MEKTOUB MY LOVE : CANTO UNO D'ABDELLATIF KECHICHE

Ah ! Vous voilà, ne faites pas cette tête, continuez de lire, vous ne risquez rien… 

Je sais ce que vous pensez. Là, tout de suite, devant votre écran, vous vous demandez comment je vais bien pouvoir parler de Mektoub My Love sans évoquer les scandales qui l’entourent. Vous vous exaltez de savoir quel parti je vais prendre tout en dégainant votre stylo pour noter si l’auteur de ces mots n’est rien qu’un énorme pervers ou au contraire un bon féministe. Et bien, au risque de vous décevoir, ou plutôt de vous soulager (tout est finalement une question de point de vue), je ne suis pas venu ici pour débattre.

Histoire de ne pas faire durer le suspens plus longtemps, non je ne vais pas parler des polémiques justifiées entourant ce projet ainsi que sa suite, que ce soit le comportement inacceptable de son réalisateur, sa manière de diriger les comédiens ou la représentation ambigu des femmes. Il n’y aura pas de politique dans cet article, mais seulement des impressions, des sensations, constituant le premier ressenti d’un jeune adulte ivre de vie.

Mektoub My Love Canto Uno

Je vous plante le décor. Été 2018, la chaleur est arrivée, les vacanciers affluent dans mon village, bientôt transformé en véritable station balnéaire. Une après-midi, je ne sais pas trop pourquoi, je lance ce film de 3h sur mon petit ordinateur portable. Je n’étais clairement pas prêt à vivre une  expérience aussi intense, digne de celle des salles obscures, celle qui vous capte, qui vous saisit, qui vous emprisonne dans la fiction. Ce que montre Mektoub My Love, c’était mon quotidien d’été, ma réalité et ça m’a touché. Des corps libérés se jetant dans l’eau, des regards qui trahissent la morale, des mots qui ne semblent rien vouloir dire mais qui disent tout par leur ton, convoquant un hors-champ révélateur. Finalement, l’une des plus belles représentations du désir sensuel, omniprésent, ambigu et implicite.

Mektoub My Love Canto Uno

Et puis, ces séquences de danse complètement folles, sur-vitaminées, incroyablement bien montées et mises en scènes, qui finissent dans une dernière partie par nous épuiser, comme lorsqu’on sort de boîte de nuit. Ce n’est pas un simple film qui nous est proposé ici mais une vraie expérience cinématographique. Pour vous dire, dû à mon travail saisonnier, j’ai du voir le long-métrage en trois fois, ce qui n’a rien enlevé à sa beauté et à sa puissance.

Je me suis reconnu dans ce personnage d’Amin, indécis, désintéressé par le sexe mais préférant vivre de cinéma, revenant pour l’été dans son village pour trouver l’inspiration pour ses scénarios. Mais surtout, son besoin d’observer, de capter, de figer l’instant présent comme il le fait dans le film avec la naissance de la brebis. En portant cette attention à la vie, il révèle sa poésie, qui ne peut qu’être dévoilée dans le silence, dans l’attente, dans la durée, s’opposant drastiquement au rythme entêtant des autres séquences. Ce que provoque cette oeuvre est rare, elle révèle un quotidien pour le rendre magique, soit la définition de ce que j’aimerais faire dans le cinéma.

Mektoub my Love

Vous pouvez retrouver les autres lettres ici.

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