Deauville Deauville Deauville. On dit son nom trois fois et il apparaît : le semi-centenaire du festival (pour lequel on a rappelé Natalie Portman, après les grèves de l’année dernière) a débuté avant-hier, le 6 septembre 2024.
Les festivaliers retrouvent le chemin des planches et du casino sous un ciel gris chargé, et s’agglutinent – plus que d’habitude et en râlant – devant l’entrée du CID. Il y a les nouveaux festivaliers, ceux qui demandent leur chemin, les professionnels du métier, qu’on devine plus qu’on ne les voit, et les habitués, qui abordent le festival comme on le fait pour un vol long courrier (pantalon ample confortable, chemisette décontractée, gilet sous le bras et écharpe dans le sac, au cas où on s’assoit sous la clim). Et puis il y a nous, qui pour la première fois de l’année, reposons délicatement nos derrières dans la mousse exquise des fauteuils pour Sing Sing, le premier film de la compétition.
Sing sing (Compétition)
Ce n’est pas un film où l’on chante, Sing Sing est une prison. Greg Kwedar le réalisateur, nous parle de l’émancipation par l’art, comme quoi la liberté n’est pas physique mais spirituelle, et après une construction timide – et franchement un peu longue – le film s’émancipe pour nous sortir des émotions fortes de nulle part. Toujours humble et jamais tire-larmes, Sing Sing échappe à tous les pièges qu’on aurait pu tendre à un film de la sorte. On a peur que le reste de la compétition ne paraisse fade à côté de celui là…
The Strangers' Case (Compétition)
Nous n’avons jamais vu autant de monde pour des projections de films en compétition. La salle est pleine à craquer, c’est bon signe. On attendait rien de The Strangers’ Case, et c’est un film qui a fait beaucoup parler. C’est une démarche formidable car c’est un sujet qui est plus que d’actualité (l’Ukraine, Gaza…), et oui, montrer le quotidien de civils qui subissent des guerres ou des assauts armés/bombardements c’est honorable. Mais il n’y a pas de personnages dans le film (enfin si…il y en a trop). On a beau nous balancer du sensationnalisme (questionnable) à foison, s’il n’y a pas de personnages ou de figures à qui s’identifier, on se retrouve devant un joli tour de manège, efficace seulement dans sa durée. C’est une vraie mosaïque de choses horribles qui prennent au ventre parce qu’on est au cinéma et que c’est relativement bien fait, mais ce n’est pas un film qui va changer quoi que ce soit parce qu’on ne prend conscience de rien, ou du moins pas pour longtemps (le travail du son est phénoménal malgré des erreurs d’inattention qui font problème technique).
Speak no evil (Première)
Remake du film Danois de 2022, comédie noire qui vire à l’horreur : c’est jouissif de A à Z, et surtout dans une salle pleine qui applaudit la vengeance à coup de marteaux dans le crâne. James Watkins est très fort pour construire ce malaise qui nous force à rire, en faisant toujours passer son montage par des reaction shots parfaitement rythmés. C’est un film duquel on ressort heureux, tout de suite rattrapés sur le tapis rouge par la pluie rageuse et morne de Tim Burton.
Beetlejuice Beetlejuice (Première)
Nous aussi si on sortait avec Monica Bellucci, on lui écrirait des rôles qui ne servent à rien. Personne n’est venu présenter le film, c’est dommage, c’est un film qui aurait pu gagner à nous attendrir au préalable. On a l’impression de voir Tim Burton agiter des références décousues pendant deux heures, si bien qu’il est impossible de savoir quel est le public visé : ses fans qui l’aiment déjà ? ceux qui ne l’aiment pas ? les jeunes ou les moins jeunes ? les nostalgiques ou les novices ? Nous n’en savons rien, nous sommes complètement perdus, et nous pensons qu’il l’est aussi (en réalité, il s’amuse, et il en à plus rien à faire). Beetlejuice Beetlejuice n’est appréciable qu’au microscope, quand on prend chaque gag et idée séparément. Tout ensemble, ça fait de la bouillie.
Reprise de la compétition demain matin à 10h, après une première journée plus que prometteuse.
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