? Réalisateur : Midi Z

? Casting : Wu Ke-Xi, Vivian Sung, Kimi Hsia

? Genre : drame

? Sortie : 8 janvier 2020 (France)

Plus d’infos ici

Synopsis : Nina Wu a tout quitté pour s’installer à Taipei dans l’espoir de faire une carrière d’actrice. Mais elle n’a tourné jusqu’alors que quelques publicités. Un jour, son agent lui propose le casting du rôle principal d’un film d’espionnage. Malgré sa réticence à la lecture des scènes de nu et de sexe, Nina se rend à l’audition.

Et si l’heure était à l’autocritique ? Si, à l’orée d’une nouvelle décennie, le cinéma commençait à réellement s’insurger contre ses propres démons, notamment le traitement réservé au actrices ? Ce défi-là, le réalisateur Midi Z s’y est farouchement attelé avec Nina Wu, qui constitue ici son cinquième film. Peu connu hors de ses frontières taïwanaises, Nina Wu a connu l’insigne honneur d’être sélectionné au Festival de Cannes 2019, dans la catégorie Un Certain Regard. Un honneur qui intrigue, et qui aiguise l’envie du spectateur aguerri. Mais que vaut donc cette diatribe de l’industrie cinématographique ?

Crédits : Epicentre Films

Constat amer d’une industrie réifiant les individus, le film suit le parcours de Nina Wu (Wu Ke-Xi), jeune femme issue de la classe moyenne essayant tant bien que mal de se frayer un chemin dans l’industrie du cinéma, avec l’aide de son agent qui la poussera à accepter un rôle pour lequel elle émet certaines réticences. De là, va s’enchaîner la gloire, mais surtout la désillusion.
Car le message du film est extrêmement clair : violente attaque envers l’industrie cinématographique, le bénéfice que tirera Nina de cette expérience n’est montré qu’à de brefs instants. Midi Z s’évertue plutôt à faire subir les pires sévices à son personnage, en faisant l’expression des plus sombres aspects des professions végétant autour du Septième Art. Sévices sexuels, journalistes véreux, célébrité comme frein à une vie personnelle épanouie, humiliations dans l’optique d’un rôle… Le film dresse un portrait plutôt exhaustif de ce que pourraient (et subissent) certaines actrices dans une industrie qui a toujours tendance à chosifier le corps féminin. Si la critique évoque avant tout Taïwan (l’action s’y déroulant clairement), il n’est pas improbable que Nina Wu soit les reflets de nombreuses actrices à travers le monde, qui verront en elle le souvenir de leurs propres expériences.
Et si cela marche autant, c’est parce que Nina Wu se targue d’une réalisation à la hauteur de ses enjeux. Suivant un personnage en errance, erratique, avançant dans l’existence sans réellement voir plus loin que l’actuel, l’ambiance se veut dès lors morne. Sans vie. Éthérée. Tous les décors semblent chirurgicalement calculés pour sembler sortir d’usine, sans trace d’expression humaine. Et cela rejoint donc l’idée d’un monde déshumanisé, dans lequel Nina évolue comme une âme en peine, elle dont la soudaine célébrité s’est rapidement transformée en cauchemar.

Crédits : Epicentre Films

Mais si, la démarche semble réussie, dans les faits, le film est parsemé de défauts qui viennent entacher un tableau jusqu’ici immaculé. En premier lieu, le film s’emmêle les pinceaux dans plusieurs de ses sous-thèmes, notamment le personnage de Kiki (Vivian Sung), développé avec trop peu de sérieux alors qu’elle aurait pu largement prétendre à être un pivot central du film. Ici, elle semble servir à transmettre une certaine idée, mais trop peu poussée pour qu’elle garde réellement un intérêt.
Et malheureusement, si le film garde un rythme et un sérieux durant une bonne partie du film, son dernier quart ternit l’image d’un film jusque-là plutôt subtil. Dans cette dernière partie, non seulement tout semble répétitif, mais l’on touche parfois au guignolesque tant le message semble vouloir être appuyé avec la subtilité d’un pachyderme. Le film est intéressant quand il met en miroir la montée de l’actrice et son retour au quotidien morne, mais finit par ne plus avoir la matière nécessaire pour tenir 1h30. D’autant plus avec un personnage principal pas vraiment sympathique (ce qui n’est pas du fait de l’actrice qui tient une performance correcte), tout du moins pour laquelle on ne ressent pas vraiment d’empathie.

Au final, Nina Wu est un peu à l’image de son personnage principal : audacieux, prêt à tout, ne craignant pas d’essayer, il finit par avoir du mal à se canaliser. Et si le message qu’il assène est important et mérite d’être salué, son exécution sera elle un peu plus chancelante.

Note

6/10

Si le film propose un message moderne et audacieux, dont l’exécution est gorgée de créativité, reste que cette dernière n’est réussie que lorsqu’elle est drastique, soit en allant jusqu’au bout du « délire », soit en se canalisant. Ici, en ne choisissant aucune des deux voies, Midi Z fait perdre à Nina Wu son intérêt, et reste un film aux intentions nobles, mais à la confection décevante.

Auteur/Autrice

Partager l'article :

Leave a comment