Pour son premier film, India Donaldson s’attaque aux conséquences du patriarcat normalisé sur fond de randonnée en forêt, et c’est d’une grande beauté.
Un premier film prometteur
Découvrir le premier long-métrage d’un ou d’une réalisateur·rice est une expérience qui peut être à la fois fascinante et risquée. Les premiers films cristallisent souvent les ambitions et idées des cinéastes. Mais, ils sont parfois incomplets, encore expérimentaux, avec des artistes qui se cherchent. Cependant, ils sont toujours intéressants, car ils nous permettent de découvrir la vision des auteur·rices et nous donnent un aperçu de comment ils ou elles peuvent se développer. Avec Good One, India Donaldson nous offre un aperçu de ses capacités de réalisatrice et de scénariste avec un film d’une grande simplicité, mais aussi d’une profonde beauté.
Dans Good One, nous allons suivre une adolescente de 17 ans, Sam, qui va accompagner son père, Chris, et l’ami de ce dernier, Matt, dans une randonnée en pleine montagne. Un scénario qui ne brille pas par son originalité et qui peut sembler peu intéressant. Pourtant, India Donaldson réussit à nous happer grâce à ses personnages passionnants. Entre ce père sexagénaire, qui ne connaît quasiment pas sa fille, cet ami du même âge, tout juste divorcé et totalement perdu, et cette adolescente qui semble obligée de devoir toujours prouver de quoi elle est capable, la cinéaste nous propose une panoplie de personnages captivants.
Si la frustration était un film
Avec ce postulat, India Donaldson s’intéresse aux effets du patriarcat sur les familles, notamment lorsqu’il est totalement normalisé et intégré. Ces deux adultes, de par leur statut de père et d’homme, vont avoir une sorte de regard et une vision préconçus sur cette adolescente. Ils se permettent des remarques, des jugements, ou des conseils souvent non sollicités. Une attitude de complaisance liée non seulement à leur genre, mais aussi à leur âge. L’une des scènes du film, visible dans le trailer, va sûrement parler à n’importe quelle personne ayant conduit avec ses parents. Sam est au volant de la voiture, avec son père à côté. Ce dernier va se permettre une remarque sur sa vitesse, qu’il juge trop élevée. Elle va lui rétorquer que lui roule tout le temps plus vite que les limitations, et bien plus encore dans son cas. Ce à quoi Chris répond : « J’ai le droit parce que je suis ton père. » Une remarque qui, de prime abord, semble juste une blague.
Cependant, quiconque ayant déjà fait de la conduite accompagnée sait que ce genre de chose cache quelque chose de plus insidieux et énervant : cette attitude infantilisante de contrôle. Et le pire là-dedans, c’est que souvent, les parents ne s’en rendent même pas compte. Ils font cela de manière totalement innocente. Ce genre de scènes est présente tout au long du film, et elles ne font que monter crescendo en frustration.
De son côté, Sam n’aura de cesse de montrer ses capacités de camping. Elle va accomplir la majorité des tâches nécessaires à la survie en montagne, se montrer plus efficace et prudente que ses deux aînés, et faire preuve d’une meilleure intelligence émotionnelle qu’eux. Tout ça en ayant en plus ses règles durant toute l’aventure. India Donaldson illustre la charge mentale que doivent porter les femmes au quotidien. Paradoxalement, c’est cette adolescente de seulement 17 ans qui va donner des leçons de vie à ces adultes. À l’inverse, ces derniers semblent totalement perdus et déconnectés de la réalité, ne comprenant pas les événements de leur vie.
Une évasion poétique
Toutes ces thématiques sont illustrées dans un long-métrage particulièrement bien filmé. L’environnement forestier de Good One offre une réalisation naturaliste. La réalisatrice parsème son récit frustrant et tendu de scènes sur la forêt ou un cours d’eau. Cela rend le film hypnotisant et paradoxalement très reposant. La photographie rend toutes les couleurs plus vivantes que jamais. Il y a un soin particulièrement marquant sur les sons ambiants de cette nature. Le tout permet de nous immerger totalement dans ce lieu de randonnée d’une grande beauté. Un effet accentué par une caméra très proche de ses personnages, captant chaque émotion et changement d’attitude chez ces derniers. Ces instants de poésie nous permettent de respirer en même temps que le personnage de Sam.
Malgré ces instants de repos, Good One n’aura de cesse de monter en pression et en frustration, jusqu’à un point pivot. À cet instant, India Donaldson évite le piège du mélodrame en résolvant cette situation d’une manière assez surprenante. Au final, le spectateur ressort de cette séance le poing serré, haïssant ce système patriarcal, mais aussi cette hiérarchisation des individus par l’âge. Mais aussi la tête pleine de sublimes plans et un étrange goût de reviens-y. Avec ses seulement 1 h 30 de durée, Good One nous donnerait presque envie de voir cette balade durer des heures.
Un film à aller découvrir rapidement, car sa faible médiatisation et son petit nombre de copies risquent de le faire très vite quitter les salles obscures.
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