Réalisateur : Michael Dougherty
Casting : Charles Dance, Millie Bobby Brown, Kyle Chandler, Ken Watanabe…
Genre : kaiju, science-fiction
Sortie : 29 mai 2019 (France)
Synopsis : L’agence crypto-zoologique Monarch déploie de nombreux moyens pour combattre des créatures de tailles divines, appelées Titans. Ces derniers réapparaissent petit à petit des entrailles de la terre. La paléobiologiste Emma Russell, travaillant pour Monarch, a été traumatisée par la mort de son fils Andrew en 2014. Elle a mis au point l’Orca, jadis imaginé avec son ex-mari Mark. Cela permet de capter les signaux émis par les Titans. Son invention attire des convoitises. Emma entraine avec elle sa fille Madison. Son père, Mark va tout faire pour retrouver sa fille, tout en tentant de survivre dans un monde envahi de monstres. Godzilla va ainsi devoir affronter le papillon géant Mothra, le ptérosaure super-rapide Rodan, ainsi que son pire ennemi de toujours, le dragon à trois têtes King Ghidorah, qui est l’Alpha des Titans. Ces anciennes super-espèces veulent toutes la suprématie et mettent en danger la survie de l’humanité.
65 ans et 33 longs-métrages derrière lui, il va sans dire que Godzilla est un monstre emblématique du cinéma et l’une de ses sagas majeures. Né de la culture nippone, il est devenu par la suite une figure populaire importante, malgré des adaptations cinématographiques parfois décriées ou moquées. Et alors que Roland Emmerich s’était chargé en 1998 de livrer ce qui reste l’adapatation à ce jour la plus connue du lézard géant, c’est Gareth Edwards avec son Godzilla (2014) qui avait donné un second souffle au monstre au sein du cinéma américain en lançant avec son film le bien nommé MonsterVerse, dont faisait également partie le Kong : Skull Island de Jordan Vogt-Roberts, dont vous pouvez retrouver notre critique.
Alors que sa suite vient de sortir dans les salles françaises, il est temps de se pencher sur Godzilla, ses forces, et ses faiblesses.
Godzilla II prend donc la suite directe de son prédécesseur, suivant les pérégrinations de personnages dont l’arrivée cinq ans plus tôt du lézard géant a eu un impact dévastateur sur leur vie. Emma (Vera Farmiga) et son ex-mari Mark (Kyle Chandler), parents de la jeune Madison (Millie Bobby Brown) y ont en effet perdu Andrew, leur jeune fils. Une perte irréparable que les deux ex-époux vont gérer de manière radicalement différente : là où Mark va entamer un processus d’acceptation, Emma va elle-même s’entrainer dans une voie bien moins morale, aidée en cela par l’éco-terroriste et colonel Alan Jonah (Charles Dance, l’excellent Tywin Lannister de la série à succès Game of Thrones) dont l’objectif avéré est de rendre la Terre à ceux qui l’ont dominé auparavant.
En cela, et même si nous n’évoquons que la surface du film, le film porte donc un message écologique. Un message pas énoncé de manière anodine puisqu’au cœur même de la création du personnage qui, dans la version de Gareth Edwards, a été réveillé de son hibernation par des essais nucléaires dans le Pacifique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Et Godzilla II se veut dès lors comme l’expression du pire de ce que l’espèce humaine a pu engendrer, d’une revanche de la Nature, irrémédiable, face à une population qui a spolié ses ressources à outrance. Une revanche violente, imposante, en la présence de ses monstres démoniaques qui ont pour seul objectif de reprendre la Terre qui était leur il y a des millions d’années, le tout dans un bain de sang et l’effondrement des traces de création humaine sur le globe.
Godzilla II ne manque donc pas d’intérêt sur cette partie-là, et poursuit ce qu’a en soi toujours exprimé la saga Godzilla au cinéma. Malheureusement, et comme souvent à Hollywood, cela manque quelque peu de finesse. Si l’on peut comprend le choix de voir la Nature reprendre quelques-uns de ses droits, tout cela est fait dans Godzilla II avec une subtilité pachydermique et un extrémisme assez ridicule de la part de certains de ses personnages (Thanos tenait sensiblement le même discours dans Infinity War avec plus de sens) qui n’auront en plus même pas pour le spectateur la satisfaction d’être punis pour leurs actes. Porter un message écologique a tout de la bonne idée, mais elle s’exprime ici de manière tellement forcée et manichéenne que l’on a du mal à réellement s’y investir.
Mais au vu de ce que nous apporte le scénario de son ensemble, on ne saurait être guère être étonnés d’un tel manque de consciencieusité.
