Film en compétition lors de la 50ème édition du Festival américain de Deauville, Color Book s’est de suite détaché de ses concurrents grâce à sa grâce et la justesse de ses comédiens. Ce samedi 14 septembre, ce drame filial a finalement reçu le Prix de la Critique.

Après le décès de son épouse, un père dévoué apprend à élever seul son fils atteint de trisomie 21. Tout en s’adaptant à leur nouvelle vie, ils entreprennent un voyage à travers la ville d’Atlanta pour assister à leur premier match de baseball.

Une esthétique marquante

Ce qui frappe en premier lieu dans Color Book, c’est la sensibilité qui s’en dégage, celle de son auteur-réalisateur bien sûr, une sensibilité pourtant simple mais en même temps si touchante. Le long-métrage s’ouvre sur de magnifiques gros plans, sublimés par une photographie soignée et témoignant d’une attention particulière aux petits détails, des gestes précis, méticuleux, sublimés par le temps que leur consacre la caméra. Mais résumer la mise en scène du film par son découpage de gros plans ne lui rendrait pas honneur tant le cinéaste David Fortune joue avec les différentes échelles de plans d’une manière presque chirurgicale et toujours porteuse de sens. Aucun doute n’est possible : la maîtrise du cadre et de son effet direct sur le spectateur est complète.

David Fortune expliquait à la fin de la séance avoir fait le choix du noir et blanc pour justement recentrer son image sur ses personnages. Le spectateur n’a aucune possibilité d’être attiré par l’arrière-plan, par une couleur vive, seules les silhouettes de ce père et de son fils comptent et restent au centre, à la fois de l’intrigue mais également du cadre.

Color Book
Les regards du comédien William Catlett disent tout © Color Book LLC.

Le choix difficile de la simplicité

Il est vrai que l’on pourrait reprocher au film qu’il ne s’y passe pas grand chose, surtout dans sa première partie. En effet, il manque tout de même quelques enjeux, du moins un tant soit peu de conflits. Mais derrière ce laque, on perçoit dans le même temps l’intention véritable de son réalisateur de mettre en scène une vie quotidienne réaliste. Pour le pire et le meilleur, le film illustre cette notion de simplicité soignée avec brio. En choisissant ce parti-pris, David Fortune évite l’écueil du best of des situations répondant à la question « c’est quoi vivre avec un enfant trisomique ?« . Ici, on sent bien que le cinéaste n’en a que faire, il ne filme jamais cet enfant comme malade ou différent. Il montre que c’est compliqué, oui, mais pas plus.

Un duo Père / fils irréprochable

Le gros point fort de ce film en compétition est bien sûr la relation père-fils qui fonctionne merveilleusement bien, la complicité entre les acteurs jaillissant littéralement de l’écran. Leurs visages s’échappent souvent des limites du cadre, des règles établies, de la stigmatisation. Leurs dialogues, bien écrits, sonnent vrais, sincères, car le réalisateur ne refuse jamais le silence, leur laissant le temps de faire vivre leurs regards et émotions. Cela procure à Color Book une subtilité marquante. Le film ne cache jamais les peurs et doutes de ce père attentionné, ni sa tristesse ou ses interrogations quant au futur. Tout est dit au travers de son regard, dans son intérieur, notamment lorsqu’il croise d’autres familles avec des enfants. L’interprétation tout en justesse du comédien William Catlett y est pour beaucoup. Toute la puissance de leur relation sera poussée à son acmé dans la prenante séquence du métro, où la tension s’empare des tripes du spectateur pour les relâcher bien plus tard, traduisant le point de vue de ce père désespéré.

Color Book
Père et fils sont de sortie © Color Book LLC.

Ainsi, au festival de Deauville, Color Book est rapidement devenu l’un des films favoris de la team Pelliculte. Ponctué par une musique atmosphérique envoûtante, le long-métrage enchaîne les choix artistiques prononcés qui fonctionnent parfaitement avec son sujet. Créer de la simplicité agréable à regarder, c’est plus difficile qu’on ne le croit. L’écriture subtile laisse l’espace aux comédiens de donner cette sensation de vrai qui marque le spectateur, du début jusqu’à la fin. Pour un premier film, c’est impressionnant. David Fortune est définitivement un réalisateur à suivre de très près dans les prochaines années ! 

Le film n’a pour l’instant aucune date de sortie. 

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