Tous les matins, on se lève, on sort de l’appartement et c’est comme si on allait au ski. La répétition (tous les matins à 9h10 sur le trottoir), le vent frais, les nuages gris, l’air tiède…il ne manque plus que le roulement incessant des remontées mécaniques pour que l’on imagine des montagnes enneigées par derrière les toits pointus des maisons. Mais Deauville n’est pas à la montagne et pour la première fois ce matin, le ciel nous a laissé apercevoir…la mer.
Noël à Miller’s Point (Compétition)
On a vu le casting et le résumé juste avant le début du film, on s’est regardé et on a dit “Grand Prix !”. Il y a Michael Cera, Francesca Scorsese, c’est un film de Noël sur une famille très nombreuse assise autour d’une toute petite table. Si le Centre International Deauville rigole, ça gagne à coup sûr…ultime déception.
La moitié des blagues tombent à plat ou passent inaperçues. Et si seulement cela était le principal problème ! Parce qu’une comédie ratée peut encore être émouvante et on pardonnerait un humour qui n’est pas le nôtre. Quand on fait un film avec autant de personnages (en l’occurrence là il y en a trop, carrément une trentaine), il n’y a vraiment qu’une seule chose qui compte : faire comprendre qui est qui (voir le soir de Noël dans Fanny & Alexandre). Complètement raté ici. Impossible de ne vous citer ne serait-ce qu’un prénom.
On s’égare dans une sortie entre jeunes, laissant les conflits familiaux intéressants que le film avait ouvert dans son premier quart, conflits souvent réglés en une scène, pas plus. Très frustrant, on attendait un éclat. Et malgré la déception de l’espoir qu’on laisse tomber, quand on est sorti du cinéma, le ciel était enfin bleu à Deauville.
The Knife (Compétition)
Dixième film dans cette compétition en demi-teinte, sans réel succès pour l’instant (sauf pour Color Book et encore, je pense qu’on est peu à avoir vraiment aimé). The Knife est un film merveilleusement monté, notamment avec l’insertion de flashback presque subliminaux et silencieux. Ces derniers ramènent la vérité sur les lèvres des personnages juste au moment où ils doivent mentir. Ça fait très Alain Resnais et c’est très astucieux. Le problème, c’est que le générique de fin est identique à celui du début (il s’imprime carton par carton sur l’image). Après 1h22 d’un film partiellement refermé, on a l’impression, en cette fin, de voir le réel début du film. En gros, ça commence quand ça termine. Il n’y a que Jeanne Dielman qui a le droit de faire ça ! The Knife aurait été un film vraiment formidable s’il avait fait 25 minutes. Ou à l’inverse 140.
Il fait enfin beau. On peut retourner sur les planches entre les séances, le temps de se prendre un verre au Bar du Soleil, et on y retourne, pour la première mondiale de…
Silver Star (Première)
Lola Bessis et Ruben Amar exportent le cinéma français aux États-Unis. C’est un cinéma nerveux, à l’épaule, en longue focale. L’exercice est poussé à l’extrême. L’étroitesse et la vivacité du cadre rendent malheureusement certaines scènes relativement indigestes et illisibles, sur un écran aussi gros ça fait presque mal aux yeux. Mais cela nous montre bien que peu importe la forme que peut prendre un film, quelque soit son pays, son budget, ses décors, ses acteurs etc., tant qu’il y a une histoire solide et des personnages forts, on est embarqués.
Est-ce que Silver Star nous embarque ? Oh boy…Il faudra courir voir ça à sa sortie. Déjà pour retrouver Grace Van Dien qui, après s’être faite désarticuler dans Stranger Things, trouve ici un rôle complètement déjanté qu’elle incarne à la perfection, mais aussi pour cette relation qui sort d’on-ne-sait-où, touchante et pudique.
DAISY RIDLEY !! Pardon. Mais elle est là ce soir à Deauville, pour recevoir son prix du Nouvel Hollywood des mains de Salim Kechiouche, membre du jury de la révélation. Ça parle, c’est comme d’habitude, sauf qu’il y a un accent anglais ce soir. On enchaine avec un prêt de Cannes et de Thierry Frémaux :
La Plus Précieuse des marchandises (L’heure de la Croisette)
Traumatisant. Michel Hazanavicius doit être de ceux qui pensent qu’on ne peut pas filmer ces choses-là (comme le fait Spielberg par exemple), à moins de faire comme Resnais, Lanzmann ou Glazer et de trouver un moyen. Hazanavicius fait ici le pari de l’animation, qui s’avère payant. On ne nous parle pas frontalement des horreurs de la guerre (sauf dans une séquence cauchemardesque qui fait détourner les yeux). On regarde une sculpture s’embraser dans le feu, un linge posé sur une table, un reflet dans une glace…on regarde une gare vivre avec Jean-Louis Trintignant en voix-off qui nous explique que c’est l’amour qui fait que la vie continue. Que le reste est silence.
On rentre chez nous intimidés, rabaissés par le poids du film (dont vous pouvez découvrir le retour de Mattéo, lors de sa projection à Cannes, juste ici). Demain, c’est l’avant dernier jour de compétition au festival de Deauville. Que le temps passe vite…
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