dans une sympathie délicieuse. Mais encore plus que ça, tous les acteurs sont incarnés en tant que protagonistes sensibles et vulnérables, dans un pays au bord de l’autodestruction qui se refuse au changement. Loin d’une structure en trois actes trop rigoureuse, on pourrait croire que A Complete Unknown est un film mou, quand il est en fait un film doux. Un film qui prend soin, qui accompagne et qui caresse. En quelques images, et sans aucun plan grotesque ou ultimement démonstratif, James Mangold nous évoque le regard d’une femme qui réalise qu’elle est en train de perdre son petit ami aux bras de l’Amérique. Et ça brise le cœur. Le réalisateur arrive, en un film, à combiner ses habitudes de blockbuster et de super-héros avec l’intime de l’Histoire.

© Searchlight Pictures
© Searchlight Pictures

Mixé au cordeau et éclairé au millimètre, cette limpidité émotionnelle que l’on retrouve chez les personnages ne peut exister que grâce à cette fondation cinématographique incassable. C’est une construction d’orfèvre, une suite logique de choix parfaits, permettant d’aboutir à ce genre de films où tous les acteurs sont extraordinaires (Edward Norton méconnaissable, Elle Fanning et Monica Barbaro solaires). Timothée Chalamet livre d’ailleurs la meilleure interprétation de sa carrière, et le voir incarner aussi sereinement un rôle aussi fort et mature ne peux que nous assurer un avenir fantastique le concernant.

Plus qu'un biopic

Mais le plus appréciable dans tout cela, c’est de voir l’absence de glorification de l’idole ou de création d’une icône. Refus complet de backstory concernant Bob Dylan, nous en resterons à son histoire vaporeuse de « carnaval ». On en oublie presque que le film est un biopic : la première fois que l’on prononce son nom, cela se fait entre les murs silencieux et déprimant d’un hôpital glauquissime, les scènes de musique ne sont pas truquées, simplement découpées, claires, reposantes. Pour une fois, on peut prendre le temps d’écouter. De découvrir pour certains, d’apprécier pour d’autres. Mais éventuellement, rien ne nous brusque ou ne nous bouscule. James Mangold nous parle d’un personnage à travers son art. A Complete Unknown n’est pas un biopic édulcoré de plus. C’est un film fort et complet, mais surtout ultra sensible. Et ça fait du bien de temps en temps. Comme dans cette scène où toute l’Amérique reprend en cœur un refrain qu’elle est en train de découvrir, James Mangold nous uni, et nous fait chanter.

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