Cela n’étonnera donc probablement pas grand-monde de dire que Godzilla II possède dans son scénario tous les défauts inhérents du blockbuster hollywoodien actuel, et en premier lieu un réel manque de développement de ses personnages. Si la figure tutélaire et quasi-divine de Godzilla se charge de donner au spectateur sa dose de grand spectacle (ce que nous évoquerons dans un court instant), les personnages et leurs relations sont définies de manière tellement faméliques que l’on a du mal à s’y investir et à réellement avoir peur pour eux.
Car ce qui marque dans un film catastrophe n’est pas tant la grandeur de la menace, ici représentée par Godzilla et les Titans ; c’est la manière dont le film va être capable de réduire cela à échelle humaine et y créer un véritable impact. Or, dans Godzilla II, la propension du film à complètement désincarner ses personnages et à n’en faire que des pantins au service du scénario crée un cruel manque d’attachement et donc empêche le film de réellement marquer le spectateur. Et pourtant, de scènes potentiellement marquantes, le film n’en manque pas ! Mort de personnages, déambulations de personnages dans un décor apocalyptique… Le film aurait tout pour être une expérience marquante. Mais il lui manque ce qui fait la différence entre un blockbuster lambda et une œuvre d’auteur : une âme. Une passion. Pour tout le bien qu’on peut dire de Michael Dougherty au niveau de sa représentation du monstre, on ne peut que fustiger une industrie complètement phagocytante qui empêche l’expression d’un message profond et le développement de personnages autre que pour être les instruments d’un scénario qui enchaine scène d’action sur scène d’action sans jamais prendre le temps de se poser et de s’interroger sur l’intérêt et la qualité profonde de ses protagonistes. On ne saurait faire ce reproche au seul Michael Dougherty, tant on connait l’industrie monstrueuse en coulisses dont le film est une nouvelle et accablante expression. Mais l’inconséquence des actions, le manque d’un véritable rapport à l’humain, ne sont que l’expression d’un cinéma du vide, qui ne crée rien de marquant sur le long terme.
Et que cela est dommage ! Car en terme de pur produit d’action qui souhaite offrir à son spectateur sa dose de spectaculaire, le résultat est indéniablement réussi. Usant de toute la panoplie de ce genre de films catastrophes pour faire ressortir toute la grandeur de ces monstres (contres-plongées et plans serrés de rigueur, offrant à ces monstres une place prépondérante dans le cadre), on sent dans Godzilla II une véritable passion pour ces Titans, une véritable envie de les sublimer. Tous ont un design absolument splendides et inspirés, qui donnent une vraie dynamique aux images, et nombreux sont ceux qui auront droit à de purs moments d’iconisation, ralentissant le montage pour le plaisir d’une image marquante. Des monstres extrêmement bien mis en scène et dont les affrontements sont impressionnants. Des affrontements autour desquels les excellents Ken Watanabe et Kyle Chandler tirent leur épingle du jeu par une très bonne performance.
Mais en disant ça, on a tout dit et rien dit à la fois. Car rien n’est plus frustrant qu’un spectacle grandiose amenuisé par un récit faussement émotionnel et réellement décevant. Et rien n’est plus frustrant qu’un Godzilla impressionnant couplé à des personnages ennuyants. Il est ainsi intéressant de tirer de Godzilla II un double parallèle sur le cinéma et son rapport au monde. Car si Godzilla, le personnage, est l’expression sans doute d’un message d’alerte sur l’Homme et sa propension à la destruction qui lui causera sa probable perte (et de Godzilla comme la réponse d’un monde animal plus intelligent et respectueux que ne le sera jamais l’Homo Sapiens), Godzilla II, le film, est le symptôme d’un système de production en panne artistique, dont la richesse financière n’a d’égale que sa pauvreté cinématographique. Godzilla représente donc à lui seul toute la tragédie d’un système qui court à sa perte. Si ce film n’en est peut-être pas l’exemple le plus probant, ses nombreux points d’échecs ne sont que des blessures ouvertes qu’un système étouffant tente vainement de cacher.
Godzilla, titan aux pieds d’argile ? Peut-être, mais c’est bien loin d’être sa faute…
Note
6/10
Syndrome d’un système en panne d’inspiration, Godzilla II – Roi des Monstres n’est, malgré de bonnes intentions, qu’une coquille vide sans âme, dont le gigantisme visuel est diminué par un récit faussement dénonciateur et sans grande envergure.
Un blockbuster lambda, un de plus.
Bande-annonce
0 Comments
Arthur Dupont
« 65 ans et 33 longs-métrages derrière lui » 33 ? Je compte 35 films Godzilla personnellement, où sont les deux qui manquent ? x)
Angelilie
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers. Au plaisir.