En 1986, l’arrivée sur nos écrans de Blue Velvet marqua un tournant majeur pour le cinéma de son jeune auteur, David Lynch. En effet, ledit long-métrage s’éloigna du classicisme de Dune ou Elephant Man pour se diriger vers une forme plus onirique et surréaliste, que le cinéaste développera ensuite longuement à travers Mulholland Drive, Lost Highway ou Inland Empire. Nous vous proposons ici cinq anecdotes entourant la genèse du film.
Un scénario de rêve
Alors qu’il tournait Dune, David Lynch continuait de penser à ce que lui réservait le futur et commençait à plancher sur une première ébauche de Blue Velvet, dont il fera part à un Kyle Maclachlan tout excité. Seulement, une fois la post-production de Dune terminée, son auteur n’était pas pleinement satisfait par le script fini, notamment par son dernier acte. C’est finalement un rêve qui lui donnera la réponse.
En effet, comme le dit Lynch lui-même, « une partie importante de Blue Velvet m’est apparue en rêve, mais je ne m’en suis pas souvenu tout de suite. Un matin, je me suis rendu chez Universal Studios après avoir fait un rêve que j’ai totalement oublié. J’avais rendez-vous ; la secrétaire m’a demandé de patienter sur un canapé ou un fauteuil près de son bureau. J’étais à peine assis que mon songe m’est revenu en intégralité, et j’ai demandé à la secrétaire une feuille de papier et un stylo pour écrire les deux éléments essentiels : un émetteur-récepteur radio de police et un pistolet. Cela me suffisait. »
Le choix de Dennis Hopper
Pour les rôles de Jeffrey Beaumont, Sandy Williams et Dorothy Vallens, le choix de Lynch se porta assez rapidement sur Kyle Maclachlan, Laura Dern et Isabella Rossellini. Cependant, le rôle qui demanda une plus longue réflexion fut celui de Frank Booth, brute sanguinaire et vicieuse. Willem Dafoe s’intéressa notamment au rôle et Harry Dean Stanton fut lui aussi approché, avant de refuser, car trouvant le script « trop violent« . Lynch porta finalement son dévolu sur Dennis Hopper. Ce dernier traversait une période difficile, suite à son alcoolisme et sa violence souvent décriée, et essayait de se défaire de la mauvaise réputation qui le précédait. Son agent affirma au réalisateur que Hopper était depuis totalement sobre. L’interprète, plus que motivé, alla même jusqu’à contacter Lynch et le convainquit grâce à ces mots : « Je dois jouer Frank Booth, parce que je suis Frank Booth« .
Un drôle d’oiseau
Un des célèbres plans qui compose l’épilogue de Blue Velvet demeure celui du merle, posant devant la famille ébahie de Jeffrey. L’élaboration de ce dernier fut néanmoins plus ardue que prévue. Fred Caruso, producteur du long-métrage, contacta tout d’abord un dresseur d’oiseaux, disant posséder un merle apprivoisé. Seulement, une fois sur le plateau, l’équipe se rendit compte que l’animal était dans un état déplorable et renonça à cette idée.
C’est vers la fin du tournage qu’une triste coïncidence vint aider Lynch puisqu’un pauvre merle percuta un bus scolaire aux alentours du plateau. Un groupe d’enfants décida alors de l’empailler et l’équipe du film, ayant eu vent de l’information, sollicita leur aide sur le plateau. Le cinéaste installa alors le merle sur le rebord de fenêtre, lui glissa un insecte vivant dans le gosier et, grâce à un mécanisme ingénieux en fils de nylon monofilament, parvint à lui faire bouger la tête.
À fleur de peau
Scène pivot du récit, la séquence du viol de Dorothy Vallens par Frank fut un moment très particulier pour le spectateur comme pour le casting. Lynch prit en fait la décision de tourner ladite scène dès le premier jour, ce qui paraissait « épouvantable » pour Isabella Rossellini. Le cinéaste lui demanda, qui plus est, de retirer sa culotte, jugée trop visible à l’écran. L’actrice s’adressa alors à Dennis Hopper et s’excusa, ce à quoi il répondit : « C’est pas la première que je vois« . Les deux interprètes devinrent par la suite bons amis sur le plateau.
Un premier montage beaucoup plus long
Bien loin de la version sortie en salles, le montage originel de Blue Velvet durait pas moins de trois heures cinquante-sept. Duwayne Dunham, monteur de Lynch, affirme que, « même aussi long, ça fonctionnait ». Cependant, cette mouture n’était pas du goût de Lynch et ce dernier décida de la raccourcir de moitié, réduisant ainsi la durée du film aux deux heures que l’on connait. Heureusement pour nous, une partie de cette matière perdue revit le jour en 2019, à travers The Lost Footage, montage regroupant presque une heure de scènes disparues.
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