? Réalisateur : Stany Cambot
? Genre : Documentaire
? Pays : France
? Sortie : 2 avril 2020
Synopsis : Depuis 30 ans, un bouquet de roses dans les bras, Cacahuète sillonne les nuits de Rouen. Ce soir, une raison supplémentaire le pousse à traverser la ville : la recherche de « Mémoires », un cahier de souvenirs écrit par son ami décédé.
Blouma est un film difficilement qualifiable, mélange de documentaire et de fiction, l’œuvre alternant entre moments de vie à l’aspect naturaliste, souvent de jour, et moments plus « artistiques », où la nuit prend le contrôle et où une vraie atmosphère se ressent. Le film semble se débrider dans son dernier acte, le monde de la nuit de Rouen apparaît comme un monde différent, la ville n’a plus grand chose à voir avec le Rouen de jour, et l’on semble ici transporté en plein rêve. Les couleurs sont plus appuyées, les lumières vertes, rouges ou bleues éclairent intégralement les bars et rues que sillonne Cacahuète, donnant une ambiance « néon » particulière. C’est par ce côté que le film ressemble de moins en moins à un documentaire, il s’en extrait pour offrir un récit qui devient une sorte de « délire » éveillé. Cet aspect est intéressant mais certaines idées s’illustrent malheureusement trop comme des mécaniques artificielles. Néanmoins une envie se fait ressentir, celle de montrer un lieu, ici une ville, Rouen, de décrire celle-ci au plus profond, dans ce qui fait réellement son âme.
Le film est surtout une errance, Cacahuète et la caméra naviguent tout du long dans les ruelles du quartier Martainville, un quartier populaire de la ville. Une errance d’un homme simple, recollant avec son passé, avec une enfance qui s’est faite dans la violence. Le récit se passe à pied tout au long, on suit cette marche à travers le bars, restaurants et ruelles rouennaises, à la limite du train fantôme. Lorsque finalement la caméra se pose, s’ensuit une discussion qui arrive à marquer parfaitement un instant de vie. C’est alors que deux personnages échangent, discutent dans une conversation qui touche par la simplicité de son sujet mais également pas la complexité de son langage à nos oreilles, le personnage s’exprimant dans un argot assez éloigné du français standard.
Cette langue, omniprésente dans le film, jusqu’à son titre, Blouma signifiant « rose », donne le tempo à l’œuvre. Cacahuète avance au son de ces syllabes particulières énoncées parfaitement, avec une clarté rythmique. Le film est bercé par cette poésie populaire qui donne un aspect si particulier au tout, où les mots d’argot viennent se mélanger, quasiment se cogner avec les bruits de vaisselle et de vie dans les bars de la ville. Cette particularité auditive vient se marier avec une idée de mise en scène pour rendre compréhensible les dialogues. En effet, les mots sont marqués clairement à l’écran, suivis de leur traduction. Le fait de ne pas avoir préféré de simples sous-titres à cet effet venant obstruer la vue donne un certain honneur à cette langue. Les mots sont respectés, montrés à l’écran comme des citations importantes, et ils arrivent ainsi, comme les images, à se graver plus facilement en nous. Le réalisateur ne veut pas simplement que nous comprenons les dialogues, il veut que nous entrons dans la langue, que nous l’apprenons, il nous montre ce monde. Renforçant l’idée que Blouma est une plongée dans quelque chose de peu souvent exploré.
Note
7/10